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Le délicat rapatriement des épouses mineures


La direction de l’Immigration suit les avis du parquet à la lettre et refuse le regroupement familial aux épouses mineures au moment du mariage. Le médiateur a fait valoir des exceptions. (archives Julien Garroy)

Les dossiers concernant les regroupements familiaux donnent souvent du fil à retordre au médiateur. Surtout quand l’épouse était mineure au moment du mariage.

Le médiateur, Claudia Monti, a vu débarquer un réclamant qui s’était vu refuser le regroupement familial pour son épouse et leurs cinq enfants. La raison ? L’épouse était mineure et représentée par son père à l’époque du mariage qui ne pouvait pas être reconnu du fait qu’il contreviendrait à l’ordre public international luxembourgeois, selon la direction de l’Immigration.

Quand elle s’est mariée, cette mère de famille était âgée de 17 ans et 10 mois et c’était il y a 12 ans. Le fait que le mariage ait été contracté alors que l’épouse était encore mineure entraînerait la contrariété à l’ordre public, ce qui fait qu’il ne saurait être considéré comme valable au Luxembourg. Dès lors, le lien familial serait inexistant, selon l’avis du parquet, toujours suivi par la direction de l’Immigration.

L’article 170-1 dit bien que le mariage est valable au Grand-Duché si les conditions de forme et de fond sont remplies «sous réserve du respect de l’ordre public international».

Le médiateur relève toutefois qu’il s’agit ici de reconnaître un mariage célébré valablement à l’étranger, ce que le Luxembourg se doit de faire selon la loi. Plus malicieusement, Claudia Monti rappelle que, 12 ans plus tôt, les premières discussions étaient entamées à la Chambre des députés pour relever l’âge légal du mariage pour les femmes de 16 à 18 ans et qu’il a fallu patienter jusqu’en 2014 pour que la loi soit votée et interdise le mariage pour les mineurs au Luxembourg.

«Donc, au moment où, dans le cadre du dossier soumis, les époux se sont mariés 12 ans plus tôt, ils auraient tout aussi bien pu se marier à Luxembourg dans les mêmes conditions», observe le médiateur. Claudia Monti trouve «excessif» d’invoquer l’ordre public pour s’opposer à la validité d’un mariage conclu il y a douze ans, duquel sont entretemps nés cinq enfants.

L’argument du parquet ne tiendrait plus dès lors que le code civil luxembourgeois n’exclut pas totalement la possibilité de mariage d’un mineur sur demande d’un parent avec l’autorisation du juge aux affaires familiales.

Plus surprenant encore pour le médiateur, la loi prévoit implicitement la possibilité du regroupement familial en cas de mariage polygame à condition de ne rapatrier qu’une seule épouse. «Une certaine contradiction peut être constatée dans le fait que l’ordre public serait heurté par la minorité d’un conjoint à l’époque du mariage célébré dans le pays d’origine, minorité ayant concrètement pris fin depuis longtemps, tandis que nous tolérons qu’un mari continue à être marié à plusieurs épouses à l’étranger», analyse le médiateur.

Dossiers revus

 La Commission européenne retient que si un État membre exige un âge minimal de la personne à regrouper, il doit quand même évaluer au cas par cas toutes les circonstances pertinentes de chaque demande, rappelle en substance Claudia Monti.

Pour contourner le problème, une autorisation de séjour pour des raisons privées est systématiquement proposée à la mère, sous certaines conditions légales. Mais cette solution s’applique seulement lorsque les couples dont le mariage n’est pas reconnu ont des enfants communs. La situation des épouses âgées de moins de 16 ans au moment du mariage et entretemps devenues majeures, sans enfant commun avec le regroupant, n’est toujours pas régularisée.

Le médiateur a tout de même constaté un changement de position au niveau du parquet. Contrairement aux premiers avis, les mariages avec des épouses ayant entre 16 et 18 ans au moment du mariage ont été valablement reconnus dans des dossiers ultérieurs.

Fort d’un avis favorable du parquet, le regroupement familial a ainsi pu être accordé à l’épouse âgée de 17 ans et 10 mois au moment du mariage et une autorisation de séjour lui a été délivrée, ainsi qu’aux enfants du couple.

Geneviève Montaigu

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