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Une inflation des coûts ou des bénéfices?


L’inflation ne viendrait pas que de la hausse des matières premières…. (Photo : editpress)

La Chambre des salariés s’est penchée sur cette fameuse inflation qui plombe notre économie. Apparemment, elle ne gêne pas la trésorerie de certaines entreprises.

La Chambre des salariés a pointé du doigt hier de curieuses évolutions de courbes concernant l’inflation, l’excédent brut d’exploitation et la rémunération des salariés. Il y aurait des choses assez surprenantes à constater alors que ces derniers mois, les alertes sur l’impact des tensions économiques actuelles sur la rentabilité des entreprises et donc sur l’emploi se sont multipliées.

Pour la Chambre des salariés (CSL), il est vrai que la succession des crises affecte non seulement le pouvoir d’achat des ménages, mais aussi l’activité quotidienne de certaines entreprises. Néanmoins, selon elle, l’évolution de la valeur ajoutée brute (VAB) au troisième trimestre 2022 montre que dans certains secteurs, les entreprises sont en mesure de répercuter les coûts de l’inflation sur les consommateurs finaux et de maintenir, «voire d’augmenter» leurs marges au détriment de la rémunération des salariés. Cette analyse a été rendue publique hier à travers la newsletter «éconews» de janvier de la CSL.

La valeur ajoutée brute créée au sein des entreprises par les salariés peut être répartie en deux, précise ainsi la CSL : d’une part, la rémunération des salariés (la part salariale) et, de l’autre, l’excédent brut d’exploitation (EBE) revenant aux entreprises (la marge brute). Pour l’ensemble des activités au Luxembourg, l’évolution de l’EBE est en avance sur la rémunération des salariés depuis la fin de l’année 2020. Cet écart s’est agrandi avec la hausse de l’inflation depuis le quatrième trimestre 2021. La CSL explique à travers son analyse des chiffres que la rémunération des salariés a suivi la tendance de l’EBE jusqu’au deuxième trimestre 2022. Mais, selon ses données, l’écart s’est ensuite creusé au troisième trimestre 2022, lorsque la rémunération des salariés était supérieure de 25 % à celle du premier trimestre 2019, tandis que l’EBE était supérieur de 43 % à son niveau du premier trimestre 2019. De quoi s’interroger concernant cette répartition de la fameuse valeur ajoutée brute créée au sein de l’entreprise.

Industrie, finances, commerce

Pour la CSL, l’évolution est particulièrement frappante dans les secteurs de l’industrie, des activités financières et d’assurance, et dans le commerce. On y observe une évolution similaire entre l’EBE et le taux d’inflation, qui dépasse de loin l’évolution de la rémunération des salariés. Dans l’industrie, l’EBE au troisième trimestre 2022 était supérieur de 66 % à son niveau du premier trimestre 2019, alors que la rémunération des salariés n’avait augmenté que de 12 %. Dans le secteur financier, l’augmentation de l’EBE a été de 70 % et celle de la rémunération des salariés de 25 %.

Dans le secteur «Commerce, transport, hébergement et activités de restauration», l’augmentation de l’EBE a atteint 82 % et celle de la rémunération des salariés seulement 19 %, selon les données de la CSL. La Chambre des salariés précise dans la foulée que «la masse salariale dans ce secteur a même diminué entre le deuxième et le troisième trimestre 2022». Pour la CSL, il existe clairement un lien entre l’inflation et l’évolution de l’EBE dans ces secteurs. «Il est donc légitime de se demander si les entreprises profitent de l’inflation pour augmenter leurs marges bénéficiaires», ajoute le document d’analyse. Et de se demander si le pays n’est pas touché par une «inflation des bénéfices» et plus seulement une simple «inflation des coûts». La CSL prend ainsi l’exemple une étude allemande de l’Ifo Institut qui semble montrer que certaines entreprises utilisent la hausse des coûts comme prétexte pour améliorer leur situation bénéficiaire en augmentant encore leurs prix de vente. La CSL ajoute qu’une autre étude de l’Institut d’économie politique, publiée en avril 2022, parvient à des conclusions similaires pour les États-Unis. L’étude, qui analyse l’inflation postcovid, constate que plus de la moitié (53,9 %) de la hausse des prix peut être attribuée à l’augmentation des marges bénéficiaires. En même temps, l’augmentation des coûts salariaux n’a été responsable que de 8 % de la croissance de l’inflation. L’écart est énorme.

De quoi avoir un autre regard sur l’inflation qui nous touche… et peut-être essayer de réfléchir pour sortir de ce cercle vicieux de l’«inflation des bénéfices», histoire que nos économies et nos sociétés naviguent à nouveau en mer calme.

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