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[Musique] Un premier pas vers la professionnalisation avec Kultur:LX


Lors des assises sectorielles musiques actuelles en mars 2021, Stephanie Baustert (à g.) attirait déjà l’attention sur le manque de professionnalisation, en particulier chez les managers. (Photo : archives lq/julien garroy)

À la rentrée, Kultur:LX lance une bourse-pilote qui s’adresse aux managers d’artistes musicaux. Un premier pas vers la professionnalisation tant réclamée du secteur.

Avoir un manager, pour un artiste, ça change complètement la donne : on peut commencer à déléguer une partie du travail, on sait qu’on est épaulé et, surtout, on a plus de temps pour se concentrer sur sa création. Je suis persuadé que toutes ces choses, mises ensemble, changent aussi la qualité du produit.» Depuis le temps où il était chargé de projet au sein du défunt Music:LX, la professionnalisation du secteur musical était une problématique centrale pour Giovanni Trono. Aujourd’hui directeur du département Musique de Kultur:LX, il regarde en arrière et affirme que, depuis dix ans, «c’est clair pour tout le secteur : s’il y a un métier à pousser pour commencer ce mouvement de professionnalisation, c’est celui de manager».

« Au Luxembourg, un artiste musical n’a pas d’entourage professionnel »

Ainsi, Kultur:LX lance à la rentrée l’Artist Management Programme (AMP), une bourse-pilote destinée aux managers musicaux du pays et dont les clients sont, eux aussi, des artistes luxembourgeois. Les lauréats – ils seront deux – pourront développer leur carrière professionnelle et se concentrer entièrement à leur métier de manager, sans être encombré par les «mille autres casquettes qu’ils peuvent avoir», explique Giovanni Trono. «Le manager, c’est celui qui prend l’artiste dès ses débuts et autour duquel il développe un réseau : chercher des partenaires, trouver un label et des « bookers »… Bref, c’est celui qui épaule l’artiste dans les tâches « administratives » et qui lui permet de se concentrer sur son art. C’est ce dont tout artiste a idéalement besoin, mais aujourd’hui, au Luxembourg, un artiste musical n’a pas d’entourage professionnel. L’idée de l’AMP est bel et bien de combler un manque.»

Le manager (…) permet à l’artiste de se concentrer sur son art. C’est ce dont tout artiste a idéalement besoin

Après la remise d’un dossier à la date limite du 4 septembre – «assez lourd», reconnaît le directeur Musique de Kultur:LX, puisqu’il comprend, entre autres, une liste d’objectifs à réaliser et un «business plan» –, c’est un comité de sélection qui examinera les demandes des candidats, étape à l’issue de laquelle deux lauréats seront choisis. Ceux-ci obtiendront une bourse de 10 000 euros par an pour une durée de deux ans, une période qui permettra aux heureux élus de se former entièrement au métier, et à Kultur:LX d’évaluer le bon fonctionnement de son programme. «C’est une phase de test», souligne Giovanni Trono, mais «notre but, c’est qu’au bout de deux ans, on ait des managers à temps plein».

Pour des managers déjà établis

Dans le domaine de la musique, beaucoup de managers, au Luxembourg comme ailleurs, font partie du cercle familial ou amical de l’artiste, en particulier chez les artistes débutants. Mais la bourse-pilote mise en place par Kultur:LX s’adresse en priorité à des managers déjà établis, «simplement parce que, comme c’est encore en rodage, nous avons besoin de gens qui savent de quoi ils parlent», dit Giovanni Trono, qui espère toutefois que cette phase de test fasse naître une vocation aux managers amateurs afin qu’ils soient prêts, dans deux ans, à déposer à leur tour une candidature et à se professionnaliser. Mais aujourd’hui, «la réalité du Luxembourg est que la plupart des managers n’exercent pas à temps plein», déplore-t-il.

