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Le punk fête ses retrouvailles en famille 


Un grand festival punk est organisé ce week-end à la KuFa. (photos DR)

Pour fêter ses quinze ans, le groupe Versus You laisse la place aux copains et organise un grand festival ce week-end. Une bonne occasion de jeter un œil sur la scène punk locale, qui a bien du mal à se renouveler.

Ça fait deux ans que Versus You attend ça : organiser une petite fête en «famille» pour célébrer ses quinze années mises au service du punk. Claquer la bise aux copains, traîner une bière à la main et, bien sûr, se poser devant une scène pour en prendre plein les oreilles. Si la crise sanitaire est passée par là, elle n’a pas calmé les ardeurs pour autant. «C’est clair, pendant deux ans, on n’a rien foutu !», lâche dans un rire guttural Giordano, son inamovible bassiste. Mais la passion le rattrape rapidement : «Organiser des concerts, c’est quelque chose que je fais depuis toujours. Il fallait se lancer.»

Plutôt que de prendre la lumière et de se lancer des fleurs, Versus You a fait ça avec classe et délicatesse. C’est en catimini, mercredi au Gudde Wëllen, qu’il a commémoré cet anniversaire symbolique. Car ce week-end, il laisse toute la place aux copains, à travers une affiche «carrée», comme disent les jeunes : soit deux jours et vingt groupes. Parmi eux, Kaiju Ultra, fraichement créé, mais dans lequel on retrouve des anciens comme Ralph, guitariste de The Majestic Unicorns from Hell. «Je trouve ça élégant de se mettre en retrait et d’avoir comme seule ambition que tout le monde s’amuse. Se payer une scène, mettre des groupes que l’on aime dessus et se faire une folle soirée, c’est cool, non ?»

C’est clair que la scène est en déclin

La réunion, appelée «Mad Ones Festival», prend alors des airs de famille, ce que confirme Giordano : «À deux-trois exceptions près, ce sont tous des amis, des gens à qui on a eu affaire sur les scènes, au fil des années, soit au Luxembourg, soit en Europe.» Un réseau pour le moins florissant qui le fait compléter : «Vu la demande et les discussions, on aurait pu ajouter un troisième jour, facile ! Tout le monde voulait venir», continue le musicien, qui a donc préféré laisser parler l’esprit plutôt que le cœur : «Un tel événement, pour l’organisation, ça reste stressant», dit-il en habitué. Pour se rapprocher du voisin du Ratrock (Belgique) et ses «15 000 punks», il faudra sûrement attendre encore un peu.

Malgré tout, le rassemblement de cette fin de semaine, aussi contenu soit-il, raconte quelques vérités sur la scène locale. Les noms parlent d’eux-mêmes : Disliked, Toxkäpp, Weakonstruction… Que d’anciens groupes à la longévité tenace. Quant aux nouveaux, comme Kaiju Ultra et Superdrive, ils sont en réalité composés de musiciens qui roulent leur bosse depuis longtemps (des ex de Surf Cowboys, Los Dueños, Cosmogon…). Face aux cheveux gris et certains tatouages fatigués, une question s’imposent alors : mais où est donc la relève ? «C’est clair que la scène est en déclin», répond Giordano.

Jojo, chanteur-violoniste de Schëppe Siwen, également à l’affiche, enchaîne : «Il y a un manque d’intérêt des jeunes pour le punk.» Constat qui s’observe «moins pour le metal», rassure Ralph. Dans son café situé place Guillaume-II (Beim Renert), le bassiste de Versus You compte sur ses doigts : «Au Luxembourg, il doit y avoir un ou deux jeunes groupes branchés sur ce style, tout au plus ! C’était différent quand on avait seize ans», se rappelle-t-il. Il poursuit, la nostalgie en bandoulière : «On reste des « nineties kids » qui écoutaient Green Day, Rancid et Nirvana. On lisait des interviews dans les magazines où les mecs disaient ne pas savoir jouer de musique. Du coup, on a fait pareil !» (Il rit)

Aujourd’hui, la donne a changé, les orientations aussi. Et c’est le hip-hop, l’électronique et le DJing qui remportent les suffrages dans la nouvelle génération. Ralph se lance : «Elle est mieux organisée que nous à l’époque. C’est vrai, il y a plus de médiums pour faire des enregistrements, plus de salles pour les répétitions et des moyens technologiques qui n’ont plus rien à voir avec ce que l’on a connu…» Plus très punk tout ça ! Jojo confirme : «Les jeunes font les choses différemment, vont plus vers le digital. Quand on est seul devant un ordinateur, ça va plus vite et c’est plus facile, plus immédiat ! Créer un groupe et gérer les frictions, c’est une autre affaire !» (Il rit)

