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Suisse : les frontaliers moins bridés dans le télétravail qu’au Grand-Duché


À Genève par exemple, il est possible de télétravailler une cinquantaine de jours par an pour les frontaliers (Photo d'illustration : AFP).

La question du télétravail des frontaliers devient centrale au Grand-Duché, avec la fin du « télétravail illimité » qui se dessine. Contrairement à des États comme la Suisse ou l’Allemagne, faute de régler la question du partage de l’impôt des frontaliers avec les États voisins, le Luxembourg bride 46% de ses actifs. Explications.

On se pince quand on lit la presse étrangère. La Tribune de Genève titre début juin : « Les Suisses et leurs collègues frontaliers ne sont pas égaux face au télétravail ». Pourquoi ? Car les frontaliers en Suisse, pays qui reprend des standards européens, sont limités (comme ailleurs dans l’UE donc) à 25% de leur temps de travail en dehors du pays de l’entreprise, s’ils veulent rester rattachés au système social helvète (allocation familiale, santé, retraite, etc.).

Concrètement, un fronta’ peut bosser depuis Annemasse environ un jour par semaine librement, après quoi ça se complique pour lui comme pour son entreprise (cotisations sociales à payer sur le barème français, etc.)

Seulement voilà, 25% de son temps en télétravail, ça paraît déjà très confortable pour un frontalier au Luxembourg ! Puisque ce dernier est en plus brimé par d’autres paliers, fiscaux ce coup-ci : 29 jours par an pour un résident français (au-delà desquels l’impôt sur le revenu doit être payé en France pour chaque jour en plus), 24 pour un résident belge, 19 pour un résident allemand. Loin de la cinquantaine de jours permis pour l’équivalent « 25% à temps plein » des frontaliers en Suisse !

Suisse : « Je n’ai jamais entendu parler de paliers fiscaux »

« À ma connaissance il n’y a pas d’autres normes que celle des 25% ici », nous explique Jean-Luc Blondel, sous-préfet de Saint-Julien-en-Genevois, à la frontière avec la Suisse. Du côté helvète, c’est le même écho. Un plafond à 25% certes, mais rien d’autre, peu importe le canton. « Je n’ai jamais entendu parler de paliers fiscaux de 24 ou 29 jours pour le télétravail des frontaliers, nous explique un responsable du Jura suisse. Je suis de toute façon un peu emprunté (sic) pour vous répondre : notre main-d’œuvre frontalière se prête peu au télétravail, avec une surreprésentation dans la restauration, les usines (NDLR : notamment l’horlogerie) et les hôpitaux. » Autre écho, du canton de Genève ce coup-ci : « Le télétravail est organisé par une loi de 2017 chez nous, explique Philippe Dunant pour la République de Genève. Il était par exemple déjà pratiqué de manière régulière dans de nombreuses administrations genevoises avant la pandémie. Il va probablement s’étendre à l’avenir, pour les travailleurs frontaliers comme pour l’ensemble des membres du personnel de l’administration. » Dans le respect du plafond de 25% pour les frontaliers, donc. Mais sans autres restrictions.

On retrouve encore la même règle pour les frontaliers qui travaillent en Allemagne, avec une notion de bande frontalière d’une trentaine de kilomètres, où le télétravail frontalier ne connaît pas d’autres limites que les 25% (en réalité, 45 jours s’il télétravaille depuis un autre lieu que la zone frontalière où il réside habituellement).

D’où vient la différence de traitement ?

Pourquoi de telles différences avec les frontaliers en Suisse et même en Allemagne ? Car tous ces États ou cantons ont réglé la question de la fiscalité des frontaliers en amont, quand il y a un vide (le « pas payer les décorations de Noël » de Bettel) chez nous. Prenons nos trois exemples : canton du Jura ? L’impôt sur le revenu du frontalier français est prélevé à la source côté français (prenant en considération que les investissements publics sont plus forts sur le lieu de résidence que de travail), puis l’État français reverse un pourcentage annuel au canton. Allemagne : le frontalier français est également prélevé à la source dans son pays. Puis en 2016, sous le mandat de François Hollande, Angela Merkel est venue négocier un retour d’impôt estimé à 70 millions d’euros par an aujourd’hui. Côté genevois enfin, c’est le fameux modèle de la compensation financière qui s’applique : « Le mécanisme, mis en place depuis 1973, repose sur le nombre de frontaliers français travaillant en Suisse, précise Jean-Luc Blondel. La compensation se calcule sur une base moyenne de 1 000 euros par frontalier, c’est le retour financier que fait le canton de Genève au profit des collectivités territoriales (département, communes et intercommunalités) françaises en Haute-Savoie et dans le département de l’Ain chaque année. » En réalité, la compensation se calcule sur un pourcentage de la masse salariale brute, et les sommes sont plus conséquentes que cela, puisque la Haute-Savoie et l’Ain ont perçu 281,45 millions d’euros à se partager fin 2019.

On le voit : une juste répartition de l’impôt sur le revenu des frontaliers, dont la vie à cheval sur la frontière nécessite des investissements (donc de l’impôt) des deux côtés, règle le problème des plafonds fiscaux de télétravail. En l’absence de tout retour fiscal du Luxembourg (les sommes que touchent les communes wallonnes sont en réalité tirées d’un autre volet, celui d’accord sur les taxes et accises), les États voisins continueront probablement et légitimement de maintenir des seuils fiscaux… permettant un minimum de retour fiscal sur le télétravail, une fois les jours en question dépassés.

Hubert Gamelon

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