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Afghanistan : MSF Luxembourg reste sur tous les fronts


Au sein de l’unité néo-natale de la maternité de Khost, les bébés prématurés sont de plus en plus nombreux et souffrent d’importants retards de croissance. (photo : MSF Luxembourg/Oriane Zerah)

MSF Luxembourg continue de venir en aide à la population depuis le retour des talibans. La malnutrition des enfants est désormais source de grande inquiétude.

Six mois après le retour des talibans au pouvoir, elle se réjouit de savoir «la lumière de nouveau mise sur l’Afghanistan. Nous en avons besoin». Au bout du fil, la voix d’Anna Cilliers, coordinatrice médicale sur le terrain pour MSF Luxembourg, exprime un certain soulagement. Car depuis le retrait des troupes américaines et l’abandon de la population afghane par la communauté internationale, les humanitaires aussi se sentaient bien seuls et démunis. Anna Cilliers fait partie de ceux qui n’ont pas baissé les bras ni lâché ces centaines de patients, parfois des milliers, soignés sur les différents sites gérés par Médecins sans frontières. La responsable sillonne les villes des cinq provinces où est présente l’ONG luxembourgeoise : Herat, Khost, Kunduz, Kandahar et Lashkar Gah. Partout, elle voit se répéter «les mêmes histoires pour les femmes et les enfants». Des histoires qui racontent des accouchements dans la douleur, des urgences obstétriques, entre autres difficultés quotidiennes.

Et un fléau qui grandit chaque jour également : la famine. Quelque 22 millions de personnes – soit la moitié de la population – ont un besoin urgent d’aide, estiment les Nations unies. Elles ont lancé un appel aux dons la semaine dernière, afin de lever cinq milliards de dollars – un montant record – et tenter d’empêcher l’Afghanistan de sombrer dans la catastrophe totale. La somme collectée servira à étendre la livraison de nourriture et le soutien à l’agriculture, financer les services de santé, des refuges d’urgence, l’accès à l’eau et l’assainissement, etc. Une bonne nouvelle qu’Anna Cilliers espère voir se concrétiser au plus vite. «Toutes les aides extérieures sont les bienvenues, des fonds commencent à arriver et nous en sommes très contents. Mais les gens sont inquiets pour leur avenir», rapporte-t-elle de ses rencontres.

«Dialogue possible» avec les talibans

Le temps presse, surtout. Aujourd’hui, les équipes de MSF font face à une saturation des cliniques et unités pédiatriques par les prises en charge continues d’enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition. Elles ont triplé en un an. La mortalité infantile inquiète Anna Cilliers qui voit en outre de plus en plus de nouveau-nés «prématurés, trop maigres, trop petits». À la maternité de Khost, qui compte une centaine de lits, tous sont occupés en permanence. Constat identique à l’hôpital d’Hérat, où MSF dirige un centre nutritionnel thérapeutique. Un programme de nutrition a débuté à Kandahar, un autre est en projet à Kaboul. La faim justifie évidemment les moyens et les efforts à déployer.

Sans oublier que le système hospitalier afghan était déjà en grande précarité avant le retour des talibans. Les salaires des personnels n’étaient plus versés depuis plusieurs mois et tous peinent même à faire le plein de carburant. L’instabilité politique, si elle est forcément pesante, n’entrave pour autant pas le travail des humanitaires qui opèrent dans une relative sécurité. «Le dialogue avec les talibans est possible et ouvert. Nous sommes neutres et nous nous focalisons sur les patients. MSF Luxembourg étant présent en Afghanistan depuis des années, nous pouvons intervenir correctement où c’est nécessaire», atteste Anna Cilliers. Un moindre mal. Les talibans semblent justement demandeurs et ont d’ailleurs salué l’appel de l’ONU. «Nous avons besoin de nourriture et d’autres types d’aide humanitaire pour le peuple afghan, plus de 90 % des gens vivent en dessous du seuil de pauvreté», selon un de leurs hauts responsables, conscient que la crise économique, aggravée par la sécheresse, étrangle un pays asphyxié de toute part.

En attendant la bouffée d’air promise, Anna Cilliers et ses équipes n’ont pas le temps de souffler. Il leur faut œuvrer sur tous les fronts dans un pays miné par 20 ans de conflit. Comme à Kunduz, théâtre de violents combats au cours de l’été dernier, où l’unité de traumatologie accueille des blessés par balle ou par des attentats à la bombe. Leurs ambulances doivent aussi régulièrement se rendre dans des villages reculés, récupérer des habitants mal en point sans le sou ni la possibilité de se déplacer. Mais toutes les histoires, si elles se ressemblent, ne connaissent pas nécessairement une fin tragique. «On parvient à sauver des vies tous les jours», s’émeut Anna Cilliers. Un peu d’humanité qui résiste dans le chaos.

Alexandra Parachini

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