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Télétravail : le mythe du plafond des 29 jours


Julien Dauer est fiscaliste à Frontaliers Grand Est, une structure qui vient en aide aux frontaliers. (©JDA)

Julien Dauer, responsable du service juridique de Frontaliers Grand Est, explique les normes pour les télétravailleurs français. Et l’on découvre que les 29 jours peuvent facilement être dépassés.

Tant d’effusions, lors de la convention franco-luxembourgeoise en 2018, pour saluer le nouveau palier de 29 jours de télétravail pour les 105 000 frontaliers français. Contre 19 jours pour les Allemands et 24 pour les Belges. «En réalité, ces plafonds n’ont rien d’absolu», lâche Julien Dauer, fiscaliste à Frontaliers Grand Est, une structure qui vient en aide aux frontaliers. Entre vrai et faux plafond, le juriste nous éclaire…

Le vrai plafond : le cadre social

«Ne pas dépasser 25% de son temps de travail global en télétravail.» S’il n’y avait qu’un plafond à retenir, c’est bien celui-là, qui résulte des normes européennes. Deux règlements européens (CE 883/2004 et CE 987/2009) garantissent aux travailleurs mobiles qu’ils ne relèveront que d’un seul système social. Dans notre cas, soit le système français, soit le système luxembourgeois. La règle est la suivante : le travailleur relève de son pays de résidence si il y travaille au moins 25% de son temps. «Sur une année de travail, cela correspond grosso modo à 1,5 jour de télétravail par semaine, précise Julien. Si le seuil est dépassé, les conséquences sont très lourdes…»

Le salarié va perdre ses allocations familiales luxembourgeoises, ses droits à la retraite luxembourgeoise et la sécurité sociale luxembourgeoise. Et ce n’est pas tout : le salarié devra verser des cotisations sociales sur le modèle français, ainsi que son employeur. Dernier point : tout cela engendrera des démarches complexes pour l’entreprise du frontalier, qui devra gérer une affiliation à un système social étranger. Le salarié deviendrait alors un boulet administratif.

Le faux plafond : le cadre fiscal

Un plafond communément évoqué découle des conventions bilatérales. Ce sont les fameux 29 jours «autorisés» à l’année pour les Français depuis l’approbation de la convention en juillet dernier. Il faut déconstruire un mythe ici : ce n’est pas un plafond infranchissable! «Ce sont les jours durant lesquels vous continuerez à payer vos impôts sur le revenu au Luxembourg, précise Julien Dauer. Au-delà, vous devez régler vos impôts sur le revenu à la France.» Et cela n’a rien de dramatique. Ça peut même être avantageux, étant donné que les impôts sur le revenu sont globalement plus faibles en France qu’au Luxembourg pour les tranches allant jusqu’à environ 80 000 euros brut par an (cela dépend de la structure du foyer).

Comprenons-nous bien : quand Xavier Bettel explique, début janvier dans nos colonnes, qu’il veut augmenter le nombre de jours de télétravail avec les voisins pour désengorger les axes (une réduction «de 30 000 à 40 000 véhicules sur nos routes»), c’est en réalité surtout pour… ne pas désengorger les caisses de l’État! Puisqu’il est déjà possible d’aller plus loin que 29 jours.

En revanche, il est vrai que cela nécessite une opération comptable en plus pour les entreprises, qui sont garantes du prélèvement de l’impôt à la source au Luxembourg. «C’est plutôt simple si on est bien organisé, nous confie un autre fiscaliste, luxembourgeois ce coup-ci. Il faut juste bien décompter tous les jours de télétravail.»

Deux lignes à ajouter

En pratique, l’entreprise doit alors ajouter une ligne sur la fiche de paie et sur la fiche de retenue annuelle du salarié pour signifier le montant de l’impôt exempté au Luxembourg. C’est ce montant que le frontalier français devrait inscrire sur sa déclaration fiscale en France (qu’il remplit de toute façon a minima pour le «taux effectif mondial») pour le prélèvement du côté français.

Peu d’entreprises semblent au courant de cette possibilité, qui pourrait permettre aux frontaliers de réellement télétravailler presque deux jours par semaine.

Et peu d’entreprises semblent au courant de la règle qui prévalait avant l’approbation de la nouvelle convention : une réponse à une question parlementaire française en date de 2012 indiquait que le télétravail n’était permis qu’à raison d’un jour par semaine depuis un centre de coworking. Et donc aucun jour depuis le domicile, ce qui a priori aurait dû entraîner le versement des impôts du côté français dès le premier jour télétravaillé.

Hubert Gamelon

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