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Des logiciels moins énergivores, grand défi du numérique


Gloutons énergétiques, les centres de données sont responsables d' "un quart des gaz à effet de serre générés par le numérique" en 2018, avec des factures d'électricité considérables. (illustration AFP)

Optimiser l’autonomie des batteries, limiter l’obsolescence des téléphones, modérer le recours aux serveurs : la conception de logiciels moins gourmands en énergie trouve un intérêt croissant parmi les acteurs du numérique.

Ce souci d’éco-conception des programmes informatiques s’enracine dans un secteur confronté à l’explosion des échanges de données et qui émet aujourd’hui près de « 4% des gaz à effet de serre du monde, soit davantage que le transport aérien civil » selon un rapport du groupe de recherche Shift Project publié en juillet. « Pour un même résultat, un logiciel peut solliciter plus ou moins de ressources et de données, donc d’électricité », explique Françoise Berthoud, chercheuse en informatique éco-responsable au CNRS. Si ces gains ne font « pas de doute », ils sont « très difficiles à quantifier sans analyse fine », précise-t-elle.

D’où un engouement accru pour ce domaine de recherche qui attire entrepreneurs, développeurs, scientifiques et pouvoirs publics. En France, l’Agence de l’environnement et de maîtrise de l’énergie (Ademe) a cofinancé cinq projets en 2018 à hauteur de 500 000 euros. La start-up Greenspector vend depuis 2014 des solutions aux éditeurs d’applications mobiles afin d’optimiser les besoins en énergie. Pour ses clients, l’intérêt n’est pas seulement écologique, « c’est aussi un moyen d’augmenter sa vitesse d’affichage, sa notation, bref de gagner des utilisateurs », explique son directeur technique, Olivier Philippot.

Comment optimiser les ressources

Si bien que les géants du numérique ont développé des versions « lite » (allégées) de leurs applications mobiles : moins voraces en données et en batterie, elles s’adaptent aux zones où les réseaux et mobiles sont moins performants, « ce qui est aussi une façon de limiter l’obsolescence des appareils », souligne Françoise Berthoud. « Obésiciels », « inflagiciels », « boufficiels », les barbarismes ne manquent pas pour désigner les applications qui utilisent trop ou toujours plus de ressources numériques (mémoire, calcul, autonomie). Pour contenir cette inflation, l’équipe de Romain Rouvoy, professeur en informatique à l’Université de Lille, a développé une « sonde virtuelle » qui observe la consommation d’électricité des programmes sur les serveurs, amenant des gains observés allant jusqu’à « 25% ». Partenaire de ce projet, Orange emploie deux doctorants sur l’éco-conception logicielle pour « réduire les coûts d’exploitation » de ses réseaux.

Gloutons énergétiques, les centres de données sont responsables d’ « un quart des gaz à effet de serre générés par le numérique » en 2018 selon l’Ademe, avec des factures d’électricité considérables. Les paramètres d’optimisation logicielle se logent notamment dans « le type de langage informatique », la « gestion de la mémoire », « le nombre de requêtes entre serveurs et terminaux », énumère Romain Rouvoy. Mais avant de plonger dans les lignes de codes, il faut d’abord considérer « le service numérique et ses fonctions », plaide Frédéric Bordage, fondateur du site GreenIt.fr. « Ça peut être un thème sombre, réduire les animations, la quantité d’images ou de publicités affichées », détaille Olivier Philippot.

Applis boulimiques

L’autonomie des batteries mobiles a été « l’un des points de départ » pour les recherches de Romain Rouvoy, ce dernier constatant que « leurs capacités augmentent mais les utilisateurs ne le perçoivent pas toujours ». Mise en cause, l’amélioration de leurs capacités « n’incite pas à optimiser l’utilisation des ressources » logicielles, déplore Anne-Cécile Orgerie, chercheuse au CNRS et à l’Irisa de Rennes.

Avec cet « effet rebond » coriace, les gains d’efficacité génèrent des économies qui sont rapidement exploitées et donc perdues. La conception logicielle a horreur du vide, « comme un gaz, plus on lui laisse d’espace, plus il l’occupe », abonde Olivier Philippot. Ainsi, pour gagner en vitesse d’exécution, certaines applications sollicitent en arrière-plan des données au cas où elles seraient utilisées, sans que ce soit toujours nécessaire.

A cette boulimie s’ajoute la pression du temps pour « des codeurs qui doivent programmer de plus en plus vite » et « n’ont souvent pas le temps de s’appesantir » sur la performance énergétique, constate la chercheuse Françoise Berthoud. Or, « les développeurs doivent intégrer que ces ressources ne sont pas illimitées », rappelle Olivier Philippot.

LQ/AFP

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