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En Arabie saoudite, les écoles de musique ont le vent en poupe


Cinq écoles de musique ont récemment ouvert dans la capitale, Riyad, et à Djeddah, la deuxième ville du royaume. (Photo : AFP)

Dans une Arabie saoudite en pleine mutation, plusieurs écoles de musique, qui s’adressent à tous, ont ouvert et rencontrent un grand succès. La prochaine étape pourrait même être l’enseignement de la musique dans les écoles publiques.

Ahmed Abdallah regarde attentivement sa fille, Yasmine, s’exercer aux gammes sur un piano dans une école de musique de Riyad, une passion que lui n’avait pas pu réaliser dans l’Arabie saoudite ultraconservatrice de son enfance, aujourd’hui en pleine mutation. Dans l’école de musique Yamaha, dans le centre de la capitale, la petite fille de 7 ans participe tous les samedis à un cours collectif d’une demi-heure avec un jeune professeur égyptien, sous un panneau portant l’inscription «Musique pour tous».

Ahmed Abdallah veille sur Yasmine avec nostalgie. «Je me vois en elle, en train de faire ce à quoi je n’avais pas accès dans mon enfance», raconte ce père de 42 ans. Selon lui, l’Arabie saoudite «investit désormais dans la future génération» avec «plus d’opportunités». «L’intérêt pour la musique grandit», constate-t-il.

Longtemps accusée de diffuser un islam obscurantiste, la riche monarchie du Golfe suit une application rigoriste de la charia, la loi islamique, malmenant sévèrement le goût des arts. Mais depuis ces dernières années, le jeune prince héritier, Mohammed ben Salmane (MBS), dirigeant de facto du royaume du Golfe, cherche à en finir avec cette image austère, faisant la part belle aux grands évènements sportifs et culturels.

De YouTube à l’école

Certes, l’Arabie saoudite abrite depuis longtemps des chanteurs et paroliers parfois célèbres, mais les grands concerts étaient rares. Désormais s’y produisent des stars arabes ou internationales, du Canadien Justin Bieber aux géants de la K-pop BTS, en passant par le DJ français David Guetta.

Ces artistes se voient régulièrement reprocher de servir la soupe au pouvoir saoudien, accusé par les ONG de graves violations des droits humains. Mais ces concerts restent plébiscités par toute une génération en mal de divertissements.

Et la vie quotidienne aussi est devenue plus mélodieuse : restaurants et cafés, jadis plongés dans le silence, diffusent des morceaux de musique et organisent des petits concerts. Cinq écoles de musique ont récemment ouvert dans la capitale, Riyad, et à Djeddah, la deuxième ville du royaume, située au bord de la mer Rouge. Leur clientèle : des enfants, mais aussi des adultes.

C’est le cas de Wajdan Hajji, une passionnée de musique âgée de 28 ans, qui vient de terminer son cours. «J’ai changé, je suis devenue plus calme», confie cette employée d’une entreprise de fournitures médicales.

Celle qui s’efforçait d’apprendre la guitare grâce à des vidéos sur YouTube débourse désormais l’équivalent d’environ 250 euros par mois pour ses cours avec un professeur ukrainien. «Si je faisais une erreur, il n’y avait personne pour me corriger», se souvient la jeune femme. «Je ne savais rien, mais maintenant, j’ai appris les bases.»

Marché en pleine expansion

En 2020, le royaume a créé l’Autorité de la musique, sous l’égide du ministère de la Culture, qui accorde des licences aux écoles spécialisées et doit soutenir les jeunes talents. Et un plan destiné à enseigner la musique dans les écoles publiques a récemment été lancé, le secteur privé ayant aussi commencé à s’y intéresser.

À la «Maison de la musique» de Riyad, un groupe de cinq enfants suivent attentivement les consignes de leur professeure libanaise, avec des mouvements au rythme des notes de musique.

L’école aux salles ornées de posters de la légende jamaïcaine du reggae Bob Marley ou de la grande diva libanaise Fairouz a ouvert en 2019 et compte 300 élèves de tous âges, selon son directeur, Cesar Mora. «Jusqu’à présent, les services que nous proposons sont bien acceptés», assure ce résident vénézuélien, ajoutant que l’ouverture d’une deuxième école est en préparation. «La communauté de mélomanes et le marché sont en pleine expansion.»

Oualid Mahmoud, un Soudanais de 37 ans résidant à Riyad, a inscrit ses deux filles de 5 et 3 ans pour qu’elles apprennent l’oud, luth oriental omniprésent dans la musique arabe. Puis, très vite, il s’est lui-même lancé. «L’Arabie saoudite a beaucoup changé», dit-il en souriant, sous le regard de ses filles. «Peut-être qu’on formera un groupe un jour. Pourquoi pas?»

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