Le réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda enrôle la star Song Kang-ho pour Broker, un road movie qui fait réfléchir sur l’adoption et les liens du sang.
En salle aujourd’hui, le film a valu le prix d’interprétation masculine à Song Kang-ho, le père de famille de Parasite, trois ans après le succès mondial du film. «J’ai conscience qu’avoir un casting aussi prestigieux et d’avoir travaillé avec une équipe qui rassemble les meilleurs techniciens du pays, ça peut rendre les réalisateurs coréens probablement un peu jaloux», a affirmé le réalisateur à Cannes, où le film était en compétition lors du dernier festival.
Comme dans Shoplifters, Palme d’or 2018, le cinéaste a imaginé des êtres se rencontrant fortuitement et qui recréent une famille, cette fois-ci autour d’un bébé abandonné dans une boîte où les mères peuvent laisser leur nouveau-né. Un dispositif qui existe réellement en Corée et au Japon, que le réalisateur a découvert il y a une dizaine d’années. L’occasion de s’interroger sur les liens du sang, les séquelles de l’abandon, la douleur des séparations… Des sujets qui sont chers à cet explorateur des liens familiaux.
Pour ce film, «j’ai rencontré beaucoup de gens, des gens abandonnés dans des boîtes à bébé, j’ai visité des orphelinats… La question qui les hantait : est-ce que leur vie avait une valeur, est-ce qu’il avait bien fait de venir au monde?», raconte Hirokazu Kore-eda, qui a souhaité apporter «un regard différent» sur les femmes abandonnant leur enfant. Song Kang-ho joue un homme criblé de dettes qui découvre le bébé abandonné et se porte volontaire pour lui trouver une nouvelle famille, en échange d’argent.
Plusieurs stars coréennes
Autour de lui gravite Dong So, qui l’aide dans la «transaction», et la jeune mère, dont les motivations restent longtemps opaques. La vente du bébé va se transformer en road movie entre Busan et Séoul, dans un van décati. L’habitacle sera le théâtre de rapprochements entre les personnages. «Chacun a vécu une situation de rejet dans sa famille d’origine et se retrouve à faire famille de façon assez artificielle», développe le réalisateur.
Le film réunit à l’écran plusieurs stars sud-coréennes : outre Song Kang-ho, Bae Doo-na (Cloud Atlas), Gang Dong-won (Peninsula) et la star de la K-Pop Lee Ji-eun, IU à la scène. Elle avait déjà reçu des critiques élogieuses pour son rôle dans la série télévisée My Mister (2018), où elle jouait une jeune femme lourdement endettée.
C’est sa prestation qui avait tapé dans l’œil de Hirokazu Kore-eda. «Ce qui m’a motivé, ce n’était pas tant de tourner en Corée mais d’avoir rencontré des acteurs coréens. J’avais en l’occurrence très envie de tourner avec eux», raconte-t-il.
«Un acteur tellement expressif»
Song Kang-ho s’attendait à une direction d’acteurs «méticuleuse et calculée» de la part de Hirokazu Kore-eda. «Mais il nous a vraiment respectés et a fait ressortir nos émotions d’une manière qui soit vraiment libre, bienveillante et inépuisable», racontait-il début mai à Séoul.
À 55 ans, l’acteur a franchi une étape supplémentaire en recevant le prix d’interprétation à Cannes en mai dernier. Devenu le visage le plus connu du cinéma sud-coréen après Parasite, il était aussi revenu à Cannes en juillet 2021, en tant que membre du jury présidé par Spike Lee.
C’est sa première collaboration avec Hirokazu Kore-eda. «Ce n’est pas l’histoire, le thème ou même le scénario du film qui m’a motivé, mais le fait même de travailler avec lui. J’aime beaucoup son cinéma, pour son humanité, et pour l’amour qu’il porte à ses personnages», a expliqué l’acteur dans une interview à Paris Match.
«Song Kang-ho est un acteur tellement expressif, que ce soit pour exprimer la tension, la comédie ou la confusion», commentait récemment Brian Hu, professeur de cinéma à l’université d’État de San Diego.
Broker,
de Hirokazu Kore-eda.