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Violence basée sur le genre et protection internationale : la «posture regrettable» du ministre


Les tribunaux luxembourgeois ont tranché à l’opposé de la convention d’Istanbul, qui aurait dû prévaloir. (Photo : illustration/adobe stock)

Pour le Luxembourg, être excisée, mariée de force et victime de violences ne justifie pas le statut de réfugié. Une violation des textes européens qui ne dérange pas Léon Gloden.

Face aux demandes d’asile de femmes exposées à des violences dans leur pays, le Luxembourg continue de faire la sourde oreille et d’interpréter comme ça l’arrange la convention d’Istanbul, dont il est signataire.

Ainsi, nos confrères de Reporter relataient, en janvier, le cas d’une adolescente qui a fui la Guinée après avoir subi des mutilations génitales, un mariage forcé et d’autres violences, et à laquelle les autorités luxembourgeoises ont refusé le statut de réfugié. Sous la menace d’une expulsion, elle avait introduit un recours.

Sans succès. La Cour administrative a confirmé l’ordre de quitter le territoire, estimant qu’être victime d’excision dans un pays où c’est une pratique répandue «ne s’analyse pas comme une persécution».

Une situation ubuesque qui a poussé la députée, Liz Braz, à interpeller la ministre de la Justice dans une question parlementaire. L’élue socialiste s’étonne de ce jugement, alors que la Cour de justice de l’Union européenne a réaffirmé que «les femmes peuvent bénéficier du statut de réfugié lorsque, dans leur pays d’origine, elles sont exposées à des violences en raison de leur sexe». Et que la directive sur la protection internationale «doit être interprétée dans le respect de la convention d’Istanbul.» Or, celle-ci mentionne bien que la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre doit être reconnue comme persécution.

Des termes «inappropriés» qui «minimisent les faits»

La députée fait remarquer que, dans le cas de la jeune Guinéenne, les décisions des tribunaux luxembourgeois se révèlent donc contraires aux engagements internationaux du Grand-Duché et demande si une adaptation de la législation est nécessaire.

Surprise, ce n’est pas Elisabeth Margue qui répond, mais Léon Gloden, le ministre chrétien-social des Affaires intérieures. Dans ce qui ressemble davantage à une mauvaise leçon de droit qu’à une réponse à une question parlementaire, il explique qu’il «ne voit pas la nécessité d’adapter la législation nationale» et assure que «la convention d’Istanbul est appliquée au Luxembourg».

Ce que réfutent les associations chaque jour au contact de femmes victimes d’atrocités, à qui on explique que cela ne suffit pas pour obtenir une protection internationale. «On fait face à des décisions très dures, et des termes inappropriés de la part de l’administration comme des juridictions qui minimisent les faits, voire les mettent en doute», rapporte Keren Rajohanesa, juriste au sein de l’ASBL Passerell.

«Les textes sont clairs, appliquons-les»

D’autant plus révoltant que les lois sont là. «La convention d’Istanbul visant à protéger les femmes de toute forme de violence a été ratifiée par le Luxembourg en 2018, puis par l’UE en 2023. Elle devrait être systématiquement appliquée, mais on en est loin.»

D’où un sentiment d’incompréhension face aux propos du ministre : «Il affirme que les deux textes ont des finalités différentes. C’est curieux de présenter les choses de cette façon… La loi sur la protection internationale doit obéir à la convention d’Istanbul», insiste Keren Rajohanesa. «C’est une posture regrettable. À le lire, on dirait que tout va bien.»

En cause, d’après elle, une méconnaissance des questions liées au genre au sein des institutions. «On a des jugements qui révèlent un manque de formation. Le vécu de ces femmes n’est pas pris en compte comme persécution, alors que c’en est une.»

En l’occurrence, le Luxembourg a estimé que la jeune femme, désormais majeure, pouvait retourner en Guinée et quitter librement son bourreau. «On sait que ça ne se passe pas comme ça. Son mari lui a promis de nouvelles mutilations à son retour», précise celle qui a suivi ce dossier. «Les textes pour protéger les femmes sont suffisamment clairs, appliquons-les.»

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