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Prise illégale d’intérêts : l’ex-bourgmestre de Sandweiler veut être acquitté en appel


Les faits reprochés remontent aux années 2009 à 2011, quand Charles Unsen était à la tête de la commune de Sandweiler. (Photo : archives lq/Hervé Montaigu)

La Cour d’appel s’est penchée cette semaine sur l’affaire Charles Unsen. En première instance, il avait été condamné à trois ans de prison, dont deux avec sursis, et 50 000 euros d’amende.

«J’ai fait appel, car je n’ai pas été acquitté.» Il y est allé droit au but en s’avançant à la barre d’appel. En moins de cinq phrases, l’ex-bourgmestre de Sandweiler Charles Unsen (74 ans) a résumé la raison de son appel. «Je n’ai rien à me reprocher. Je n’ai commis aucun des trois délits. Le tribunal m’a condamné sur base de suppositions et d’hypothèses.»

On parle de la condamnation pour prise illégale d’intérêts, corruption, faux et usage de faux dans le cadre de l’acquisition d’un terrain rue de Remich à l’automne 2010. Pour comprendre cette affaire, il faut se replonger plus de dix ans en arrière, l’époque donc où il se trouvait à la tête de la commune. La fonction de bourgmestre, il l’a occupée entre mars 2009 et fin 2011.

«Cette affaire a comme origine un complot politique», embrayera d’ailleurs son avocat, Me Albert Rodesch, dans sa plaidoirie. Le ministère public voit cette affaire toutefois sous un autre œil. Il y a suffisamment de faits objectifs : «La trame chronologique des évènements débouche sur un faisceau d’indices graves et concordants.»

Le bourgmestre paie moins que la commune

La commune de Sandweiler avait l’intention de faire un échange de parcelles pour résoudre un problème de longue date : la construction d’une canalisation. Un compromis d’échange a été conclu en 2008. Mais il n’a finalement jamais eu lieu. Car le propriétaire n’a plus voulu formaliser l’acte. En revanche, le fameux terrain a fait l’objet d’une vente. La commune a acquis la fameuse parcelle de 3 ares pour la somme de 215 000 euros.

Une parcelle de 3 ares, qui n’est pas classée dans une zone constructible, avec un pylône électrique pour un prix de 70 000 euros l’are… c’est là que cela se corse pour le parquet général. Sa représentante n’a pas hésité à parler d’«un prix faramineux» surtout quand on sait ce qui s’est passé ensuite. Le bourgmestre Charles Unsen a acquis pour ses besoins personnels un terrain de 9 ares – sur le point d’être classé dans le périmètre d’agglomération – à un prix de 16 500 euros de l’are de la même venderesse. Cerise sur le gâteau : cette dernière s’est ensuite vu octroyer un contrat de 40 heures par semaine (auparavant, elle en avait un de 20 heures) dans les services communaux.

La défense qualifie cette augmentation d’«histoire bidon». «Une femme de ménage effectue régulièrement des heures supplémentaires. Ce n’est pas dans l’intérêt d’une commune de payer des heures supplémentaires», argue Me Rodesch. Et d’ailleurs, tout cela serait passé par le conseil communal.

«Charles Unsen portait deux casquettes»

«Mais il faut se rendre à l’évidence que Charles Unsen, par son poids de bourgmestre, contribue à ce qu’il y ait une délibération dans ce sens», considère la représentante du parquet général. Et de résumer : «On peut dire qu’il portait deux casquettes, il s’est ingéré à titre privé et public.»

Ce qui dérange d’autant plus le parquet général, c’est que l’acquisition de la parcelle de 9 ares s’est faite bien en dessous de sa valeur marchande. «Un acquéreur était disposé à payer 470 000 euros. Il avait signé un compromis en septembre 2010. La venderesse aurait très bien pu signer l’acte avec cet acquéreur. Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait? Car concomitamment, d’autres accords ont été trouvés qui convenaient autant à elle qu’à Charles Unsen.» L’enquête a révélé que c’est le cabinet d’avocat de Charles Unsen qui lui avait à l’époque rédigé le courrier pour résilier la vente…

Affirmer que la venderesse a contacté Charles Unsen en désespoir de cause faute d’amateur ne tient donc pas la route. Elle l’accompagne d’ailleurs sur le banc des prévenus. Habiba Z. (48 ans) a été condamnée en première instance pour corruption, faux et usage de faux en relation avec le compromis de vente du 16 novembre 2010 à deux ans de prison avec sursis et 5 000 euros d’amende. Elle aussi conteste toutes les infractions. «Elle assure que si elle avait été consciente de se retrouver ici dix ans plus tard, elle n’aurait pas fait tout cela», plaide Me Giulia Jaeger qui demande son acquittement.

Le jour de la signature de l’acte notarié pour la parcelle de 9 ares, Charles Unsen avait aussi versé 100 000 euros sur le compte de Habiba Z. avec la mention «indemnité». Aujourd’hui il parle d’un prêt personnel. Le parquet général ne croit pas cette explication : «Ce n’est qu’après ouverture de l’instruction judiciaire qu’il y a eu une reconnaissance de dette.»

«Sursis intégral possible», d’après le parquet général

Les peines prononcées par la 12e chambre correctionnelle sont «appropriées» pour le parquet général. Voilà pourquoi il demande leur confirmation. Sa représentante constate toutefois qu’au moment des faits, Charles Unsen était un délinquant primaire. «Je ne vois pas pourquoi il ne devrait pas pouvoir bénéficier du sursis intégral sur les trois ans», a-t-elle laissé entendre vendredi matin au terme des deux jours de débats. Mais en ce qui concerne l’amende conséquente de 50 000 euros, elle «insiste sur la confirmation vu la gravité des faits».

C’est aussi à juste titre que les premiers juges auraient prononcé contre l’ex-bourgmestre une interdiction de remplir des fonctions, emplois ou offices publics pour la durée de cinq ans. Enfin, elle demande à la Cour d’appel de confirmer la confiscation de la parcelle de terre litigieuse.

La Cour d’appel rendra son arrêt le 4 mai, soit près de deux ans après le premier jugement. Avec la crise sanitaire, le procès a été plus d’une fois repoussé.

Fabienne Armborst

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