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Retour sur « la grande époque » de la place financière


Écrire l'histoire de la place financière se heurte encore trop souvent à l'absence d'archives. (illustration Editpress)

Un débat organisé jeudi à la Banque de Luxembourg par le centre interdisciplinaire C2DH de l’Uni esquissait des pistes pour une histoire de la place financière.

Les sociétés bénéficiant du régime fiscal du «holding 29» étaient dispensées de l’impôt sur le revenu des collectivités et n’étaient redevables que d’une taxe d’abonnement de 0,2% de la valeur de leur capital. Aboli en 2010, sous la pression de la Commission européenne, le «H29», créé en juillet 1929, avait jeté les bases de «l’industrie des fonds» d’investissements et donc de la place financière du Luxembourg, comme l’a souligné jeudi Marie-Jeanne Chèvremont-Lorenzini, consultante et administratrice indépendante, ancienne managing partner de PWC Luxembourg, invitée d’une table ronde sur l’histoire du secteur financier, aux côtés d’autres invités comme Luc Frieden, ancien ministre des Finances, Thibaud Giddey, historien de la finance à l’université de Lausanne et Georges Heinrich, ex-directeur du Trésor.

Pour Luc Frieden, aujourd’hui associé du cabinet d’avocats Elvinger Hoss, le holding 29 était avant tout un outil «extrêmement intelligent pour attirer les capitaux étrangers» qu’il ne faut pas juger après coup, mais comprendre à partir de l’époque dans laquelle il s’inscrit, et où il n’y avait pas encore de «règles internationales». Un peu comme LuxLeaks et les Panama Papers ne sont des scandales que «vu d’aujourd’hui». Et puis l’offshore serait d’abord un modèle «dont nous avons tous profité».

La question des archives

Des propos relativisés par l’historien Thibaud Giddey qui rappelle que dès les années 30, on discutait de règles au sein de la Société des Nations, discussions abandonnées sous la pression. Par conséquent, leur absence «s’explique» . Le holding 29 était directement inspiré du modèle suisse, poursuit l’historien. À une époque (les années 20) où, comme l’aime croire Georges Heinrich (aujourd’hui secrétaire général de la Banque de Luxembourg) «l’intention de nuire» n’aurait pas encore existé. Tout au plus, la volonté d’avoir sa «part du gâteau» .

En tout cas, la surveillance du secteur financier créé au lendemain de la dernière guerre, ne vous mettait pas de bâtons dans les roues, comme le prouve une phrase extraite d’une interview des années 70 avec le directeur de l’organe régulateur, Albert Dondelinger, diffusée jeudi soir : «Je dis toujours : s’il n’y a pas de textes, personne ne peut les contourner» … Marie-Jeanne Chèvremont-Lorenzini confirme : c’était, «la grande époque où on avait un régulateur, partenaire», celui, public, n’apparaissant que plus tard, sous la pression des États-Unis et de l’UE.

Thibaud Giddey souligne, lui, le risque de «confusion sur l’objectif du régulateur» : protéger les clients et les contribuables ou faire profiter le secteur. Comme le raconte Marie-Jeanne Chèvremont-Lorenzini lorsque fin des années 60-70, le Luxembourg réussit à devenir un «hub» et à attirer les filiales de banques étrangères, c’est parce que leur pays d’origine avait commis l’ «erreur» , comme dans le cas de l’Allemagne, d’exiger des banques allemandes, de déposer pour chaque emprunt une réserve auprès de la Banque centrale allemande.

Mais au-delà des anecdotes, la question qui se posait jeudi soir, était celle des sources à consulter pour écrire une histoire de la Place, notoirement discrète, masculine et hypertechnologisée, où comme le résumait Luc Frieden : «On écrit de moins en moins.»

Frédéric Braun

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