Aucun doute, selon le parquet, que l’auteur de la mort d’Ana Lopes est son ex-petit ami, Marco B. Dans son réquisitoire, jeudi, sa représentante a estimé «que son alibi ne tient tout simplement pas la route».
«Personne ne peut prouver le contraire de ce que j’ai dit», s’était exclamé le prévenu Marco B. (32 ans), l’ex-petit ami d’Ana Lopes, à la barre de la chambre criminelle. En détention préventive depuis début juin 2017, il clame son innocence. Pour le parquet, c’est toutefois bien lui le responsable de la mort de la jeune maman de 25 ans.
«Il lui a pris sa vie, a brûlé son corps et veut détruire sa réputation. Il ne veut rien laisser à cette femme. Il conteste les faits contre vents et marées et refuse un dernier brin de consolation à la famille : savoir le pourquoi et le comment.» Tels étaient les derniers mots du premier substitut Pascale Kaell, jeudi après-midi, au 15e jour du procès, avant de requérir la réclusion à vie contre Marco B.
«On peut exclure qu’Ana se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment», avait-elle commencé son réquisitoire. «L’auteur connaît forcément la victime : il connaît son adresse et ses habitudes. Il sait qu’elle est sortie ce soir-là. Et il connaît parfaitement sa voiture qui était garée à 470 m du lieu de l’agression.» Un autre élément qui lui fait dire que tout était «scrupuleusement planifié» est le fait que personne n’a entendu Ana crier alors qu’on est «dans un quartier résidentiel à Bonnevoie, à quelques mètres de son domicile» : «C’était un geste déterminé.» De même, le lieu de la découverte de son corps calciné n’aurait rien d’un hasard : «Le „Haferbusch“, à l’écart de la départementale D653 (aux abords de Roussy-le-Village), est un lieu isolé. Le but était de faire disparaître Ana!»
«Les enquêteurs ont passé au peigne fin l’entourage d’Ana. Et à l’exception du prévenu, personne n’était en conflit avec elle», poursuit la parquetière. Toute la famille de Marco B. affirme que la jeune femme était impliquée dans un trafic de drogue. Mais ces affirmations auraient au final plus renforcé les suspicions contre le prévenu qu’autre chose. La nuit des faits, il n’a «pas d’alibi valable», considère le parquet. De surcroît, ses déplacements le 15 janvier au soir, quelques heures avant la disparition d’Ana, interpellent. «Il tourne autour du domicile de la victime. Bizarrement c’est le même trajet qu’empruntera le meurtrier à bord de la voiture d’Ana avant de partir vers la France.»
Les chiens, «une histoire totalement farfelue»
La nuit des faits, Marco B. déclare avoir été à la maison. Son portable géolocalisé à 300 m de son domicile n’a effectivement pas bougé entre 22 h 51 et 6 h 21 et a été inactif. Sauf que cela n’est pas dans ses habitudes, car il est constamment «accroché à son téléphone». «S’il avait oublié le téléphone dans sa voiture, il l’aurait très vite remarqué et il aurait été le chercher.» Surtout s’il était occupé à regarder un film avec sa sœur, puis à promener les chiens, comme il le prétend.
«Une histoire totalement farfelue», comme ne manquera d’ailleurs pas de souligner la parquetière. «Cet alibi ne tient tout simplement pas la route.» Pour le parquet, tout cela prouve que Marco B. est rentré à la maison seulement au petit matin le 16 janvier 2017. En début d’après-midi, les données de géolocalisation de son portable ont permis de retracer un déplacement derrière la frontière. «On ne sait pas ce qu’il est allé faire en France. Il n’a pas pu être prouvé qu’il est passé au „Haferbusch“. Mais à la police il a commencé par mentir sur ses déplacements», soulève la parquetière.
Et enfin, il y a les traces sur les lieux du crime : le ruban adhésif de la marque Kip retrouvé à 55 mètres de la voiture incendiée contenant le corps de la victime. La face collante de l’entame contient l’ADN de la lignée paternelle de Marco B. La défense avait évoqué hypothèse du dépôt de l’ADN du fils de 22 mois par un transfert direct ou indirect par les mains de sa maman. Or pour la représentante du parquet, il n’y a qu’un scénario qui colle, celui qui veut que Marco B. a manipulé lui-même le scotch. «Je suis consciente que le raisonnement comporte des exclusions. Mais il faut prendre cet élément à charge en comparaison avec tous les autres éléments du dossier.»
«Je ne demande que ma liberté. Rien de plus»
De même, le serre-câble retrouvé sur le lieu de l’agression à Bonnevoie pourrait être mis en relation avec le prévenu. Car il serait de la «même marque et même dimension» que ceux saisis dans le garage à Howald où il travaillait. «Marco B. a dû attendre le moment propice pour la guetter», estime la représentante du parquet, qui demande donc de retenir la préméditation. Des circonstances atténuantes, elle n’en voit aucune. Voilà pourquoi elle requiert la peine maximale pour assassinat.
Lors de son dernier mot, Marco B. ne manquera pas de réagir à cette réquisition : «Je pensais que madame la procureur était raisonnable… Madame vient juste perturber le dossier. Elle ne prouve rien.» «Comme la défense, elle a le droit d’avoir sa vue sur le dossier. C’est notre charge d’apprécier», interviendra la présidente. «Je suis innocent. Je ne demande que ma liberté. Rien de plus», dira-t-il encore avant que la 13e chambre criminelle ne prenne l’affaire en délibéré.
Prononcé le 12 janvier.
Fabienne Armborst
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