Le punk a été réduit à une crête, des piercings et aux fringues que l’on porte (…) Pour moi, tout se passe dans les têtes

Giordano évoque, lui, le cas d’un de ses amis (Jacques Rasic) qui accueille dans son studio des artistes en herbe, armés seulement d’une feuille de papier sur laquelle sont simplement griffonnées des paroles. «C’est lui qui fait toute la musique, les beats… C’était autrement plus compliqué il y a trente ans en arrière !», note-t-il sans chercher à diviser. Car l’important tient au geste, comme le mentionne Jojo. «Cette absence de relève, ça n’a rien de triste. Chaque génération a ses moyens d’expression. Et celle-ci ne se retient pas», dit-il en évoquant les manifestations face aux changements climatiques et cette «fureur» à fleur de peau.

Le punk ne serait-il finalement qu’un état d’esprit ? Une évidence pour Giordano. «Derrière le terme, on trouve une communauté diverse, mais aux mêmes idées, aux mêmes principes de vie.» Jojo détaille : «Le punk a été réduit à une crête, des piercings et aux fringues que l’on porte. Mais c’est juste la partie visible de l’iceberg ! Pour moi, tout se passe dans les têtes. C’est à voir comme une prise de position, contre le conservatisme, et une critique de ce qui se passe sous nos yeux actuellement. Sans oublier cette envie de reconstruire autre chose, de créer, tout simplement.» En somme, qu’importe l’emballage, «l’important, c’est ce que l’on raconte !», lâche Ralph.

Promis, on ne va pas faire de reprises des Ramones !

Son nouveau groupe, qui a sorti son premier disque en septembre 2021 (Artefakt), se dit d’ailleurs «très en colère» contre le monde qui l’entoure. «C’est punk ça, non ?», sourit Ralph dans une ironie mordante. Surtout qu’aujourd’hui les sujets de mécontentement «ne manquent pas !». Ce week-end, ils prendront des formes multiples, ballottés entre les styles et les humeurs : ska, metal, hardcore, grunge, «dirty» reggae… «Il n’y aura pas que des chansons simplistes avec trois accords et, promis, on ne va pas faire de reprises des Ramones !», rassure le guitariste.

Reste que «Mad Ones Festival», bien qu’énervé contre le système, doit quand même composer avec. Après deux ans de masque et de gel hydroalcoolique, il se rend compte, encore une fois, que l’époque a bien changé. Giordano reprend son statut d’organisateur et témoigne : «C’est désormais plus compliqué de vendre des billets. C’est un changement que j’ai déjà observé il y a peu, à travers deux ou trois concerts qui se sont remplis à la dernière minute, en caisse du soir. Ça me donne de l’espoir» pour ce week-end, lâche le bassiste, un peu désabusé par la faiblesse des préventes.

Et le contexte social et économique ne va pas dans son sens, surtout que Versus You a toujours eu l’habitude de viser large et de voir plus loin que les frontières. «On a des potes qui vivent près d’Hanovre et qui voulaient venir à sept. Mais faites le calcul : c’est 600 kilomètres, deux voitures et 200 euros d’essence chacune. Ça calme !», résume-t-il, pragmatique. Mais à l’instar de Ralph, Jojo et d’autres bandes, il pourra compter sur les «vrais punks» pour que la fête soit une réussite. Et l’âge n’a rien à voir dans tout ça. «De toute façon, on sera toujours plus jeunes que d’autres !», conclut le leader de Schëppe Siwen.

«Mad Ones Festival» Kulturfabrik – Esch-sur-Alzette. Samedi et dimanche dès 14 h.

L’affiche

Samedi

Jaya The Cat (Pays-Bas)

Useless ID (Israël)

Disliked (Luxembourg)

Schëppe Siwen (Luxembourg)

P.O.Box (France)

March (Pays-Bas)

Straightline (Allemagne)

Vulvarine (Autriche)

Your Wild Years (Belgique)

The Bob Ross Effect (Allemagne)

Dimanche

Toxkäpp (Luxembourg)

Not Scientists (France)

Antillectual (Pays-Bas)

Venerea (Suède)

F.O.D (Belgique)

DeeCracks (Autriche)

7yearsbadluck (Autriche)

Kaiju Ultra (Luxembourg)

Weakonstruction (Luxembourg)

Superdrive (Luxembourg)

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