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Tom Leick-Burns : «Il faut continuer à célébrer le théâtre !»


Tom Leick-Burns : «Devant un écran, il nous manque le fait de se réunir, échanger à vive voix devant un verre… Mais au moins, on partage des sensations… à distance !» (Photo Bohumil Kostohryz)

Depuis le 4 avril, les Théâtres de la Ville disposent de leur chaîne YouTube, sur laquelle ils diffusent quelques-uns des moments phares des dernières saisons. Nous avons donc demandé à leur directeur, Tom Leick-Burns comment c’était de regarder une pièce depuis son canapé.

La chaîne YouTube des Théâtres de la Ville a été lancée samedi dernier. Est-ce une réponse au confinement, ou le projet était-il déjà dans les esprits depuis quelque temps ?

Cette chaîne est née devant l’impossibilité de montrer des spectacles, de convier les spectateurs chez nous ! On a dû chercher des alternatives, d’où cette idée de rendre accessibles d’anciennes productions marquantes.

Vous parliez de l’importance de la connectivité, des réseaux sociaux, particulièrement durant cette crise sanitaire. Comment les utilisiez-vous jusqu’alors ?

C’est une évidence, mais tous les outils digitaux sont extrêmement utiles, précieux même, et dès que l’on a des images de répétitions, de courtes vidéos (NDLR : teasers) d’un spectacle à venir, on les diffuse largement. Et ça marche bien ! On l’a vu récemment avec Das letzte Feuer de Dea Loher : dès que l’on a mis des photos en ligne, la billetterie s’est sérieusement agitée…

Alors pourquoi cette arrivée « tardive » de la vidéo ?

Parce qu’un spectacle vivant doit rester vivant. D’ailleurs, avec l’équipe, on a longuement hésité avant de recourir à cette pratique. Une représentation, même en live, d’une pièce sur un écran n’aura jamais la même saveur qu’un spectacle, disons, en conditions réelles. Mais comme l’on vit une situation particulière, il fallait alors donner une réponse… particulière !

Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?

D’abord, il fallait garder notre relation avec les spectateurs, emmener le théâtre dans leur foyer. Ensuite, on voulait poursuivre notre engagement vis à vis de la création, chose que l’on n’a pas cessé de développer au cours de ces dernières années. On s’est dit : « Pourquoi ne pas profiter du moment pour célébrer le théâtre de cette manière, le rendre accessible et donner une visibilité accrue à ce travail auprès de gens, qui, peut-être, ne sont jamais venus au théâtre. » C’est dans cet esprit-là que s’est créée cette proposition.

Est-ce le début d’une nouvelle pratique ?

Non, on ne va pas, à l’avenir, tout enregistrer et mettre notre saison entière en ligne (il rit)! Car, soyons honnêtes, devant un écran, il nous manque le fait de se réunir, échanger à vive voix devant un verre… Mais au moins, on partage des sensations… à distance !

Vous dites qu’un spectacle vivant doit le rester. Ça vous fait quoi, alors, de regarder des pièces depuis votre salon ?

Disons que chaque pièce proposée ici va produire des sensations différentes. La mise en scène épurée et contemporaine de Laurent Delvert (Le Jeu de l’amour et du hasard) se prête bien, par exemple, à un visionnage. Oui, c’est vrai, ça reste un peu froid, et on n’accroche pas de la même manière, mais ça fonctionne quand même ! C’est moins le cas avec Rumpelstilzchen, qui était un spectacle à plus grande échelle. À travers la vidéo, le rendu n’est pas le même, et la pièce perd au passage son côté mystérieux. Même mes filles, fascinées au théâtre, montraient un intérêt moins vif à la maison. On se rend compte, aussi, des limites de l’écran. C’est tout aussi important.

C’est-à dire ?

Il ne faut jamais oublier combien le spectacle vivant est important, et quels sont ses mérites spécifiques. C’est certain, il faut continuer à célébrer le théâtre, c’est même un engagement que l’on a auprès de lui. Toutefois, le mettre en images n’est finalement qu’une copie de ce qu’il est vraiment. D’ailleurs, j’ai entendu quelques voix dissidentes, mais d’autres établissements ont aussi basculé vers des idées similaires. C’est un consensus partagé, et vu que l’on ne peut plus vivre, pour l’instant, un moment de théâtre tous ensemble, c’est toujours mieux que rien !

Question peut-être naïve, mais les pièces et spectacles sont-ils régulièrement enregistrés ?

En premier lieu, ils le sont pour des raisons d’archivage : il est très important de garder des traces documentés de ce que nous faisons. Et filmer un spectacle reste le moyen le plus approprié. En termes d’échange, le geste trouve aussi du sens. On peut en effet proposer l’enregistrement d’une création à des partenaires, et asseoir, par ce biais, notre réseau à l’internationale. Mieux encore, on pourrait même imaginer, à l’avenir, disposer d’un catalogue de productions disponibles pour les tournées. Enfin, en cas de reprise d’une pièce, ça peut être aussi un bon outil de travail pour les comédiens et techniciens.

Que découvrez-vous alors dans vos archives ? De vieilles traces de VHS ?

(Il rigole) Vous ne pensez pas si bien dire… On plonge en effet, depuis quelques jours, dans les archives pour alimenter cette chaîne, et l’on voit que la qualité des images, il y a seulement dix ans, n’était pas la même qu’aujourd’hui. Alors imaginez les captations des années 80-90… J’ai pour exemple une pièce, en 2011, dans laquelle j’ai joué avec Jules Werner, où l’on compilait toutes les pièces de Shakespeare en 90 minutes (NDLR : The Complete Works of William Shakespear)! Elle a connu un succès fou au Luxembourg, et je me suis dit qu’elle serait idéale pour YouTube. C’était compter sans le rendu de l’époque. Dommage… Mais heureusement, depuis quelque temps, néanmoins, on réalise des captations professionnelles. Mais elles paraîtront elles aussi vieillottes dans dix ans !

Pourquoi avoir choisi, pour lancer le site, ces deux pièces en particulier ?

On s’est orientés sur des pièces qui ont connu un succès auprès du public, et pour tous les âges aussi. C’est le cas du Marivaux, une comédie teintée d’une âpreté sociale. Idem pour Rumpelstilzchen, tournée vers les jeunes et les familles. Pour un dimanche après-midi, c’est plutôt sympa, non?

Qu’est-ce qui va arriver sur la chaîne ce week-end ?

Dans le même sens de ce qui a déjà été programmé : on va insister sur un côté plurilingue et sur la diversité. En somme, sur ce qu’on fait chaque saison. Samedi, il y aura Monsieur Linh and His Child, une pièce en anglais datant de mai 2019, avec Jules Werner – preuve au passage que l’on pourra aussi montrer des coproductions « maison » sans des problèmes de droits. Ceux qui connaissent le travail de Guy Cassiers savent qu’il se base beaucoup sur la vidéo, et ce sera très intéressant de voir ce que ça donne à l’écran. Dimanche, on continue le cycle des contes avec Rabonzel (NDLR : Raiponce).

Votre chaîne YouTube sera alimentée jusqu’à quand ?

On a une programmation prévue jusqu’à fin avril, bien que l’on ait encore de la matière pour les semaines à venir. Bon, on espère quand même vite se retrouver au théâtre… en chair et en os!

Entretien avec Grégory Cimatti

À voir cette semaine :

Le Jeu de l’amour et du hasard et Rumpelstilzchen

À partir de ce week-end : Monsieur Linh and His Child et Rabonzel

www.theatres.lu

 

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