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Harcèlement en entreprise : des bourreaux… mais pas de travail


Stress élevé, nervosité, insomnie, mais aussi pensées voire actes suicidaires : le mobbing peut devenirune torture pour ses victimes. (illustration Editpress)

Des collègues qui vous ignorent ou vous humilient, des «petits chefs» qui vous font vivre l’enfer… En attendant – toujours – une loi pour le combattre, le harcèlement moral (ou mobbing) fait des ravages au Luxembourg. Près de 37 000 salariés en seraient victimes.

Au Luxembourg, on estime à 9% la part de personnes qui sont victimes de mobbing au travail. «Ce chiffre correspond à une estimation européenne. On ne peut pas vraiment donner de tendance précise, mais le phénomène est important, ça, c’est sûr», constate Monique Breisch. La dirigeante de l’ASBL Mobbing a fait le point sur une année 2017 toujours sur cette forme de harcèlement moral encore mal connue. Et pour cause : la loi censée l’encadrer se fait toujours attendre.

En attendant donc une définition légale, Monique Breisch donne la sienne : «Le mobbing peut se définir par une situation où on est harcelé de façon répétée et délibérée, portant atteinte à nos droits ou à notre dignité.»

Il s’agira par exemple de conditions de travail dégradées par des abus de pouvoir, des critiques permanentes, des fausses rumeurs, des menaces verbales ou physiques, des insultes…

Les femmes premières victimes

Premier enseignement du bilan de l’année 2017 : ce sont les femmes qui souffrent le plus fréquemment de mobbing (66% des dossiers de l’ASBL). Femmes qui restent bien plus concernées par le harcèlement sexuel (à 87%) que les hommes, surtout dans le domaine du commerce. Et femmes qui sont bien moins à l’origine de mobbing que les hommes, quel que soit le niveau de responsabilités dans l’entreprise.

Autre motif de harcèlement : le racisme. Là encore, les femmes en sont bien plus victimes que les hommes (à 75%), surtout dans le secteur des services collectifs.

Les personnes de nationalité luxembourgeoise ont représenté 42% des dossiers, suivi des Français (24%), des Belges (9%) et des Portugais (6%), ce qui reste cohérent avec l’origine des actifs au Luxembourg.

Les secteurs d’activité les plus touchés sont les branches du commerce, des banques et assurances et de la santé, suivies de près par les entreprises étatiques et l’éducation. Dans tous les cas, c’est le secteur privé qui enregistre le plus de dossiers (85%).

Autre tendance, mieux vaut travailler pour une grande entreprise : la plupart des cas sont constatés dans les TPE et PME. De même, mieux vaut être un «vieux de la vieille» qu’un nouveau venu : ceux dont l’ancienneté est inférieure à cinq ans sont les plus exposés au mobbing. On notera aussi que la majorité des victimes sont syndiquées (58%).

Un coût faramineux

Parlons maintenant des conséquences du mobbing. Les symptômes les plus partagés sont le stress élevé (96%), la nervosité (91%), l’insomnie (81%), la dépression (78%), mais aussi les activités de loisir réduites (66%), l’abus d’alcool (37%). L’ASBL a compté pas moins de 57 cas de pensées suicidaires et 10 tentatives de suicide. Le mobbing entraîne un absentéisme moyen de 7,1 semaines, déclenché souvent dès la première consultation chez un médecin (52%).

Au total, on compte près de 137 000 semaines de maladie provoquées par le mobbing, et le coût représente près de 100 millions d’euros de pertes (hors frais médicaux).

Enfin, sur les 113 dossiers clôturés par l’ASBL, 31 ont abouti à des courriers envoyés aux entreprises, et 17 à des entrevues avec les employeurs. Et au final, cette lutte contre le mobbing a conduit à 10 licenciements, dont 2 pour faute grave, et 3 démissions. Mais pour ces quelques sanctions obtenues contre des harceleurs, combien restent impunis ?

Romain Van Dyck

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