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Foot : la CAN, éclaircie dans une économie camerounaise au ralenti


pour l'économiste Dieudonné Essomba, "la CAN ne peut avoir un effet macroéconomique fort" (Photo AFP)

La Coupe d’Afrique des Nations de football (CAN), qui se déroulera début 2022 au Cameroun, est la « lueur d’espoir » d’une des principales économies de la région, qui tourne au ralenti, frappée par la crise du Covid et deux conflits sur son territoire.

Mohammed poursuit son client sur plusieurs mètres pour le convaincre d’entrer dans sa boutique, au marché artisanal de Douala, la capitale économique. « Pour toi mon frère, ce sont les soldes! », s’écrit-il.

Statues de bois, masques artisanaux, colliers de perles… Chaque échoppe ressemble à une caverne d’Ali Baba, paradis des chineurs de passage. Pourtant, seuls quelques marchands peuplent les allées jadis encombrées de visiteurs de cette plaque tournante de l’artisanat d’Afrique centrale.

Pour les artisans et commerçants, la CAN, organisée par le Cameroun en janvier 2022 après avoir été deux fois reportée, est une « lueur d’espoir », « un leitmotiv », « un objectif » dans une période marquée par un fort ralentissement économique.

« On a eu d’abord la crise de Boko Haram dans l’extrême-nord, puis le conflit séparatiste en zone anglophone. Le Covid-19 nous a achevés », souffle Mouhamadou Isolha, président du marché de l’artisanat de Douala. « On a eu des mois très compliqués. Plus aucun visiteur ne venait. Nous vivons quelque chose de jamais vu », poursuit-il. « La CAN peut changer beaucoup de choses avec l’affluence de touristes et de spectateurs », estime-t-il.

Espoirs

A Yaoundé et Douala, les deux plus grandes villes du pays, qui accueilleront plusieurs matchs de la compétition, la CAN est attendue avec impatience. Les Camerounais se réjouissent du retour de la fête, rêvent d’exploits des Lions indomptables, l’équipe nationale, et espèrent tirer profit de la compétition pour faire des affaires. Dans le pays de Paul Biya, 88 ans, dont plus de 38 au pouvoir, « la période ressemble à une fin de règne », selon le politologue Stéphane Akoa.

L’économie camerounaise, qui représente plus de 40% du PIB de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, est la plus diversifiée de la région. Mais un tiers des habitants vit avec moins de deux euros par jour et le taux de pauvreté atteint près de 40%. Le salaire minimum y est de 36.200 francs CFA (55 euros).

L’épidémie de Covid a fait chuter les investissements publics, privés, et la consommation. Le secteur tertiaire a été le plus affecté, selon la Banque mondiale, notamment les hôtels, la restauration, les transports et les services publics.

« Nous avons été très touchés par le coronavirus et le report de la compétition », explique à l’AFP Françoise Puene, aux commandes de l’hôtel Franco à Yaoundé. « Pour nous, la CAN est la lumière au bout du tunnel. Nous avons investi 12 milliards de francs CFA (18 M EUR) dans l’avenir », raconte-t-elle, pendant que des ouvriers s’activent pour finir les travaux d’agrandissement de cet établissement 4 étoiles.

Mêmes espérances pour Alain Pokam, directeur depuis 15 ans de la société de tourisme et de transports Cameroon Tours Agency: « Un peu plus de 10 ans en arrière, les touristes revenaient régulièrement. Avec Boko Haram et la crise anglophone, ils ont maintenant le sentiment que tout peut changer à tout moment ». « J’espère que la CAN donnera aux touristes le goût de revenir au Cameroun », confie-t-il.

« La CAN apparaît comme une activité de souveraineté, de rayonnement international et de prestige de l’Etat camerounais », selon Narcisse Mouelle Koumbi, ministre des sports et président du comité organisateur de la CAN. « Elle induit aussi une formidable opportunité pour l’aménagement du territoire, en termes d’infrastructures sportives, routières, hospitalières ».

« Endettement vicieux »

Mais pour l’économiste Dieudonné Essomba, « la CAN ne peut avoir un effet macroéconomique fort ». « Les stades construits sont des investissements de prestige mais n’ont pas un impact structurant sur la vie des populations », déclare-t-il à l’AFP. « Le Camerounais moyen a besoin d’eau, d’emploi, d’accès aux soins ».

« L’impact est extrêmement marginal par rapport au coût de l’investissement », assure-t-il, avant de rappeler que la dette camerounaise du secteur public, évaluée à 10.687 milliards de FCFA (environ 16 milliards d’euros), soit 44,4% du PIB, « est déjà très élevée et sera très difficile à payer ».

Dans les rangs de l’opposition, Jean-Michel Nintcheu, un député du Social Democratic Front (SDF), a demandé des comptes au gouvernement et critiqué « un endettement vicieux » et « potentiellement improductif » avec plusieurs « rallonges opaques ». « On parle de plus de 3.000 milliards de FCFA (4,5 milliards d’euros) déjà consentis pour cet événement », explique-t-il à l’AFP, un chiffre que le gouvernement n’a pas confirmé.

Le député ajoute « qu’on aurait pu utiliser une partie de cet argent pour accompagner les opérateurs économiques, construire des hôpitaux et des écoles, investir massivement dans l’agriculture, dynamiser l’agro-industrie et renforcer l’offre en énergie électrique ».

LQ/AFP

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