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Viol : la victime a-t-elle pu mentir pour se libérer d’une emprise toxique ?


Le faits paraissent clairs et pourtant… La crédibilité de Manuela est mise en doute. (photo : archives lq)

La victime aurait-elle pu mettre en scène un viol pour se débarrasser de l’emprise de son ancien compagnon toxicomane ? Sa personnalité et leur passif sulfureux soulèvent des doutes.

Manuela a réussi à se sortir de l’enfer de la drogue, mais pas de l’enfer qu’elle accuse Joaquim de lui avoir fait vivre. «Nous étions un couple de toxicomanes.» Deux relations dont, malgré des rechutes, elle a essayé tant bien que mal de se libérer. Mais, explique-t-elle, Joaquim n’aurait pas été du même avis. Elle l’accuse des pires maux. «Je n’ai pas pu dire au revoir à mon père décédé et saluer mon petit-fils qui venait de naître parce que Joachim retenait des informations.» Isolée de sa famille et sous emprise à l’époque des faits, elle aurait subi les menaces – dont certaines de mort ou d’attaques à l’acide sulfurique –, le harcèlement et les coups tordus de la part son ancien compagnon devenu son locataire. Jusqu’au viol et à la fuite en avril 2021.

Son chien l’aurait retenue. Elle demande de l’aide à un policier, qui connaît la situation du couple, pour récupérer l’animal, mais n’évoque pas le viol dans un premier temps. Quand elle apprend que le chien est déclaré au nom de Joaquim et qu’elle ne peut pas l’emporter, elle lâche : «J’ai été violée et il peut rester dans la maison.» «Pourquoi ne pas avoir dit tout de suite à la police que vous aviez subi un viol?», interroge la présidente de la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. «J’ai eu l’impression qu’on ne me croyait pas. Les policiers ne m’ont pas demandé pourquoi je voulais quitter ma maison», répond Manuela qui n’avait jusqu’alors jamais réussi à se débarrasser de lui.

Joaquim avait, selon elle, trouvé la poule aux oeufs d’or et refusait de s’en séparer. «J’avais une très bonne situation qui nous permettait de vivre notre toxicomanie. Il n’aurait pas pu maintenir son style de vie avec son Revis», explique la femme de 58 ans. Les faits paraissent clairs et pourtant. La crédibilité de Manuela est mise en doute. Aurait-elle pu mettre en scène le viol et les menaces d’attaques à l’acide sulfurique pour se débarrasser manu militari de son ex-compagnon gênant et récupérer son chien? Des éléments d’enquête ainsi que la personnalité de Manuela sèment le doute.

«J’ai eu davantage affaire à une femme heureuse de sortir d’une situation toxique qu’à une victime de viol», note une experte psychiatre qui n’a pu affirmer avec certitude, même après sept heures d’entretien, que Manuela est crédible. «Sa perception peut avoir été faussée par son trouble de la personnalité borderline et son trouble de l’humeur de type bipolaire qui n’ont pas été traités. Il faut garder ses troubles à l’esprit dans cette affaire. (…) Sa grille de lecture et sa perception de la réalité sont différentes de celles des autres. Tout est vu sous une loupe de manière binaire.»

«Une bouteille à tête de mort»

Le 20 avril 2021, Manuela «ne voulait pas rester dans la maison» et «voulait récupérer le chien», témoigne le commissaire en chef. «Elle a évoqué le viol en passant, avant de changer de sujet. Elle s’est contentée de dire qu’elle avait dû porter de la lingerie sexy avant d’être violée.» Le policier, qui était déjà intervenu au domicile du couple quelques jours plus tôt, n’a pas cherché à en savoir davantage. «La nuit du 17 au 18 avril 2021, elle est apparue à la fenêtre et nous a répété que tout allait bien. Elle n’avait pas l’air dans son état normal.» À la barre hier, Manuela assure qu’elle avait été menacée par Joaquim, bouteille d’acide à la main, de se taire et avait essayé de leur faire passer un message que les policiers n’auraient, selon elle, pas compris.

Bouteille d’acide que le policier n’a pas vue le soir des faits. «Je me serais souvenu d’une bouteille avec une tête de mort dessus. Manuela nous avait demandé d’emporter une télévision qui se trouvait sur la commode de la chambre de Joaquim», affirme-t-il. La bouteille apparaît sur la commode quelques jours plus tard avec une nuisette rouge. Manuela reconnaît les y avoir déposés pour conforter ses propos.

Le viol aurait eu lieu dans la nuit du 17 au 18 avril, selon une enquêtrice de la police judiciaire qui a essayé de reconstituer la chronologie des faits. «La victime n’a pas la mémoire des dates.» Ce qui ne participe pas à clarifier les faits. Il est également question d’une tentative de suicide du prévenu le 21 avril 2021, de deux reconnaissances de dettes de 80 000 et 60 000 euros obtenues sous la menace, de l’usufruit de ses deux appartements dont Joaquim jouirait à son décès, de l’assurance-vie dont il aurait été le bénéficiaire et de menaces d’incendie criminel.

Le prévenu et sa victime présumée s’étaient rencontrés vingt ans plus tôt. Il était son fournisseur d’héroïne. Au moment des faits, le couple était séparé depuis de nombreuses années et n’aurait plus entretenu de rapports sexuels réguliers. L’expert psychiatre a évoqué «une clochardisation», «une stratégie d’éloignement pour éviter les relations intimes». Joaquim nie le viol. Manuela et lui auraient eu des rapports sexuels réguliers «quand elle le souhaitait». Il prendra position cet après-midi.

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