Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
Le service Coup de pouce de l’ASBL Inter-Actions est plus qu’une agence immobilière sociale. C’est un projet «all inclusive» qui accompagne les locataires pendant deux ans.
Ce soir-là, il y a de la joie. Celle que ressentent toutes les personnes qui se sont engagées dans le projet, celles qui en bénéficient et celles qui les soutiennent. Jeudi dernier, dans le petit local du service Coup de pouce de l’ASBL Inter-Actions, au 5, rue de la Paix à Schifflange, tout ce petit monde s’est retrouvé autour d’un délicieux buffet syrien préparé par Jamous Feras, un réfugié originaire d’Alep qui a ouvert son food truck en août dernier.
Ce soir, c’est la fête pour l’inauguration officielle de Coup de pouce lancé il y a un an par Inter-Actions et qui s’est démené pour trouver 20 logements et donner une bouffée d’oxygène à autant de ménages. «Ici, la détresse est palpable, la pauvreté aussi», lâche Viviane Loschetter dans un soupir chargé de désespoir. L’ancienne députée déi gréng a retrouvé son premier métier, la pédagogie sociale, qu’elle exerce au sein d’Inter-Actions, elle qui s’est occupée de mettre le service en place.
Dix euros le mètre carré
C’est à Schifflange que Coup de pouce voulait avoir sa base et le service a fini par trouver un immeuble rue de la Paix. Le bureau et la salle de conférence sont au rez-de-chaussée tandis que des logements occupent les deux autres étages. Ils sont loués par l’association qui les met à la disposition de ménages en situation d’extrême précarité pour 10 euros le mètre carré.
«Les loyers sont adaptés aux revenus», précise Viviane Loschetter en expliquant le soutien financier apporté aussi bien par le ministère de la Famille que par le ministère du Logement pour combler le manque à gagner. «Si nous disposons d’un appartement loué 800 euros et que le ménage ne dispose que de 1 200 euros de revenus, nous le mettons à sa disposition pour 400 euros seulement», illustre-t-elle.
Le service Coup de pouce fonctionne comme une agence immobilière sociale, mais offre, en plus du logement, un accompagnement pour la formation, l’emploi et l’intégration.
«Ça bloque de partout!»
Les 20 projets qui occupent actuellement le service concernent 19 mineurs à charge et 13 adultes qui ont tous connu un parcours semé d’embûches. «Nous avons des bénéficiaires du Revis, des gens surendettés, des chômeurs, des monoparentaux, des bénéficiaires de protection internationale, des gens qui ont connu un déguerpissement, des gens qui travaillent aussi mais qui ne trouvent pas de logement parce qu’ils sont noirs ou parce qu’ils ont une saisie sur salaire», énumère Viviane Loschetter.
«Nous recevons trois à quatre coups de téléphone par jour de gens désespérés qui comptent sur notre aide et c’est très éprouvant pour nous qui écoutons leur histoire et imaginons leur détresse», témoigne à son tour Laura Piron, la responsable du service, qui s’occupe des 20 projets avec un autre temps plein, et autant dire que la charge de travail est énorme. Ce matin-là, elle avait reçu l’appel d’une femme en pleurs déclarant qu’elle allait certainement se retrouver dans un foyer avec ses deux enfants.
Mais Coup de pouce est déjà arrivé au bout de ses capacités. Tous ses logements sont occupés et, en principe, les ménages y restent jusqu’à deux ans. «Nous assurons encore un suivi pendant un an une fois qu’ils sont sortis de notre structure et qu’ils obtiennent leur propre logement», explique Viviane Loschetter.
Une pauvreté palpable
Il faudrait quatre à cinq structures comme Coup de pouce pour satisfaire la demande, d’autant que «ça bloque de partout», poursuit-elle. Les agences immobilières sociales sont au taquet elles aussi.
