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Bonne et mauvaise solitude

Il y a quelques jours, Le Monde se penchait sur le combat pour l’attention mené par les enseignants auprès des élèves.
Combat pour l’attention? Cette expression ambitieuse qu’on croirait sortie d’une boîte de communication signale deux choses : d’une part, le fait que dans les cours, les professeurs font face à des élèves «de moins en moins capables de se concentrer longtemps sur un sujet», en raison notamment des «rétines gavées aux images rapides et d’une attention habituée à être gérée en largeur, jamais focalisée en profondeur sur le même sujet» et, d’autre part, que la marche ininterrompue d’une logique publicitaire est aujourd’hui à l’assaut même d’un bastion comme l’enseignement public.
Seul atteint clairement son destinataire aujourd’hui le message ou l’information qui se conçoit bien selon les codes de communication à la mode.

Un théoricien du passé émettait le constat que tout ce qui était directement vécu s’éloignait dans une représentation et que plus le spectateur contemplerait, moins désormais il vivrait et comprendrait sa propre existence ou son propre désir. C’était un constat un peu sombre, voire déprimant, et il paraît légitime de s’attendre à autre chose de la part de gens qui ne pensent qu’à des constats définitifs condamnés à devenir des poncifs.
Car après tout, et c’est cela qui prouve que la nature a bien fait les choses, il reste à l’homme une chose magnifique à redécouvrir : la solitude. La solitude choisie et non pas subie. Nuance!

L’interconnectivité inouïe à laquelle nous assistons creuse notre solitude et nous éloigne de nous-même en nous laissant expérimenter la solitude comme une chose mauvaise, ce qu’incontestablement elle est à ce moment-là. Au contraire, choisir la solitude, parce que se retirer paraît soudainement préférable, nous la fait découvrir comme un tête-à-tête avec nous-même. Que le malheur des hommes réside dans le fait de ne pas pouvoir en jouir la première fois est connu depuis longtemps.
La nouveauté, c’est que les enseignants semblent en avoir perdu la clef.

Frédéric Braun

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