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Remus Li-Kuo Chen : «Taïwan est un pays souverain et indépendant»


(Photo : bureau de la représentation de Taïwan à Bruxelles )

Depuis près de 75 ans, les relations entre les deux sœurs ennemies, Taïwan et la Chine, sont marquées par des tensions, encore montées d’un cran ces dernières semaines. Mais Taïwan reste déterminée à se défendre face aux menaces.

À la suite de notre entretien avec l’ambassadeur de Chine au Luxembourg, Hua Ning, le représentant de Taïwan auprès de l’UE à Bruxelles, Remus Li-Kuo Chen, a souhaité réagir et réaffirmer, par écrit, la position de Taïwan face aux menaces chinoises.

La Chine considère l’île de Taïwan, restituée par le Japon en 1945 après sa capitulation, comme partie intégrante de son territoire, selon le principe « Une seule Chine ». Que répondez-vous à cette assertion?

Remus Li-Kuo Chen : Pendant des années, la Chine n’a cessé de diffuser sur la scène internationale un « principe d’une seule Chine«  inventé de toutes pièces pour couvrir ses actions provocatrices et ses tentatives de perturber le statu quo dans le détroit de Taïwan, et pour justifier sa menace d’utiliser la force contre notre île. Nous réaffirmons que la République de Chine (Taïwan) n’a jamais fait partie de la République populaire de Chine (RPC) et que la RPC n’a jamais gouverné Taïwan. Nous élisons notre président et nos législateurs, nous avons nos propres forces armées, nous délivrons des passeports et des visas, et la grande majorité des Taïwanais n’a aucun intérêt à faire partie d’un pays autoritaire comme la Chine.

Taïwan n’a jamais fait partie de la République populaire de Chine et la RPC n’a jamais gouverné Taïwan

Nous entretenons des relations indépendantes avec d’autres pays. De nombreux pays ont établi des relations de coopération avec Taïwan dans les domaines économique, politique ou encore sécuritaire. Ce sont à la fois des faits historiques et la réalité, qui sont significatifs du statu quo qui existe depuis longtemps entre les deux rives du détroit de Taïwan. La paix et la stabilité dans le détroit ont une incidence étroite sur les développements mondiaux et ne constituent pas un problème interne à la Chine. Toute perturbation unilatérale de la situation par la Chine ne peut être tolérée.

Craignez-vous une invasion imminente de la Chine? Comment la population réagit-elle à cette possibilité? Que mettez-vous en place pour contrer cette éventualité?

Ces dernières années, notre île a été confrontée à des menaces de plus en plus agressives de la part de notre voisin autoritaire. De l’intimidation militaire quotidienne, des activités de « zone grise«  et des opérations d’influence aux cyberattaques et aux tentatives périodiques de coercition économique, la Chine a mené une série d’actions dans le but de semer le doute et de saper la confiance des Taïwanais dans notre mode de vie démocratique. Lorsque les citoyens ont vu les atrocités menées en Ukraine, ils ont su que cela pourrait aussi arriver à Taïwan. Mais le peuple taïwanais continue de faire face à ces menaces persistantes avec calme et sang-froid.

Nous achetons depuis longtemps des arsenaux militaires aux États-Unis. Nous avons également intensifié notre entraînement militaire afin d’être prêts à tout moment si la Chine veut déclencher une guerre contre Taïwan. Ce n’est qu’en renforçant nos capacités d’autodéfense que nous pourrons protéger plus efficacement notre sécurité et nos intérêts nationaux, ainsi qu’en obtenant davantage de soutien international. Le reste du monde devrait donc envoyer un message clair à la Chine pour qu’elle cesse de menacer d’utiliser la force contre Taïwan.

Se tourner vers les États-Unis ne mettrait-il pas de l’huile sur le feu? Ne pensez-vous pas que les États-Unis pourraient se servir de votre île pour mener une guerre (commerciale ou idéologique notamment) contre la Chine?

Tout comme les États-Unis garantissent à leurs alliés de l’OTAN d’apporter leur aide à la défense de l’Europe, ils soutiennent fermement depuis des décennies Taïwan et sa démocratie, sa sécurité et sa prospérité. Les relations taïwano-américaines sont construites sur la base de la réciprocité, de la liberté, de la démocratie, des droits de l’homme et de nombreuses autres valeurs partagées, il n’y a donc pas de problème à ce que « Taïwan se tourne vers les États-Unis« . La Chine a réagi de manière excessive lorsqu’elle l’a utilisé (NDLR : la visite de la présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen) comme prétexte pour réprimer davantage l’espace international de Taïwan et pour imposer de soi-disant sanctions aux individus et organisations concernés.

