L’UE s’apprête à infliger mercredi à Google une nouvelle amende de plusieurs milliards d’euros, cette fois dans le dossier antitrust Android, selon plusieurs sources, une décision qui risque de détériorer encore ses relations avec les États-Unis.
Lors d’un entretien téléphonique mardi dans la soirée, la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, était censée informer de sa décision le numéro un de Google, Sundar Pichai, selon une source proche du dossier. L’exécutif européen comme la firme de Mountain View ont refusé de commenter cette information.
Cette sanction financière, destinée à punir l’entreprise américaine pour avoir abusé de la position dominante de son système d’exploitation pour smartphone, Android, pour asseoir la suprématie de ses propres applications et avant tout son service de recherche en ligne, devrait probablement pulvériser le dernier record. Ce record est détenu par Google, condamné par la Commission européenne, le 27 juin 2017, à payer 2,42 milliards d’euros pour avoir abusé de sa position dominante dans la recherche en ligne en favorisant son comparateur de prix « Google Shopping », au détriment de services concurrents.
En pleine guerre commerciale
Le montant de l’amende est décidé au dernier moment et peut atteindre théoriquement, selon les règles de la concurrence européenne, jusqu’à 10% du chiffre d’affaires global de l’entreprise, qui s’élevait pour Alphabet, maison mère de Google, à 110,9 milliards de dollars en 2017 (94,7 milliards d’euros).
Cette nouvelle sanction contre le géant américain arrive dans un contexte particulièrement tendu entre l’UE et les États-Unis, avec qui les sujets de friction ne manquent pas, comme sur l’Otan ou le commerce. Mercredi prochain, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, doit d’ailleurs se rendre à Washington pour tenter de désamorcer le conflit commercial qui oppose l’UE au président américain Donald Trump, prêt à taxer les importations de voitures européennes dans son pays.
Le dossier antitrust Android – système d’exploitation utilisé pour 80% des appareils en Europe et dans le monde – est dans le collimateur de la Commission européenne depuis plusieurs années. Dans ses griefs adressés le 20 avril 2016 à Google, la Commission européenne accusait premièrement l’américain d’obliger les fabricants de smartphones, comme le coréen Samsung ou le chinois Huawei, à préinstaller « Google Search » et de le paramétrer comme service de recherche par défaut, ou exclusif, sur la grande majorité des appareils sous Android vendus en Europe.
Troisième fer au feu
La Commission accusait deuxièmement Google d’avoir empêché les fabricants de vendre des smartphones fonctionnant sous des systèmes d’exploitation concurrents, et troisièmement d’avoir accordé des incitations financières aux fabricants et aux opérateurs de réseaux mobiles à la condition qu’ils préinstallent en exclusivité Google Search sur leurs appareils. Après plus de deux ans de discussions, la firme de Mountain View n’a pas réussi à convaincre l’exécutif européen. L’amende record devrait être assortie d’une injonction à changer de comportement dans un délai de 90 jours.
Dans le cas antitrust Shopping, Google avait proposé des remèdes en septembre, toujours en cours d’examen par la Commission européenne. Le groupe californien avait également déposé en septembre 2017 un recours contre l’amende de Bruxelles, devant la Cour de justice de l’UE à Luxembourg, ce qu’il ne devrait pas manquer de faire non plus dans le dossier Android. Étant donné la complexité des affaires, il faudrait compter environ deux ans avant une décision de la justice.
Outre Shopping et Android, la Commission européenne a un troisième fer au feu contre Google : ses pratiques publicitaires. Elle lui reproche depuis le 14 juillet 2016 d’avoir abusé de sa position dominante avec sa régie publicitaire AdSense (80% du marché en Europe) en limitant artificiellement la possibilité pour les sites web tiers d’afficher les publicités contextuelles émanant de concurrents. Là aussi une amende pourrait se profiler.
Le Quotidien/AFP