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«Dans 10 ou 20 ans, l’e-sport aura le même chiffre d’affaires que la FIFA»


Des milliers de spectateurs assistent aux grandes compétitions d'e-sport. Ce week-end, pas moins de 300 000 personnes sont attendues à la Paris Games Week. (photo DR)

Ce samedi, à 18h, se déroulera la première phase qualificative de l’Euro-2020 sur le jeu Pro Evolution Soccer. L’occasion de demander à Fabio De Aguiar, fondateur de 11F Gaming, ce qu’il en pense.

Véritable phénomène de société, l’e-sport se développe à vitesse grand V à travers le monde. Si le Luxembourg n’en est qu’à ses débuts, Fabio De Aguiar est convaincu : l’avenir appartient au e-sport.

Quelle est votre relation avec le sport ?
Fabio de Aguiar : J’ai joué au foot à Schifflange. Milieu de terrain défensif, j’ai arrêté à 26 ans après huit saisons en équipe première. Je devais me consacrer à la création de 11F. Une société toute nouvelle dont le principe n’existait pas encore au Luxembourg. Mais, qui sait, peut-être qu’un jour je reviendrai au foot. D’ailleurs, j’ai mes diplômes C2 et C1 d’entraîneur.

En 2012, vous créez la page Facebook 11F. Est-ce un clin d’œil à 11 Freunde, le célèbre magazine allemand de football ?
Non, rien à voir, je ne savais même pas que ce magazine existait. Au début, on avait pensé à Eleven Friends, car on est onze sur un terrain, onze amis. Après, on a pensé à une abréviation et c’est comme ça que nous est venu 11F. Deux chiffres, une lettre, c’est un bon logo. Facile à retenir, d’autant qu’Adidas avait une chaussure qui s’appelait F11. Sur la page, on parlait de football, on organisait aussi des tournois sur Playstation 4, mais on ne s’y consacrait pas. Un jour, un membre de la communauté nous a dit qu’on devrait faire des tournois FIFA. En 2016 s’est donc ajouté 11F Gaming et en 2018, 11F Movie, une page relative au cinéma, aux dessins animés japonais et aux séries Netflix. Mais les trois ont un lien avec le gaming.

Comment et pourquoi avez-vous décidé de créer 11F ?
En 2012, Facebook a permis de créer des pages. Notre grande inspiration était et reste Sportbible. Une page suivie par des millions d’internautes. Et je me suis dit que ça n’existait pas au Luxembourg. Le but était de toucher le public luxembourgeois en luxembourgeois. L’autre raison était de créer une plateforme sur laquelle les gens pouvaient discuter et échanger. Ça a tellement bien marché qu’avec Dany Fernandes, que j’ai rencontré entre-temps, on a fondé la société 11F Luxembourg.

 Le Luxembourg Gaming Xperience a attiré 14 000 visiteurs !

Vous évoquez la « communauté ». Comment se sont déroulés les débuts de 11F ?
Après 30 jours, on comptait 2 000 followers et, maintenant, on est presque à 40 000 followers à travers nos différents titres répartis sur quinze pages (Facebook, Instagram, YouTube…). En 2019, on a fondé 11F Media. La page existe déjà, mais elle est en voie de développement. C’est un concept où l’on aura accès à des vidéos, des podcasts…

En 2016, vous créez 11F Gaming. Y avait-il une réelle demande ?
Oui, cette page compte 12 000 membres.

Combien de salariés compte 11F Media ?
Pour toute la structure, on compte quatre salariés.

Quel est votre modèle économique ?
Nous n’avons pas du tout suivi la voie du média traditionnel. On ne fait pas du print, juste du digital. On travaille beaucoup via les réseaux sociaux. On touche le public d’une autre manière via des influenceurs. Ça existe beaucoup à l’étranger, moins au Luxembourg.

À l’heure actuelle, quelle est la situation de l’e-sport au Luxembourg ?
On est en retard par rapport aux pays étrangers. Mais nous travaillons tous les jours avec les communes, l’État et j’espère qu’en 2020 on recevra des subsides, car, pour l’instant, on n’a rien du tout. Aucun soutien sur le plan financier. Ceci dit, l’événement majeur de la Grande Région ne se déroule pas en Allemagne, en Belgique ou en France, mais au Luxembourg : le Luxembourg Gaming Xperience a attiré 14 000 visiteurs ! C’est LE plus gros événement e-sport de la Grande Région. Et c’est très bon pour le développement. J’ai d’ailleurs reçu beaucoup de demandes de « meetings ». De plus en plus d’entreprises investissent dans ce milieu. Reste à espérer que les communes et les ministères s’y intéressent eux aussi. C’est indispensable au développement de l’e-sport au Luxembourg.

À quel ministère demandez-vous de l’aide ?
Au ministère des Sports, en espérant que l’e-sport soit un jour reconnu comme sport.

Pour cela, il faudrait déjà qu’il y ait une fédération…
Nous sommes en discussion avec des experts. Mais ça touche d’autres secteurs d’activité comme l’éducation, le tourisme, la culture, l’intégration….

Avez-vous une idée de quand elle pourrait voir le jour ?
Je ne pourrais pas vous dire. On a ouvert les discussions.

