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Agression au couteau à la Kinnékswiss : reconstitution et confusion


Douglas a voulu mettre un terme à une bagarre à la Kinnékswiss et s’est fait agresser. (photo archives LQ/Didier Sylvestre)

Douglas est victime et prévenu. Mercredi, le tribunal a essayé de reconstituer son agression au fil d’un long témoignage souvent déroutant. Naomi s’est, quant à elle, donné le beau rôle.

«Gradi était passif-agressif. Au bout du troisième refus, il a donné un coup de poing au visage à Léo, qui s’est écroulé. Sa lèvre était en sang», témoigne C. Le 1er juin 2021, quatre jeunes passaient à tabac trois hommes à la Kinnékswiss, blessant l’un d’entre eux d’un coup de couteau au bras gauche. «Il répétait : tu me donnes une cigarette.» Douglas s’est interposé. Les deux étudiants en ont profité pour prendre la fuite avant de réviser leur jugement et de retourner prêter main-forte au quadragénaire.

«Naomi lui a explosé une bouteille de bière en verre sur la tête quand il a menacé de prévenir la police. Il est tombé au sol et les quatre jeunes l’ont frappé avec les pieds et les poings», poursuit C. «Quand nous sommes revenus, nous avons vu que Douglas était blessé au bras et saignait.» Le témoin raconte que le quatuor les a menacés de mort et les a accusés d’avoir blessé Naomi au couteau. «Je n’ai pas vu l’arme», précise le jeune homme. «Je n’ai pas non plus vu comment Douglas a été blessé.»

Les blessures de Douglas et de Léo n’étaient pas graves, mais les coups portés par les quatre agresseurs présumés auraient pu avoir des conséquences plus dramatiques si des organes vitaux avaient été touchés. Lisa, Naomi, Kevin et Gradi sont accusés de tentative de meurtre, entre autres. Ce dernier ne s’est pas présenté au procès.

«J’ai d’abord cru que c’était une bagarre d’adolescents», témoigne Douglas, qui prétend avoir vu en s’approchant «quatre filles», dont «une Blanche» qui n’est pas présente à la barre. Les témoins ainsi que C. et Léo ont toujours affirmé qu’il n’y avait que quatre agresseurs. Le quadragénaire n’en démord pas. Il a même esquivé un coup de sa part. «Il y avait aussi cette fille aux cheveux tressés qui encourageait le groupe à frapper», assure le Brésilien. «Je suis certain qu’il y avait d’autres personnes qui ne sont pas présentes ici.»

Douglas ne parvient plus à distinguer entre les deux jeunes femmes présentes à l’audience, mais il en est certain, elles l’ont frappé. Finalement, il identifie Naomi comme celle portant des tresses à l’époque des faits. Quant au couteau qui l’a blessé, il ne l’a pas vu. Ses lunettes étaient brisées. Il dit avoir compris que Kevin était armé par le mouvement imprimé par son bras. «Quand il a entendu que Naomi était blessée, Kevin m’a lâché pour aller la secourir.» Son témoignage est laborieux. Il se contredit. La présidente de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg doit lui poser de nombreuses questions pour obtenir des réponses plus ou moins claires.

Victime et prévenu

«Aviez-vous un couteau sur vous ?», l’interroge-t-elle. Trois des quatre prévenus ont prétendu que le couteau qui l’a blessé était le sien. Douglas s’est interposé, mais son témoignage complique la tâche de la représentante du parquet et des juges pour reconstituer son agression et établir le rôle de chacun de ses agresseurs avec précision. «Plus nous posons de questions, plus nous apportons de la confusion à l’affaire et je ne sais pas si cela sera profitable aux prévenus», commente la présidente.

L’audience devient difficile à suivre. «Qu’il arrête avec ses généralités», s’agace la présidente. Juste avant, Me Says, l’avocat de Naomi, lui avait demandé : «Comment a-t-il pu voir qui l’agressait s’il était au sol couché sur Kevin et qu’il n’a pas vu arriver le coup de bouteille par l’arrière ?» Douglas invoque la vision périphérique et une distanciation traumatique pendant qu’il subissait les coups et essayait de se défendre. Il est accusé de coups et blessures volontaires sur ses agresseurs présumés.

Naomi, elle aussi, se défend mal et minimise son implication malgré les déclarations de témoins. Elle admet deux coups de pied. «J’ai dû mettre un coup à Léo en voulant le séparer de Gradi, mais ce n’était pas volontaire», indique-t-elle à la barre. Elle nie également avoir frappé Douglas à la tête avec une bouteille et se donne le beau rôle. «J’ai dit à Douglas de ne pas s’en mêler. Il y avait déjà suffisamment de monde à gérer comme ça. Mais il m’a poussée et m’a insultée», explique la jeune femme. «À entendre Douglas, vous avez incité les autres à frapper», lui rétorque la présidente.

La jeune femme a été blessée dans le feu de l’action et était particulièrement remontée après cela, selon l’enquêteur. «Je ne sais pas comment j’ai été blessée, ni avec quoi», note Naomi. Sa seule certitude dans cette affaire est qu’elle a «été blessée par la faute de Douglas. S’il ne s’était pas mêlé de la bagarre comme je le lui avais conseillé, je n’aurais pas été blessée». Une accusation à laquelle la présidente a réagi en lui reprochant «une vision sélective» et en sous-entendant qu’elle cherchait à protéger Kevin et Lisa. «Après ce que j’ai entendu aujourd’hui, je ne sais plus comment me positionner», a reconnu la jeune femme, qui a finalement concédé : «J’avais bu. On faisait la fête. Je ne m’attendais pas à devoir gérer une crise.»

Ses deux acolytes présents au tribunal seront entendus cet après-midi.

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