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Le TTIP, traité en eaux troubles, verra-t-il le jour ?


Les négociateurs américain Dan Mullaney et européen Ignacio Garcia Bercero le 22 février 2016 à Bruxelles. (Photo : AFP)

Le TTIP verra-t-il le jour ? D’après les coulisses des négociations dévoilées lundi, l’accord de libre-échange entre Américains et Européens n’est encore qu’un lointain horizon alors que le scepticisme grandit de part et d’autre de l’Atlantique.

Engagés dans d’épineuses discussions commerciales depuis mi-2013, Bruxelles et Washington ont très vite tenté de minimiser la portée des documents révélés par Greenpeace, en déplorant un «malentendu» et en dénonçant des interprétations «erronées» fondées sur des textes dépassés.

Mais le fait est là: en dépit du volontarisme du président américain Barack Obama, qui espère boucler les discussions d’ici à la fin de l’année, un succès semble de moins en moins acquis. «L’élément le plus frappant de ces fuites n’est pas leur contenu précis mais le fait que les deux parties sont encore très éloignées l’une de l’autre dans les négociations et que des questions centrales restent en suspens», affirme Edward Alden, du Council on Foreign Relations, un think tank de Washington.

Avec le TTIP, également baptisé Tafta, l’Union européenne et les Etats-Unis veulent éliminer leurs barrières douanières et règlementaires, mais les sujets de dissensions ne manquent pas, tant sur l’ouverture des marchés que sur le principe de précaution ou les modalités du mécanisme de protection des investisseurs voulu par Washington.

A l’issue de leur 13e round de discussion la semaine dernière, les négociateurs des deux blocs ont, comme de coutume, vanté un dialogue «constructif» et des avancées, mais une certaine irritation pointait côté européen sur le refus américain d’ouvrir à la concurrence ses marchés publics, notamment locaux. «Nous devons atteindre le même niveau de progrès dans l’accès aux appels d’offres que sur les droits de douane et les services afin de rapprocher les négociations de leur terme», avait affirmé Ignacio Garcia Bercero, le négociateur en chef de la Commission européenne.

Élections à risques

Le temps est toutefois compté. Ardent défenseur du TTIP, le président Obama quittera la Maison Blanche en janvier, et son successeur, qui sera élu en novembre, pourrait être moins enclin à promouvoir le libre-échange, devenu un véritable épouvantail politique aux États-Unis.

La situation n’est guère plus dégagée en Europe. «Si l’accord ne peut être conclu sous l’administration Obama, de futurs progrès devront sans doute attendre les différentes élections en Europe en 2017», assure Mark Wu, professeur de droit à Harvard et ancien cadre de la Représentation américaine au commerce extérieur (USTR).

L’année prochaine, des élections générales se tiendront ainsi dans les deux principales puissances européennes, l’Allemagne et la France, où le débat sur le TTIP est le plus vif et pourrait embraser les campagnes.

Le scepticisme semble avoir déjà gagné les dirigeants français, ce qui augure mal d’une éclaircie dans les négociations. En l’espace d’une semaine, le Premier ministre Manuel Valls et le président François Hollande ont durci le ton et promis de s’opposer à un accord en l’absence de «garanties» sur l’environnement ou l’agriculture.

Berlin est également monté au créneau, prédisant un «échec» des négociations si les États-Unis ne faisaient pas plus de concessions. Et la possible sortie de la Grande-Bretagne de l’UE, qui sera tranchée par référendum le 23 juin, n’arrange rien. «C’est une période d’immense incertitude pour les politiques commerciales aux États-Unis comme en Europe», souligne M. Alden.

Les fuites livrées par Greenpeace risquent par ailleurs de raidir encore davantage les positions, notamment dans la société civile. «Cela sera plus compliqué d’essayer d’aplanir les différences» entre les deux camps, prédit M. Wu. Dans le sillage de leurs homologues européennes, l’organisation écologiste américaine Sierra Club a, de fait, fustigé un accord qui va dans «le mauvais sens de l’Histoire» tandis que l’ONG Public Citizen voyait dans les fuites la confirmation de l’«énorme pouvoir» donné aux multinationales.

Ce n’est pas le premier accroc rencontré par le TTIP, qui avait déjà souffert en 2014 des révélations sur l’espionnage généralisé de la NSA américaine en Europe. Mais le présent obstacle semble plus imposant et pourrait conduire à revoir à la baisse les ambitions du Traité, même si Washington et Bruxelles se disent opposés à un TTIP «au rabais». «Les deux camps préféreront toujours un TTIP +light+ à un échec complet», prédit M. Alden.

Le Quotidien/AFP

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