Je fais à peu près le même boulot que l’agent de Cristiano Ronaldo

Fabio De Aguiar (photo : dr)

Fabio De Aguiar (photo DR)

Vous parliez de tourisme. En quoi l’e-sport peut être intéressant d’un point de vue touristique ?
Comme en football, ça génère des émotions. Si un événement se déroule au Luxembourg, ça va attirer du monde. Les fans viennent soutenir leurs équipes. Et puis, il existe une grande diversité de disciplines. L’e-sport ne se résume pas au foot. Il y a plus de 4 000 jeux, soit, si vous voulez, 4 000 disciplines. Il faut vraiment arrêter de se poser la question: Est-ce que l’esport, c’est du sport. L’e-sport n’est pas une catégorie de sport, mais c’est tout un univers parallèle à coté du sport traditionnel. Les disciplines du sport traditionnel comme par exemple le football, le basket-ball ou la natation se retrouve aussi dans l’e-sport, sauf que ces disciplines se définissent en jeux : League of Legends, Fifa, CSGO, Rocket League, Overwatch,…. Ce sont donc deux univers complètement différents, mais qui ont un fort lien en commun quand même. Car on a des sessions d’entrainement, des compétitions, des joueurs pro, des millions de spectateurs, les fans, les équipes, les coachs, les managers, etc.

Suivre un match de football est-il comparable à suivre un match d’e-sport ?
Oui, tout à fait. Si on prend le cas de FIFA, on peut établir un vrai parallèle dans la mesure où l’on peut décider d’exercer un pressing haut ou non, jouer sur les côtés ou non, être capable de lire la stratégie de l’adversaire, etc. Cet aspect technique très intéressant est très apprécié par les amateurs. Mais changeons de discipline, prenons par exemple League of Legends, pas moins de 27 millions de personnes s’y connectent et y jouent quotidiennement ! Ce dimanche va se dérouler la grande finale (NDLR : lors de la Paris Games Week) devant des milliers de fans !

Dans les sports collectifs, il y a une forme d’identification du spectateur vis-à-vis de son club. Est-ce le cas en e-sport et le développement passe-t-il par la création de clubs ?
Pas forcément. Tu supportes une équipe comme Fnatic par exemple, mais celle-ci est considérée plus comme une entreprise au sein de laquelle peut évoluer, admettons, un Suédois, un Allemand, un Français… Mais le Bayern Munich aussi est une entreprise. Au même titre que le PSG. Avant ce n’était que des clubs… Je précise d’ailleurs que si le football a mis cent vingt ans à devenir ce qu’il est aujourd’hui, dans 10 ou 20 ans, l’e-sport aura le même chiffre d’affaires que la FIFA. Mais de plus en plus de clubs de football ont une section e-sport.

Le FC Differdange 03 et le Progrès Niederkorn en avaient chacun un, non ?
Oui. Diogo Santos joue toujours pour Niederkorn. Par contre, Differdange n’a pas renouvelé le contrat de Francisco « Ciscinho » Muñoz, qui a arrêté l’e-sport. « Ciscinho » est libre, mais qu’il joue pour un club ou non, il reste toujours un joueur de 11F qui l’accompagne sur son chemin. D’ailleurs, nous sommes en contact avec plusieurs clubs intéressés par Ciscinho.

Étrangers ?
Non, Luxembourgeois. Certains voudraient s’appuyer sur lui pour créer une section e-sport.

Diogo Santos et Francisco Muñoz sont-ils considérés comme professionnels ?
Être pro, ça voudrait dire pouvoir vivre de cette activité. Or Diogo Santos est encore étudiant et Francisco travaille. Ce sont donc des semi-professionnels.

Vous êtes donc agent de joueurs e-sport. Est-ce comparable à un agent classique ?
C’est exactement les mêmes démarches : négociation de contrats, sponsoring, etc. Je fais à peu près le même boulot que l’agent de Cristiano Ronaldo. Ma démarche est de soutenir le joueur tout au long de sa carrière.

Les joueurs e-sport perçoivent-ils un salaire ?
Les meilleurs au monde gagnent beaucoup d’argent, mais dans le cas de Diogo et Francisco, disons que l’argent qu’ils touchent leur permet de payer l’entrée des tournois, l’hébergement à l’hôtel… Ça leur permet juste de couvrir leurs frais.

Combien y a-t-il de joueurs e-sport au Luxembourg ?
Difficile à dire… D’après une statistique, 70% des salariés jouent régulièrement à un jeu. Ceci étant, ça ne fait pas d’eux des joueurs e-sport, ces derniers appartiennent à l’élite.

Ce samedi 9 novembre et le lundi 25 novembre se déroulera la première phase qualificative pour l’Euro-2020 sur Pro Evolution Soccer (PES). Qu’en pensez-vous ?
Les demi-finalistes de ces deux dates seront qualifiés pour un play-off dont la date n’est pas encore définie. Cette initiative de l’UEFA, à laquelle vont prendre part 54 pays, est évidemment une bonne chose ! Après, que ce soit sur PES et non sur FIFA, ça doit être pour une histoire de contrat. L’UEFA et la FIFA ne sont pas toujours d’accord sur tout (il rit). Ceci étant, j’ai hâte de connaître le nom des deux représentants du Luxembourg.

Vos deux protégés sont-ils favoris ?
Diogo ne participe pas. Francisco, qui joue d’habitude sur FIFA, a acheté le jeu afin de se préparer pour samedi. Pour moi, il fait toujours partie des favoris quand il prend sa manette en main.

Ces qualifications se dérouleront en ligne. Auriez-vous préféré que cela se fasse dans une salle ?
L’UEFA a décidé que cela se déroulerait en ligne et ça se comprend, c’est plus économique. Il n’y a juste que la dernière phase, celle qui réunira les 16 meilleurs pays, qui se déroulera à Londres.

Et vous, vous jouez encore ?
Oui, un peu, 1 à 2 heures par jour. Mais rien de comparable avec un gameur. Et puis, à 33 ans, on n’a plus les mêmes réflexes qu’à 18 (il rit)

Entretien avec Charles Michel

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