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Une convention fiscale plus juste mais impopulaire


Adoptée en 2018, la nouvelle convention fiscale devrait être appliquée, sauf nouveaux rebondissements, l'année prochaine. (Photo Adobe Stock)

Signée en 2018, la nouvelle convention fiscale entre la France et le Luxembourg a encore été repoussée d’un an. Si les travailleurs frontaliers sont soulagés, celle-ci semble pourtant nécessaire pour assurer une imposition plus juste.

Le sujet revient inlassablement chaque année quand arrive le moment de remplir sa déclaration fiscale française : à quelle sauce les contribuables travaillant au Luxembourg vont-ils être mangés

Car depuis 2018, de nouvelles règles sont supposées entrer en vigueur. La France et le Grand-Duché souhaitent faire évoluer leur convention fiscale, ce qui entraînerait un changement dans la méthode de déclaration des revenus luxembourgeois. De quoi inquiéter certains foyers qui voient dans cette évolution l’arrivée d’une double imposition. Pourtant, les choses sont plus complexes.

L’impôt sur le revenu est toujours payé dans l’État dans lequel travaille le salarié, un frontalier ne peut donc être imposé en France sur ces revenus luxembourgeois. Il a en revanche l’obligation de les déclarer au fisc français pour calculer son taux d’imposition. Jusqu’à présent, l’inscription des revenus luxembourgeois sur la déclaration française se faisait par la méthode du taux effectif.

«Pour faire simple, vous prenez votre certificat de rémunération annuel, qui est remis obligatoirement par l’employeur en début d’année. Vous prenez alors votre salaire brut duquel vous retirez les cotisations sociales et surtout l’impôt luxembourgeois», explique Julien Dauer, président de l’association Frontaliers Grand Est.

Passage au crédit d’impôt

La convention de 2018 entraîne une nouvelle méthode de calcul basée sur le crédit d’impôt. «Vous partez alors toujours de votre brut dont vous retirez vos cotisations sociales. Par contre, vous n’enlevez plus l’impôt payé au Luxembourg.»

Un tel système pourrait effectivement créer une double imposition, la France applique donc un crédit d’impôt équivalent à la somme à payer si le revenu luxembourgeois était imposé par le fisc français.

En revanche, en retirant l’impôt luxembourgeois de l’équation, les sommes déclarées en France sont forcément plus élevées, ce qui augmente mécaniquement le taux d’imposition.

Pour les frontaliers n’ayant aucun revenu dans leur pays, cela ne change rien puisque l’intégralité de leur impôt est due au Grand-Duché. Mais pour les foyers aux revenus mixtes, que ce soit des couples dont l’un travaille en France et l’autre au Luxembourg ou des personnes touchant d’autres revenus, comme des loyers, une hausse est possible.

Les estimations parlent d’une augmentation d’environ 500 euros de l’impôt sur le revenu mais celle-ci pourrait atteindre plusieurs milliers d’euros, en particulier s’il existe une grande différence entre les sommes touchées au Luxembourg et celles en France.

Un système plus égalitaire

Les effets de cette nouvelle convention ont logiquement fait grincer des dents de nombreux ménages. Alors qu’elle devait entrer en vigueur en 2021, la convention a donc été gelée d’année en année comme ce fut encore le cas en avril dernier. Entretemps, une étude d’impact a été commandée pour déterminer les conséquences sur les contribuables mais aussi sur les services fiscaux.

«À l’heure actuelle, on n’a toujours pas d’informations, précise Julien Dauer. Je rappelle quand même qu’en 2021, les gens ont appliqué le crédit d’impôt. Le gel a eu lieu après la période déclarative, ce qui a obligé les services fiscaux français à retraiter des dizaines de milliers de dossiers.» Mais 2024 devrait, selon le gouvernement français, être la dernière année de répit.

Pourtant si cette convention est synonyme de hausse d’impôts pour des milliers de frontaliers, elle a aussi ses raisons. «Je ne vais pas me faire beaucoup d’amis en disant ça, mais ce modèle est plus égalitaire. C’est aussi celui qui est le plus répandu au niveau de l’OCDE, notamment par rapport aux autres conventions fiscales avec l’Allemagne, la Suisse ou l’Italie, où la France applique déjà la méthode du crédit d’impôt.» Pourquoi plus égalitaire? La réponse est un peu technique.

«Ce n’est pas une double imposition»

Quand le frontalier fait sa déclaration française, il se base sur son certificat de rémunération annuelle. «Sauf que celui-ci indique un impôt provisoire, celui qui a été prélevé sur le salaire du frontalier.»

Dans le courant de l’année, le salarié a la possibilité de faire sa déclaration d’impôt luxembourgeoise dans laquelle il peut déduire de nombreuses dépenses (prêt immobilier, crédit voiture, charges diverses…). L’administration fiscale luxembourgeoise régularise alors son impôt qui, généralement, baisse fortement et entraîne un remboursement.

La méthode du taux effectif retirait donc de la déclaration de revenus un impôt luxembourgeois plus élevé que celui réellement payé. Une inégalité se créait alors entre les contribuables frontaliers et ceux travaillant en France. La méthode du crédit d’impôt, qui ne prend plus en compte l’impôt luxembourgeois dans la déclaration, résout ce problème. Mais ce réajustement va entraîner pour certains une hausse de leur impôt.

«Si je me place d’un point de vue usager, je le vivrais comme une double charge fiscale. Par contre, d’un point de vue juridique, ce n’est pas une double imposition», conclut Julien Dauer. Il ne reste plus qu’au gouvernement français à faire preuve de pédagogie pour faire passer la pilule et convaincre le contribuable du bien-fondé de cette réforme.

Deux méthodes pour un même calcul

Ces changements de méthode de calcul peuvent rapidement embrouiller le contribuable «Chez Frontaliers Grand Est, on a déjà des demandes depuis plusieurs mois pour savoir comment cela va se passer cette année», indique Julien Dauer.

Prenons donc un exemple concret. Avec la méthode du taux effectif si un travailleur frontalier touche 100 000 euros mais paye 15 000 euros de cotisations sociales et 25 000 euros d’impôts au Grand-Duché, il devra donc déclarer au fisc français 60 000 euros. Cette somme sera prise en compte pour calculer le taux d’imposition sur ses éventuels revenus français.

Avec la méthode par crédit d’impôt, le frontalier continuera de déclarer ses 100 000 euros de revenus mais retirera seulement les 15 000 euros de cotisations sociales. Ce sont donc 85 000 euros qu’il devra renseigner dans la case revenus mondiaux. Pour ne pas être imposé une deuxième fois sur ses revenus luxembourgeois, l’administration fiscale française lui versera un crédit d’impôt équivalent à la somme qu’il aurait dû payer en France si son salaire y était imposé. En revanche, cela augmentera son taux d’imposition.

La situation de chaque contribuable étant unique, chaque déclaration est différente. Mais pas de panique, le service des impôts est là pour renseigner les contribuables. «Le système français est très bien fait, parce que via leur messagerie sur internet, il est possible de leur poser une question, affirme Julien Dauer. Et si jamais il y a un doute, il ne faut pas hésiter à le mentionner en fin de déclaration. Les autorités fiscales n’iront jamais pénaliser une personne qui mentionne qu’elle a un doute sur un revenu.»

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