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La guerre entre gendarmerie et police ravivée après les attentats


Bernard Cazeneuve (g), ministre de l'Intérieur, le 3 février 2016 à Paris. (Photo : AFP)

La légendaire «guerre» entre la police et la gendarmerie, source d’inspiration inépuisable pour les auteurs de romans noirs, a refait surface après les attentats du 13 novembre, suscitant une vive réaction de Bernard Cazeneuve.

«Il y a deux forces» de l’ordre et «UN ministre» de l’Intérieur, a tonné, le 25 janvier, Bernard Cazeneuve inaugurant une série de vœux de syndicats de police. «C’est moi qui décide quand il s’agit de la sécurité des Français», a-t-il ajouté, «que les choses soient bien comprises ainsi».

Quelle mouche a donc piqué ce ministre peu coutumier de telles colères? Rien moins, selon les spécialistes des questions de sécurité, que siffler la fin d’un énième épisode de la guerre police/gendarmerie.

Il s’est joué en plusieurs actes de façon plus feutrée que de coutume après les attentats parisiens, les plus sanglants jamais commis en France avec 130 morts.

Le prologue a lieu dans les couloirs des commissariats, des casernes ou de la place Beauvau, siège du ministère sous la coupe duquel, depuis 2009, les deux forces sont placées. L’une, la police, est civile avec de puissants syndicats corporatistes. L’autre, la gendarmerie, est militaire et ses associations professionnelles commencent à peine à émerger.

La première est traditionnellement plus implantés en ville, la seconde en zone rurale ou en moyenne agglomération. Chacune a son unité d’élite aux compétences reconnues: Raid pour la police, GIGN pour la gendarmerie. Contrairement aux attentats de janvier 2015 lorsqu’elles ont maitrisé de concert les jihadistes, chacune dans sa zone d’influence, c’est la police qui est maître d’œuvre durant ceux de novembre au coeur de Paris.

Les critiques, diffusées sous le manteau ou plutôt l’uniforme, visent notamment l’assaut mené le 18 novembre avant l’aube par le Raid contre un appartement de Saint-Denis, où était notamment retranché Abdelhamid Abaaoud, un des organisateurs des tueries.

« Fait-on peur ? »

«Précipitation» et «failles» sont pointées. Le Raid évoque d’abord une fusillade nourrie avec 5 000 coups de feu; 1 500 en réalité, dont très peu tirés par les jihadistes. Le GIGN, bien que «positionné» le soir des attentats selon les gendarmes -ce que conteste, «preuves à l’appui», la police-, n’est pas intervenu. Selon des sources policières, «il ne manque pas de le faire savoir», ce que conteste la maison d’en face.

L’acte I se joue par un courrier adressé à Bernard Cazeneuve, le 1er janvier, par une intersyndicale Unsa-police/SCPN, le syndicat majoritaire chez les commissaires. Elle critique les «manœuvres de déstabilisation» et «aspirations expansionnistes» de la gendarmerie et de son directeur, non nommé précisément, le charismatique général Denis Favier, proche de Manuel Valls.

Qu’elle «recentre», raillent les syndicats, «son dispositif» sur sa zone de compétence, des «territoires délaissés». Et laisse tranquilles les 150 000 policiers qui font «l’écrasante majorité des efforts» de sécurité.

Le courrier devait rester secret mais, acte II le 15 janvier, est rendu public par une association professionnelle de gendarmes, Gend XXI, puis par l’Union nationale du personnel en retraite de la gendarmerie. La seconde écrit: «La connerie ne se commente pas.»

Acte III, le même jour: le directeur de la police nationale, Jean-Marc Falcone, lors des vœux à ses troupes en présence du ministre, souligne, sans référence à la polémique, que la «police traite plus de 70% de la délinquance» en France.

L’acte IV est la réponse de Bernard Cazeneuve. Les Français, dit-il aussi, «attendent de nous une unité» et «qu’on les protège», saluant le «même courage, la même fierté» des deux forces de l’ordre.

Fin du psychodrame? Il y a une semaine, le général Favier, dans son blog interne, écrit que «dans une période» réclamant «sérénité et réflexion (…) certains tentent de nous faire vaciller en nous critiquant, en distillant des informations fausses».

«Fait-on peur à ce point?», interroge-t-il. Notre «seule volonté» est «de déployer toutes (nos) compétences pour assurer la sécurité de notre pays et (…) occuper (notre) place, rien que sa place, mais toute sa place». «Au regard du niveau de menace, il n’y a pas de place pour des chicayas corporatistes», insiste par ailleurs le général Favier dans un entretien au Parisien de jeudi.

AFP/M.R.

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