Face à l’expansion et à la provocation militaires de la Chine, Taïwan continuera à renforcer de manière proactive ses capacités d’autodéfense. Elle approfondira également les relations déjà étroites avec les États-Unis sur les questions liées à la sécurité afin de sauvegarder conjointement l’ordre international, fondé sur des règles, et d’assurer la paix, la stabilité et la prospérité dans le détroit de Taïwan ainsi que dans l’Indo-Pacifique. La Chine ne peut pas dicter comment Taïwan se fait des amis, ni comment nos amis veulent manifester leur soutien.

Le Honduras a récemment rompu ses relations diplomatiques avec Taïwan afin de renouer avec la Chine. C’est le huitième allié que Taïwan perd, qui n’est désormais reconnue que par 13 pays. Comment réagissez-vous?

Pendant des années, le gouvernement de Taïwan a mis en œuvre des programmes de coopération avec nos alliés diplomatiques qui profitent aux moyens de subsistance des gens et favorisent le développement national global. La Chine prend fréquemment des engagements ostentatoires pour inciter les alliés diplomatiques de Taïwan à changer de reconnaissance diplomatique. Cependant, une fois qu’elle a atteint ses objectifs diplomatiques, la Chine échoue souvent à tenir ses promesses, quitte à laisser ses « nouveaux alliés«  aux prises avec des dettes.

Par ailleurs, en détournant à plusieurs reprises les alliés diplomatiques de Taïwan, la Chine constatera que le peuple taïwanais sera plus éloigné d’elle et elle ne bénéficiera plus aucunement des relations entre les deux rives du détroit. La République de Chine (Taïwan) est un pays souverain et indépendant et ni la République de Chine (Taïwan) ni la République populaire de Chine ne sont subordonnées l’une à l’autre.

Comment définiriez-vous la relation entre Taïwan et l’UE, qui ne reconnaît pas l’île comme un pays? 

Sur la base de valeurs partagées et d’intérêts communs, Taïwan et l’UE ont établi des relations solides et d’importants partenariats dans divers domaines, notamment l’économie, l’investissement, les droits de l’homme, le travail, l’éducation, la technologie, la politique industrielle, l’économie numérique et la lutte contre la désinformation, pour n’en nommer que quelques-uns. L’engagement se fait par divers canaux et au moyen de plusieurs consultations annuelles. Taïwan et l’UE travaillent toujours en étroite collaboration pour identifier davantage de domaines d’échanges et de coopération en fonction des besoins.

Qu’en est-il plus particulièrement des relations avec le Luxembourg?

Bien que Taïwan et le Luxembourg n’entretiennent pas de relations diplomatiques, ils entretiennent des relations bilatérales bien développées. Par exemple, afin de favoriser les programmes d’échanges pour les jeunes entre Taïwan et le Luxembourg et d’élargir les horizons internationaux des jeunes gens, les deux pays ont signé en août 2018 le Working Holiday Programme (WHP), un programme vacances-travail qui permet chaque année à des jeunes, jusqu’à 40 d’entre eux, âgés de 18 à 35 ans, de travailler, voyager et étudier dans le pays de l’autre pendant un an.

Des associations sont aussi présentes au Luxembourg : l’Association Luxembourg-Taiwan R.O.C. et l’Association des Taïwanais de la Grande Région de Luxembourg, avec lesquelles nous avons d’ailleurs organisé un concert à Hesperange en février dernier.

Taïwan et le Luxembourg ont signé plusieurs accords et protocoles d’accord dans divers domaines pour approfondir leur coopération, tels que les transports, les droits d’expédition, la finance, la fiscalité, l’éducation, la Bourse. Le 17 mai 2022, le Parlement luxembourgeois a également adopté une motion sur le « Renforcement des relations économiques, scientifiques et culturelles avec Taïwan« , laquelle soutient non seulement la participation significative de Taïwan en tant qu’observateur aux réunions techniques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), mais encourage également le gouvernement à renforcer les relations économiques, scientifiques et culturelles entre nos deux pays.

Quels sont les domaines d’échanges commerciaux entre Taïwan et le Luxembourg et quel volume ces échanges représentent-ils?

En termes d’échanges de marchandises, le volume bilatéral de Taïwan avec le Luxembourg en 2022 représentait 63,83 millions de dollars américains. Les principaux articles commerciaux sont les pièces d’avions et d’hélicoptères, les outils manuels, les pièces automobiles et les métaux raffinés comme le cuivre. Le Luxembourg est un hub logistique important. China Airlines, une compagnie aérienne nationale taïwanaise, a d’ailleurs choisi le Luxembourg comme principal centre de transit de fret en Europe en 1989 et expédie depuis lors des produits taïwanais vers de nombreux pays du continent.

 

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