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Bébé retrouvé mort dans l’Ernz Blanche : «La mère avait planifié son acte»


Le corps de la petite victime avait été découvert peu avant 19h après de longues heures de recherche près de Keiwelbach. La mère, qui avait tué son bébé dans la matinée, avait d'abord fait croire à un enlèvement...(Photo : archives lq/Hervé Montaigu)

Après avoir étranglé son fils de six mois et déposé son corps dans l’Ernz Blanche près d’Eppeldorf le 10 novembre 2015, la maman avait lancé une alerte au rapt. Son procès s’est ouvert lundi devant la chambre criminelle de Diekirch.

Les grands moyens avaient été déployés ce 10 novembre 2015 autour de la petite localité d’Eppeldorf. Le secteur dans le nord-est du pays où la maman affirmait qu’on lui avait arraché son nourrisson avait été immédiatement quadrillé. Par hélicoptère aussi, les forces de l’ordre avaient ratissé les environs afin de retrouver la BMW noire avec une plaque d’immatriculation allemande. Cette voiture à bord de laquelle le ravisseur aurait pris la fuite en direction de Reisdorf. En appelant le 113 à 11 h 50, la maman du petit Ben, âgé alors d’à peine six mois, avait aussi raconté avoir été blessée au couteau en voulant le retenir…

L’affaire avait été confiée à la section protection de la jeunesse de la police judiciaire. Ses enquêteurs sont régulièrement sollicités dans les dossiers où les victimes sont des mineurs. Aujourd’hui encore, ils manquent de renforts au niveau personnel. Qu’ils n’aient pas eu, ce jour-là, affaire à un enlèvement, mais à un infanticide, ils ne l’avaient appris que quelques heures plus tard. Sur le lit d’hôpital de la mère qui avait été héliportée et opérée d’urgence…

Des recherches suspectes sur internet

Au fil des heures, plusieurs éléments avaient mis la puce à l’oreille des enquêteurs. La maman expliquait que le ravisseur s’était emparé de son fils dans son maxi-cosi. Mais les portes arrière du véhicule à côté duquel elle attendait l’arrivée des secours entre Beaufort et Eppeldorf étaient verrouillées. Dans ces conditions, compliqué d’en sortir l’enfant…

D’une voix très calme, elle avait par ailleurs fait le récit des évènements. Elle avait même eu le temps d’alerter l’école qu’elle ne pourrait pas aller chercher sa fille. Et puis il y a eu l’exploitation de son portable. Le matin même et déjà quelques jours avant les faits, elle avait effectué des recherches sur internet au sujet de la mort de nourrisson : chute dans les escaliers, étouffements, accident avec siège enfant… n’étaient que quelques-uns de ses mots clés.

Longtemps, la maman répètera sa version à la police. Même une fois réveillée de l’anesthésie. Toujours la même histoire d’enlèvement. Il est entretemps autour de 15 h. «Mais jamais elle n’a demandé si son fils avait été retrouvé», se souvient l’enquêteur. C’est seulement une fois confrontée à ses recherches matinales qu’elle finira par lâcher le morceau. C’est bien elle qui a tué son fils. Elle précisera l’avoir déposé dans l’Ernz Blanche, où il aurait été emporté par le courant. C’est entre Keiwelbach et Reisdorf que les secours assistés de maîtres-chiens découvriront le petit corps de la victime à 18 h 39. Malgré des tentatives de réanimation, ils ne pourront que constater la mort du bébé.

Une première tentative la veille

La suite de l’enquête montrera que ce n’était pas une action spontanée de la maman, et encore moins un accident. L’enquêteur parlera d’ailleurs, d’un «acte clairement planifié : elle y avait réfléchi». À côté des recherches sur internet, l’enquête a en effet mis au jour que la veille elle avait déjà fait une première tentative qui n’a pas abouti. Parce qu’elle «n’a pas eu le cœur», comme elle le dira. Mais visiblement ce lundi, elle avait aussi croisé quelqu’un sur son chemin…

«Et puis il y a le mardi fatal», enchaîne l’enquêteur. C’est à la maison à Beaufort – son mari était au travail, sa fille à l’école – qu’elle a d’abord étouffé avec un coussin, puis étranglé avec ses deux mains le nourrisson. Elle lui aurait ensuite enfilé veste et bonnet. Un peu comme si elle allait se promener avec l’enfant. Un voisin se souvient comment elle lui a dit bonjour. La suite, on la connaît.

Pendant qu’elle opérait, il y a eu plus d’un appel sur son portable auxquels elle n’a pas répondu. «Le lundi cela n’a pas fonctionné, le mardi elle ne s’est pas laissé interrompre», constate l’enquêteur. Elle n’avait pas non plus oublié d’embarquer un couteau pour s’infliger des blessures et faire croire ainsi qu’elle s’était fait agresser.

Du côté des proches de la famille, on décrit un couple parfait avec leur fille. Mais à la naissance du fils, tout aurait basculé. Plus rien n’aurait été comme avant. Victime d’un AVC quelques jours après l’avoir mis au monde, la maman serait tombée en dépression. L’annonce qu’elle pourrait refaire un nouvel AVC n’aurait pas arrangé son état psychologique. Ce qui ne l’aidera pas non plus à établir une relation avec le nouveau-né.

Dépressive, elle venait de sortir de psychiatrie

Fin octobre, elle sortait de psychiatrie. Certains pensaient voir une amélioration. Mais c’est là que débutent les fameuses recherches sur internet : «Enfant tombe d’une falaise», «kidnapping»… «Pour elle, c’était sans doute la solution», analyse l’enquêteur. Sans le fils, une façon de se retrouver à nouveau à trois comme quand tout était parfait. «Ce qui s’est passé s’annonçait en quelque sorte. Mais personne n’a vraiment réagi, à part ses parents.» Ces derniers lui venaient régulièrement en aide. Mais cette semaine-là, elle leur avait demandé de ne venir que le mercredi.

Âgée aujourd’hui de 44 ans, poursuivie principalement pour assassinat, elle se trouve toujours en détention préventive. La chambre criminelle de Diekirch lui donnera la parole après l’audition de tous les témoins. L’une des questions de ce procès est de savoir si elle est pénalement responsable ou si elle était atteinte, au moment des faits, de troubles mentaux ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes (article 71 du code pénal). Un certain nombre d’experts sont appelés à se prononcer.

Lors de la première audience lundi après-midi, il a filtré que lors de son séjour au CHNP à Ettelbruck elle a notamment tenté de parler au personnel médical pour en savoir plus sur cet article 71 et comment tomber sous son bénéfice. Aucun signe de regret toutefois par rapport à la mort de son fils, selon l’enquêteur. Le dossier fait également état d’une «personne égocentrique».

Suite du procès jeudi. Au total, six audiences sont prévues.

Fabienne Armborst

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