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La taxe minimum sur les entreprises ne fait pas l’unanimité


Par la voix de son ministre des Finances, Pierre Gramegna, le Luxembourg s’est dit favorable à «une imposition minimale».  (Photo AFP)

Paris et Berlin poussent pour qu’une taxe minimum soit appliquée sur toutes les entreprises, mais d’autres pays européens renâclent.

L’Allemagne et la France ont fait monter encore la pression mercredi pour finaliser rapidement les négociations internationales sur une taxation d’au moins 15 % des profits des multinationales. Toutes les planètes semblaient alignées vendredi dernier après que les États-Unis eurent avancé cette nouvelle proposition, plus susceptible d’emporter l’adhésion que le taux de 21 % évoqué jusqu’alors.

Las, le ministre irlandais des Finances Paschal Donohoe, qui est aussi le président de l’Eurogroupe, le cénacle des grands argentiers de la zone euro, a jeté un froid mardi en déclarant que son pays n’avait pas l’intention de renoncer à son taux d’impôt sur les sociétés, qui est de 12,5 %. L’Irlande n’est pas le seul pays en Europe à avoir misé sur une fiscalité avantageuse pour les entreprises. «Comme l’Irlande, la Hongrie est favorable à un bas niveau d’imposition», a réagi mardi le ministre hongrois des Affaires étrangères, Peter Szijjarto, dont le pays applique un taux de 9 % et qui se trouvait justement en visite à Dublin. En comparaison, la France et l’Allemagne appliquent un taux proche de 30 %, selon les calculs effectués par l’OCDE. Quant au Luxembourg, terre d’élection des multinationales, son ministre des Finances Pierre Gramegna s’est dit favorable à une «imposition minimale» afin de créer les «conditions d’une concurrence équitable» entre les pays, sans se prononcer sur le taux.

Ces divergences en Europe peuvent-elles vraiment faire dérailler les négociations en cours depuis quatre ans sous l’égide de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE)? «Il y a clairement une opportunité de parvenir à un accord historique lors du prochain G7 la semaine prochaine» à Londres «et lors du prochain G20 début juillet» à Venise, a déclaré mercredi le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, balayant les craintes d’un blocage des discussions qui n’engagent pas que l’Union européenne, mais 136 pays au total. «Nous sommes très près de conclure un accord» qui va déboucher sur «une révolution de la fiscalité internationale des entreprises», a renchéri son homologue allemand, Olaf Scholz.

«Une spirale délétère»

Jusqu’à présent, les multinationales étaient libres de choisir le pays où elles voulaient être imposées. La réforme devrait les obliger à payer des impôts dans chacun des pays où elles dégagent des bénéfices importants. «Notre position constante est que le lieu où sont payés les impôts est important et que tout accord doit garantir que les entreprises numériques paient des impôts au Royaume-Uni qui reflètent leurs activités économiques», a réagi mercredi un porte-parole du Trésor britannique. «C’est ce que nos contribuables attendent et c’est la bonne chose à faire pour nos services publics», a-t-il ajouté – et ce alors que le Royaume-Uni préside en ce moment le G7, l’une des enceintes où se discute cette réforme. Les Pays-Bas, qui ont pourtant réussi à attirer de nombreuses multinationales grâce à leur fiscalité réputée avantageuse, sont aussi sur cette ligne.

La pandémie, en vidant les caisses publiques, a accéléré la prise de conscience que la course généralisée au moins-disant fiscal n’était plus tenable. «Ce que Biden a fait, et on peut s’attendre à ce que cela se produise aussi en Europe, c’est de dire : “nous avons besoin d’investissements pour soutenir la reprise (…), nous avons besoin d’argent, de recettes fiscales», a expliqué le député européen néerlandais Paul Tang, qui dirige le comité en charge de la lutte contre l’évasion fiscale au parlement européen. Or, «en quarante ans, le taux moyen de l’impôt sur les sociétés à l’échelle mondiale a été divisé par deux, passant de 45 % à 20 %», relevait en février l’économiste Gabriel Zucman dans un entretien au Monde. «Cette spirale délétère enrichit les grands gagnants de la mondialisation, à savoir les multinationales et leurs actionnaires», ajoutait ce professeur à l’université de Berkeley, appelant à «sortir de cette logique».

Selon l’ONG Tax Justice Network, qui s’appuie sur les chiffres de l’OCDE, les pays européens ont perdu, en raison de l’évasion fiscale des entreprises, près de 80 milliards de dollars de recettes fiscales en 2020. Dont 14 milliards de dollars rien que pour la France.

LQ

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