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Restriction tabac : une mesure pas très respectée par les frontas


Rares sont les frontaliers respectueux de la nouvelle législation en matière d’achat de tabac à l’étranger (Photo RL : Philippe Neu).

Depuis le mois d’août, il n’est plus possible de rapporter plus d’une cartouche de cigarettes du Luxembourg par personne, contre quatre auparavant. Le message est-il bien passé ? Pas sûr, si l’on se fie à notre dernière escapade de l’autre côté de la frontière, à Frisange, terre promise de la clope discount.

« C’est à vos risques et périls, Monsieur. Vous êtes libre de faire ce que vous voulez, du moins ici… » La (douce) mise en garde de cette employée d’une station-service de Frisange, bourgade très prisée des fumeurs frontaliers, s’inscrit dans l’esprit de la dernière déclaration du ministre des Finances luxembourgeois, Pierre Gramegna. « Le gouvernement n’entend pas donner de directives particulières aux points de vente de tabac nationaux », affirmait-il récemment, en réponse à une question parlementaire. En clair : le Grand-Duché ne jouera pas le jeu de la France qui, depuis fin juillet, limite les importations de tabac acheté à l’étranger à une cartouche par personne, contre quatre auparavant.

« Pourquoi changer mes habitudes ? »

Pour en revenir au « Monsieur » de la station de Frisange, un Mosellan d’une trentaine d’années, le risque ne semble pas l’effrayer. « Je prends mes trois cartouches d’un coup, comme chaque mois. Pourquoi changer mes habitudes ? La douane ne va pas tous nous contrôler, se rassure-t-il avant de demander, poliment. Vous n’oublierez pas les trois briquets offerts avec les cigarettes s’il vous plaît ? » Les habitudes sont tenaces, surtout lorsqu’elles soulagent le porte-monnaie.

« Il y a bien quelques zélés »

Pas de coup de pompe à l’horizon. À Dudelange, autre paradis de la nicotine à bas prix, le volume des ventes de cigarettes ne paraît pas troublé par ce nouveau seuil imposé en France : « Franchement, je ne perçois pas trop de changement chez notre clientèle, observe ce salarié de nationalité française. Il y a bien quelques zélés qui ne vont pas plus loin qu’une cartouche. Mais la plupart travaillent au Lux, donc ils passent juste plus souvent en caisse ».

Cette voie de contournement est empruntée par de nombreux consommateurs. Georges en fait partie. Prudent, cet habitant de l’agglomération thionvilloise active ses « réseaux » amicaux pour s’approvisionner : « J’ai plein de potes qui bossent au Kirchberg. Je leur passe commande en début de semaine et lorsqu’ils ont un petit moment, ils m’achètent une cartouche au bureau de tabac de la gare. Là, j’en ai une petite dizaine en réserve… »

Harmonisation européenne ?

« Voilà, on touche ici la limite du dispositif », se désespère Antoine Palumbo. Le président du syndicat des buralistes de Moselle le sait : l’embellie de la profession, entraperçue en période de confinement, relève déjà du passé. Pour mémoire, au mois d’avril, les ventes de tabac sur le territoire national avaient augmenté de 23,7 %. Les frontières rouvertes, le phénomène s’est tassé. D’où cette certitude : « Tant qu’il n’y aura pas une harmonisation européenne sur la question, rien ne changera. »

« La contrebande de cigarettes, une priorité »

Pour commencer, un discours policé, de douanier en exercice : « Depuis le 1er août, une nouvelle disposition du Code général des impôts prévoit la quantité transportée et détenue par un Français dans un État membre. Soit une cartouche, rappellerait, presque pour la forme, Philippe Sales, chef du pôle action économique des douanes de Nancy. Chaque État membre est libre dans l’application de cette réglementation, qui ne relève pas du régime communautaire ». Pas d’accident diplomatique en vue avec le voisin luxembourgeois. Ce qui n’empêche pas les équipages de la douane de veiller à cet ordre nouveau, du moins sur le sol français : « La lutte contre la contrebande de cigarettes a toujours été l’un de nos objectifs prioritaires. Et de notre point de vue, les frontaliers respectent la nouvelle réglementation. Le problème se pose pour ceux qui viennent de plus loin… » Des Vosges, de l’Aube, d’Alsace même, pour qui le voyage jusqu’au Luxembourg s’apparente à un pèlerinage en terre promise du tabac à bas prix.

Inutile de chercher à évaluer l’amende type en cas d’infraction. Elle est multiple, « variable selon le profil du contrevenant. Le caractère récidiviste influe sur les droits de douane, tout comme la quantité de tabac importée. Mais pour répondre à la question, oui nous sanctionnons au-delà du seuil fixé d’une cartouche par voyageur ». Le message essentiel est passé. Il a valeur d’avertissement. Même si visiblement, il n’est pas passé auprès de tout le monde, en témoigne le volume de saisies réalisées depuis le début de l’année : « 3,6 T de tabac depuis le 1er janvier pour 170 constatations, essentiellement en rapport avec le Luxembourg. C’est quasiment ce qu’on a fait sur l’ensemble de l’année précédente… » Preuve supplémentaire que rien ne semble arrêter le tourisme nicotinique low cost.

Jean-Michelle Cavalli (Le Républicain Lorrain)

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