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[Cinéma] CinEast : un festival complètement à l’Est !


Le film de Jerzy Skolimowski 11 minutes sera l'une des projections attendues. Une centaine seront programmées sur plus de deux semaines.

Le festival CinEast propose, chaque année, le meilleur de la production cinématographique des pays d’Europe centrale et orientale. Pour mieux s’ouvrir à des œuvres méconnues et combattre des clichés persistants.

Afin de faire «exister» au Luxembourg une «culture cinématographique peu visible», le festival vise large. Au point d’offrir une programmation considérable durant deux grosses semaines avec, entre autres, une centaine de projections prévues.

Longtemps isolée du reste de l’Europe, la production cinématographique de l’Est, ici représentée par 18 pays ex-communistes, reste encore aujourd’hui marginalisée. Il y a eu toutefois quelques mises en lumière récentes : les œuvres déjantées de Kusturica, les efforts de certains festivals, Berlin en tête (sa proximité avec la frontière polonaise y joue sûrement), pour promouvoir un cinéma d’auteur exigeant, le succès de la Roumanie sur les tapis rouges internationaux, avec des réalisateurs comme Mungiu, ou celui d’autres cinéastes, (trop) vite assimilés français (Zulawski, Kieslowski).

Mais soyons honnête : la grande majorité du public n’appréhende ces films qu’à travers les clichés qui les accompagnent, à savoir de très longs métrages en noir et blanc, avec peu de dialogues, mous et déprimants. Ce que, bien évidemment, réfute le coordinateur général de CinEast, Radek Lipka : «Pendant 45 ans, l’Europe était coupée en deux. Forcément, les lieux communs sont nombreux! À nous de relayer les ponts jetés par les créateurs.»

Il pourrait parler, en effet, pendant des heures, de ce qui se passe sur des plateaux de tournage et dans les salles obscures, du Kosovo à la Lituanie. De la montée en puissance de la Pologne qui a acquis une «reconnaissance internationale» avec des films comme Ida (2013); du renouveau de la Hongrie, qui sort de sa «crise politique et financière» et brille avec un cinéma audacieux (White God en 2014 et Le Fils de Saul l’année dernière, par exemple); de cette tradition du documentaire, toujours en vogue en Croatie et Serbie; de cette disposition à la tragicomédie en Slovénie… Les réunir sous la même bannière reste ainsi un exercice toujours «difficile», délicat et restrictif.

Seule racine commune, donc, ce fantomatique «passé» qui fait la «cohérence» de la programmation. Mais pas que… «Les jeunes réalisateurs n’ont jamais connu le communisme, poursuit-il. Leurs œuvres restent dans la lignée de ce qui se fait à Paris, Vienne ou Berlin.» Et si, effectivement, bon nombre d’œuvres se plaisent à ressasser l’histoire, ses zones d’ombre, ses guerres tragiques et ses douteuses collaborations, d’autres se veulent surtout sociales, et ancrées dans la réalité du moment.

« On a plein de petites perles à découvrir ! »

D’où, au passage, la thématique de cette neuvième édition, «Away from Home», qui brosse le sujet de la migration dans ses grandes largeurs, des «réfugiés aux expatriés en passant par les SDF». À travers une centaine de projections (plus de 60 longs métrages et 40 courts) et une kyrielle d’évènements annexes (exposition, concerts, débats), histoire de «s’ouvrir» à tous, CinEast espère ainsi faire exister au Luxembourg une «culture cinématographique peu représentée».

Et s’il présente des productions primées dans des festivals de renom – comme Death in Sarajevo (Grand Prix du jury à la dernière Berlinale), Godless (Léopard d’or à Locarno), Dogs ou The High Sun (tous deux récompensés à Cannes dans la section «Un certain regard») – et accueille des invités qui ne laissent pas indifférents (à l’instar d’Andrzej Seweryn, qui a notamment joué dans La Liste de Schindler ou Danton), il sait également se montrer plus intimiste, avec de véritables ovnis qui font rire ou pleurer, c’est selon.

«Encore une fois, on a plein de petites perles à découvrir», s’enthousiasme Radek Lipka. Cette offre pléthorique est permise grâce à une activité de tous les instants d’une bonne vingtaine de personnes, sans oublier autant de bénévoles : «On essaye d’être professionnel et on fait de notre mieux». Elle doit aussi beaucoup aux correspondants en place dans la quasi-totalité des 18 pays concernés par le festival : «De vrais connaisseurs!» Mieux : désormais, le CinEast a sa petite renommée, bien au-delà du Grand-Duché où il a mobilisé près de 10 000 spectateurs l’année dernière.

«Les deux ou trois premières années, c’était plus compliqué pour établir une programmation» digne de ce nom, explique le coordinateur général. «Mais aujourd’hui, on traite directement avec certains producteurs.» Ces contacts plus directs n’empêchent pas les contraintes. «Il reste difficile d’obtenir les films les plus récents, notamment ceux soumis à de forts enjeux commerciaux.» Parallèlement, les plus modestes d’entre eux ont «tout intérêt à être présentés». «Ils sont à la recherche d’une reconnaissance internationale.» Autant de raisons, donc, pour ne pas rester «enfermé dans un ghetto» idéologique et pour s’ouvrir au monde. Dans ce sens, le Luxembourg est en première ligne.

Grégory Cimatti

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