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Violences domestiques : des failles juridiques trop nombreuses au Luxembourg


Active sur le terrain, la Voix des survivant(e)s interpelle fréquemment les autorités. (Photo : archives lq/didier sylvestre)

La Voix des survivant(e)s porte sans relâche la lutte contre les violences domestiques au sommet de l’État. Elle a soumis des propositions à la ministre de la Justice.

Après une entrevue avec le ministre des Affaires intérieures, pour l’interpeller en particulier sur la formation des policiers dans le cadre des interventions pour violences domestiques, une délégation de l’association La Voix des survivant(e)s (LVDS) a cette fois sollicité l’attention de la ministre de la Justice au sujet du volet judiciaire du traitement des violences. La réponse des autorités compétentes reste à ce jour jugée insuffisante. LVDS a donc mis sur la table une série de propositions concrètes (lire encadré).

L’association, qui recueille de nombreux témoignages rapportant «de graves dysfonctionnements qui sapent la confiance dans la justice», a d’abord exposé le contexte. Trop de victimes de violences sexuelles et sexistes ne se sentent entendues ni prises au sérieux dès le départ de procédures généralement longues et difficiles. Avec, au bout, une réponse judiciaire entraînant souvent «une victimisation secondaire qui vient s’ajouter aux violences déjà subies».

La délégation a particulièrement alerté Elisabeth Margue sur la «chute drastique» du taux d’expulsion des conjoints violents. Selon les chiffres officiels en sa possession, LVDS souligne que le nombre d’interventions policières en ce sens «est passé de 42 % à 25 % entre 2013 et 2022». Et alors que chacune doit faire l’objet d’un rapport au parquet, «environ un tiers n’est pas signalé».

Le sentiment d’impunité des agresseurs pointé

Autre chiffre alarmant remonté auprès de la ministre : «En 2022, une plainte sur trois a été classée sans suite». Quand les affaires sont instruites, elles ne débouchent que rarement sur un jugement. Ainsi, souligne LVDS, sur 1 082 nouvelles affaires de violence domestique transmises aux tribunaux de Luxembourg et Diekirch, «seulement 109 jugements ont été prononcés en 2022». Cela n’inclut pas les autres formes de violence sexuelle ou sexiste, faute de statistiques spécifiques. LVDS s’en réfère sur ce point au Statec, qui a estimé que «près de 30 000 femmes ont été victimes de viol ou tentatives de viol dans le pays». Une ampleur que l’association qualifie de «systémique» et qui doit faire réagir le gouvernement par le biais d’une nouvelle loi «de protection intégrale contre la violence de genre, les violences domestiques et les incidences sur les enfants». Car, en l’état, la loi et l’exécution des peines renforcent un sentiment d’impunité des agresseurs.

L’association a aussi pointé le ressort psychologique de la violence, «l’iceberg» dont la violence physique n’est bien souvent que la partie émergée. Le vide juridique qui l’entoure – contrairement aux dispositions de la convention d’Istanbul (traité international ratifié par le Luxembourg en 2018) – profite à certains agresseurs, déplore l’association. Aux dysfonctionnements de la justice, s’ajoutent ceux liés à des services d’aide qui y sont rattachés. L’association dit avoir connaissance de rapports du Service central d’assistance social (SCAS) ou du Treffpunkt, préjudiciables aux droits des mères et des enfants. Elle demande ainsi que les procès-verbaux des entretiens transmis aux autorités judiciaires «soient relus et approuvés par une signature des personnes entendues», à l’image de ceux rédigés dans un commissariat.

À l’issue de la réunion, la délégation affirme avoir été entendue par une ministre «à l’écoute des revendications», qui a reconnu les «faiblesses» du système judiciaire et partageant «ce même objectif de lutter efficacement contre toute forme de violence». À cet égard, Elisabeth Margue a rappelé la volonté gouvernementale de «créer un centre national d’accueil pour victimes de violences sexuelles et de retravailler plusieurs dispositions légales».

L’urgence de réformer

L’association a dressé une liste d’une quarantaine de mesures, remise à la ministre. Des préconisations qui appellent notamment au renforcement des outils à la disposition de la justice, en particulier avec la création d’une Chambre spécialisée au sein des tribunaux, ainsi qu’à une formation accrue du personnel judiciaire. LVDS réclame des dispositions pour une réelle application des lois déjà en vigueur, par exemple sanctionner les agresseurs qui ne se rendent pas au service Riicht Eraus. Elle appelle par ailleurs à des réformes de fond, concernant la pénalisation des violences psychologiques, ou l’introduction de la notion de féminicide dans la législation et le code pénal.

Un commentaire

  1. Stefan Bäckström

    En réponse aux préoccupations soulevées concernant l’application des lois relatives à l’organisation Riicht Eraus, il est crucial de reconnaître l’équilibre délicat entre la garantie de la sécurité publique et le respect des droits individuels.

    Imposer une participation obligatoire à une forme d’intervention sans procédure régulière soulève d’importantes questions éthiques, notamment concernant la présomption d’innocence et le droit à l’autonomie personnelle et à l’inaliénabilité du corps et de l’esprit. En termes simples, la Croix-Rouge internationale pratique le lavage de cerveau pour le gouvernement du Luxembourg. Une organisation criminelle de droits humains directe dont les employés, agresseurs, disent aux victimes, suspects et éventuels auteurs de ne pas être violents.

    Étiqueter les individus non conformes comme coupables sans procès équitable contredit le principe de l’innocence jusqu’à preuve du contraire, pierre angulaire des systèmes juridiques respectueux des droits de l’homme.

    Pensez-vous même que le RGPD ait donné au gouvernement luxembourgeois le droit de dire à une organisation internationale qu’une personne est violente sans décision de justice ?

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