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Léo Ferré, une œuvre «qui vous change»


L’œuvre complète de Léo Ferré compte plus du double des 431 titres présents sur l’anthologie, mais celle-ci permet de redécouvrir une grande partie de son répertoire chanté. (Photo : afp)

Pour les 30 ans de la mort de Léo Ferré, son fils Mathieu a supervisé une anthologie de 431 titres couvrant les différentes périodes de l’artiste.

Mathieu Ferré, 53 ans, vit en Toscane, là où son père, l’interprète d’Avec le temps, s’était installé en 1970 et où il vécut jusqu’à sa mort, en 1993. «Léo, ça se mérite, glisse-t-il. C’est une écriture sophistiquée, complexe, ce n’est pas de la musique à mettre sur la platine pour faire du repassage.»

Le coffret Léo Ferré, les paroles et le geste, paru fin juin, à quelques jours du 30e anniversaire de la disparition du chanteur, qui n’englobe pas toute son œuvre gargantuesque, comprend 24 CD, soit 431 titres enregistrés entre 1948 et 1990. Le tout accompagné d’un livret de 48 pages rédigé par Alain Raemackers, spécialiste du répertoire, et illustré par un pochoir de Jef Aérosol, l’un des pionniers du «street art» français, qui reprend magnifiquement l’un des clichés mythiques de l’artiste.

Les 21 titres captés entre 1958 et 1988 et dont il n’existe qu’une version enregistrée en concert sont regroupés sur le disque intitulé Sur scène. Les sept disques du cycle Les Poètes présentent la mise en chanson des œuvres d’Aragon, Apollinaire, Baudelaire ou encore Rimbaud (au total, Ferré a mis en musique près de 200 poèmes durant sa carrière). Dans cette somme, trois inédits : une version de Que reste-t-il de nos amours? tirée d’une archive radio de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) de 1980, L’Émigrant de Landor Road, archive familiale de 1984, et Aragon et la composition musicale, lecture extraite d’une archive radio de l’INA de 1988.

Prémices du rap

«Quand vous tombez dans la marmite, c’est une œuvre qui vous change, dans la façon de voir les choses, de vous poser par rapport aux autres», dissèque Mathieu Ferré, patron des éditions musicales La Mémoire et la Mer, fondées par Léo Ferré un an avant sa disparition, le 14 juillet 1993, à 76 ans.

Cette anthologie permet d’apprécier une œuvre qui est tout sauf monolithique, loin d’un titre comme Avec le temps, essoré à la télévision lors des hommages. «Léo est seul au piano, ou avec un orchestre symphonique, ses chansons ne se résument pas à couplets-refrain. Léo a abordé tous les styles, il y a de longs textes psalmodiés.» Le Chien, en 1970, peut s’entendre comme les prémices du rap. «Je laisse cette comparaison à d’autres, sinon ça pourrait donner l’impression que je voudrais récupérer le rap», prévient son fils.

Le coffret balaye donc l’idée reçue d’une austérité musicale. Léo Ferré, fan de Ravel et Debussy, qui se voulait d’abord musicien, accorde un grand soin à ses arrangements. Le Chien, aux accords d’abord free jazz, s’achève sur des guitares psychédéliques très rock, étirant ce formidable exercice de «spoken word» sur près de sept minutes. Le livret rappelle par ailleurs que Ferré avait voulu collaborer avec Jimi Hendrix. «Léo avait aussi émis l’idée de travailler avec les Moody Blues, avec les Pink Floyd, mais ça ne s’est pas fait», raconte Mathieu Ferré.

«Rempli d’espoir»

Il se déclare «toujours surpris quand les gens disent que Léo, c’est déprimant, c’est assez étrange pour moi cette étiquette, ce cliché». «Moi, je retiens son côté un peu utopiste. Oui, c’est parfois mélancolique, mais moi, je trouve que c’est rempli d’espoir, en définitive.» «Léo avait ses pieds et son cœur rivés dans la société dans laquelle il vivait, qui n’était pas tout le temps rose. Mais, dans la chanson Il n’y a plus rien, il dit qu’un jour « nous aurons tout ».»

«La preuve, les artistes de la génération de Léo voyaient leur public vieillir avec eux, alors que le public de Léo ne cessait de rajeunir.» Aujourd’hui, un chanteur comme Eddy de Pretto, à l’écriture crue, revendique Léo Ferré comme une de ses influences. En cette année anniversaire, Mathieu Ferré est «chagriné par le peu d’émissions radio et télé importantes» consacrées à son père. Et ce, malgré l’œuvre foisonnante, qui compte aussi des opéras, des ballets ou encore des musiques de films, absents de ce coffret. «Léo dérange certaines bonnes consciences, je ne vois que cette option», juge le fils de l’artiste connu aussi comme figure anarchiste et qui, à la fin de sa vie, avait refusé de nombreux honneurs et avait choisi de ne plus se produire qu’au Théâtre libertaire de Paris, aujourd’hui Théâtre Dejazet.

Léo Ferré, les paroles et le geste, de Léo Ferré (coffret 24 CD). La Mémoire et la Mer.

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