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Intérimaires chez FedEx : « Soit tu as le Covid, soit tu meurs de faim »


Devant le risque sanitaire, "les CDI se mettent en arrêt et nous on fait tourner FedEx", témoignent certains. (illustration AFP)

« Soit tu as le Covid, soit tu meurs de faim » : la propagation du coronavirus suscite la crainte des intérimaires de FedEx sur son site à Roissy, récemment mis en demeure par l’Inspection du travail de renforcer ses mesures de protection.

Malik*, a été diagnostiqué « porteur » du Covid-19. « J’allais travailler la peur au ventre et j’ai fini par le choper », raconte l’intérimaire qui avait jusqu’alors un contrat à la journée depuis cinq ans pour le transporteur américain de fret. Ce jeune père de famille affirme qu' »il y a encore quelques jours, on ne nous donnait pas de masques, pas de gants ».

Il y a quelques jours aussi, pour accéder au hub de Roissy, le plus grand site de tri d’Europe, où sont employées 2 500 personnes dont 600 intérimaires, il fallait obligatoirement « utiliser son empreinte digitale ». Devant le risque sanitaire, « les CDI se mettent en arrêt et nous on fait tourner FedEx », témoigne sous couvert d’anonymat un autre intérimaire.

Pour Laetitia Gomez, secrétaire générale de la CGT Intérim, « le Covid-19 a été pris à la légère par FedEx ». Le syndicat majoritaire parmi les entreprises d’intérim réclame « la fermeture du hub », après le décès d’un employé intérimaire de Manpower le 25 mars du Covid-19. Au moins 19 salariés du site sont contaminés par le coronavirus, selon la CGT pour qui le site de Roissy est un « cluster ».

« C’est de l’esclavage moderne »

« Ce sont les intérimaires qui font tourner les entreprises et plus particulièrement en ce moment », juge Mohamed El Mechachti de la CGT Randstad, l’une des plus importante entreprises de travail temporaire. « L’intérim a un coût qui se paye en flexibilité. Il y a 2,5 millions d’intérimaires en France, c’est de l’esclavage moderne », estime le syndicaliste.

Entre 23h30 et 4h30, Marie, intérimaire, « décharge les conteneurs des avions qui viennent d’Asie et des États-Unis. Ce n’est pas facile, les avions doivent repartir rapidement donc on doit se presser, mon dos est en vrac », confie la jeune femme. Mère célibataire avec un crédit à assumer, elle « n’a pas le choix ». « J’ai peur mais j’y vais », dit-elle. Mais depuis samedi, elle n’a pas été rappelée par son agence d’intérim. Non pas qu’elle ne souhaite plus travailler mais son employeur n’envoie plus d’intérimaire sur le site.

Les entreprises de travail temporaire Manpower, Adecco, Randstad, CRIT et Start People se sont engagées à ne plus envoyer d’employés après la mise en demeure du géant américain par l’inspection du travail qui a effectué une visite jeudi soir. La Direccte Ile-de-France (Direction régionale des entreprises, de la concurrence) lui intime d’adapter les équipements de protection individuelle fournis aux salariés aux risques encourus : masques, gants et combinaisons jetables en nombre suffisant. Dans un courrier, elle critique aussi les mesures de nettoyage et désinfection du site.

« De la poudre aux yeux »

FedEx a contesté la mise en demeure et a lancé lundi un recours. Depuis « presque un mois, nous avons adapté nos mesures de sécurité aux préconisations des autorités françaises », assure Julien Ducoup, directeur général des opérations du hub FedEx de Roissy qui a réorganisé l’accès au site sans obligation d’utiliser son empreinte digitale. FedEx met à disposition « du gel hydroalcoolique et deux masques par salarié », ajoute-t-il.

Pour Alain, « FedEx est une bonne boîte par rapport à d’autres concurrents comme DHL ou La Poste » pour qui il a travaillé. « Tout le monde veut y bosser, il y a une bonne cantine et même un dortoir si on est fatigué la nuit », détaille le quinquagénaire mais « ils ont fait n’importe quoi avec notre santé ! On est en première ligne, il faut nous respecter, on a des droits nous aussi », s’insurge l’intérimaire.

« Le respect des règles, c’est de la poudre aux yeux », juge Souad. « On te dit qu’il faut charger, décharger et trier très vite car les avions doivent partir donc on est plusieurs sur une même zone de triage et si tu ne le fais pas, tu as peur de ne pas être rappelé », confie l’intérimaire qui n’a pas osé réclamer une nouvelle paire de gants après l’avoir trouée. « On travaille au jour le jour. Soit tu as le Covid, soit tu meurs de faim ».

LQ/AFP

* Les prénoms ont été modifiés

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