Quand elle affirme que la pauvreté est palpable, Viviane Loschetter cite l’exemple d’un homme seul avec ses trois enfants, qui a un travail payé au salaire minimum, un monsieur très consciencieux qui s’est retrouvé surendetté à cause de sa femme qui est partie en abandonnant sa famille. Les enfants ont été placés jusqu’à ce que leur père trouve un logement. Le service Coup de pouce lui a tendu la main.
«On sent aussi la détresse de ceux qui ne sont pas nécessairement dans un risque de pauvreté, mais pour qui ça ne marche pas dans leur existence à cause du logement», poursuit Viviane Loschetter.
Un projet de cohabitation pour jeunes femmes
En août dernier, Inter-Actions a acheté une maison à Belvaux avec huit chambres à coucher pour un projet de cohabitation destiné à des jeunes femmes âgées de 25 à 35 ans. On y trouve des étudiantes, dont une Albanaise qui vient d’obtenir son master en finance, une Marocaine avec un titre de séjour et un travail mais sans logement, des bénéficiaires de protection internationale parmi lesquelles de futures étudiantes… Coup de pouce travaille avec des communes du Sud, les offices sociaux, mais aussi avec l’université du Luxembourg.
«Cette cohabitation n’existe pas ailleurs au Luxembourg», précise encore l’ancienne députée pas peu fière d’avoir participé à mettre en place ce projet. La maison dispose en plus d’un très grand jardin qui permettra de réaliser un jardin communautaire avec l’aide du CIGL de Sanem.
Geneviève Montaigu
Jean-Pierre, un propriétaire satisfait
Il a répondu présent à l’invitation de Coup de pouce, convié en sa qualité de propriétaire ayant mis une maison à la disposition du service agréé comme agence immobilière sociale. «Je suis de Schifflange et en passant devant la vitrine ici, j’ai eu envie d’en savoir plus», explique Jean-Paul qui, après une longue expérience pas très heureuse avec les agents immobiliers «classiques», a voulu servir à autre chose qu’à encaisser des loyers auprès de locataires pas toujours faciles.
«Les gens les plus modestes sont ceux qui mettent un point d’honneur à régler leur loyer», constate-t-il. Il a eu comme «clients» des avocats qui rechignaient à payer en brandissant des lois à tout bout de champ, alors il en a eu assez et a choisi une autre voie. «J’ai conscience de toucher moins d’argent, mais j’ai la satisfaction de donner à une famille la possibilité d’être dignement logée», témoigne-t-il.
C’est la maison de son père qu’il a proposée à Schifflange et il ne connaît pas les locataires. «Je crois que c’est une mère avec deux ou trois enfants», dit-il sur un ton hésitant. Il laisse à Coup de pouce le soin de prendre en charge cette famille dans son programme de suivi «all inclusive».
Sabrina, une mère de famille sauvée
Elle ne voyait pas d’issue. D’ailleurs, il n’y en avait pas jusqu’à ce qu’elle reçoive un bon tuyau de la part d’un agent immobilier. «Il a vu mon désespoir», raconte Sabrina en gardant un œil sur ces deux fillettes de 5 et 7 ans qui s’amusent non loin du buffet. Il lui donne le numéro de téléphone de Viviane Loschetter et lui parle du projet Coup de pouce.
«C’est vraiment ce dont j’avais besoin, un coup de pouce», explique cette mère de famille luxembourgeoise de 30 ans. «On a les capacités de prendre notre vie en main, des capacités physiques et mentales mais on doit se reconstruire», dit-elle avec assurance.
Sabrina s’est retrouvée seule avec ses enfants, sans travail et sans toit. La bouée de sauvetage est venue de Coup de pouce. «J’ai accepté les conditions du suivi qui vont avec le logement, mais cela ne signifie pas que l’on est sous contrôle. Ils viennent voir comment je m’en sors et si j’atteins mes objectifs. Ils sont d’un grand soutien et au moindre doute, je peux les appeler», explique Sabrina en parlant des deux employés du service. Elle a passé l’examen de la fonction publique communale et croit en ses chances.