Active dans le milieu du jazz, Stephanie Baustert compte parmi ses clients le Gilles Grethen Quartet et le Michel Meis 4tet. Celle qui est à son compte depuis 2016 a «passé (s)on été à monter (s)on dossier pour l’AMP», mais aussi à «restructurer un peu» son entreprise. Une façon de prendre les devants, si son dossier est retenu. «Pour un indépendant, c’est important de prendre le temps de réévaluer sa situation. En particulier après la pandémie…», ajoute-t-elle. «Je veux avancer et, d’ici deux ans, en être à un autre niveau dans ma carrière.»

« C’est enfin arrivé, c’est une très bonne chose! »

Comme la plupart des professionnels ou semi-professionnels des métiers de l’industrie musicale au Luxembourg, Stephanie Baustert a suivi de près les discussions, formelles et informelles, sur la professionnalisation du secteur, depuis l’époque où elle travaillait pour le producteur Joël Heyard. «C’est une idée qui existe depuis longtemps. Au-delà de l’aide demandée par les managers, le ministère de la Culture a depuis longtemps l’envie de proposer quelque chose qui soutienne et qui aide à développer les professionnels du secteur. C’est enfin arrivé, c’est une très bonne chose!», se réjouit celle qui a commencé dans le management «un peu par hasard», dans le cadre de son activité salariée puis à travers «des cours et des ateliers en ligne».

Giovanni Trono, de son côté, remarque que «le Luxembourg a toujours eu ce côté « DIY », mais ici comme ailleurs, il est de plus en plus difficile à tenir : il y a de plus en plus de groupes et de moins en moins d’argent». L’une des raisons – et non des moindres – qui rendent urgente la professionnalisation du secteur.

Je veux avancer et, d’ici deux ans, en être à un autre niveau dans ma carrière

Pour Stephanie Baustert, l’aide financière apportée par l’AMP lui permettrait de «développer (s)on réseau à l’étranger et (s)es compétences, mais aussi travailler sur une stratégie, sur le marketing… Bref, tout ce qui relève du pur management, qui est une activité moins bien rémunérée» que les autres services qu’elle propose dans le secteur musical.

Dans ce métier, «on a tendance à travailler les aspects qui assurent une rémunération immédiate, en oubliant que d’autres sont rémunérés à long terme, après quelques années. Avoir une aide financière me permettrait d’investir plus de temps dans le développement, tant de l’artiste que de ma propre entreprise», continue-t-elle. Mais la bourse allouée n’est pas le seul avantage du programme : selon elle, l’accompagnement est tout aussi primordial.

Associés à un manager expérimenté étranger

Kultur:LX «sera en relation constante» avec les boursiers, garantit Giovanni Trono. Un «suivi régulier» qui va se traduire par «des réunions, des « feed-back » de leur part et des rapports» à soumettre chaque trimestre, qui permettra notamment à l’entité de «superviser le « business plan » tout au long des deux ans», et aider les lauréats à développer leur expertise. «Les managers à qui s’adresse le programme, bien que qualifiés, sont encore en début de carrière, dit le directeur Musique de Kultur:LX. Alors, ils vont être associés à un manager expérimenté étranger, qui sera disponible pour des échanges, pour les épauler dans les moments de doute… C’est bien sûr une bourse financière, mais c’est aussi un programme d’apprentissage.»

Stephanie Baustert note «la grande importance» de la présence d’un mentor dans le programme, mais garde les pieds sur terre : «Il est possible que je maîtrise moins bien certains aspects de mon métier, et le mentoring est un excellent moyen de recevoir des conseils. Cela dit, il faut savoir les adapter à sa propre situation. Dans ce métier, il n’y a pas de vrai et pas de faux.»

Une étape cruciale dans la professionnalisation

Pour le secteur musical du Luxembourg, il s’agit là d’une première étape cruciale dans la professionnalisation du secteur, et Giovanni Trono met déjà en avant les «synergies» entre les différentes disciplines intégrées dans Kultur:LX, avançant qu’un programme comme l’AMP peut servir de «template» dont on modifierait les éléments spécifiques à la musique pour les adapter à d’autres secteurs, et ainsi élargir l’entreprise de professionnalisation du monde culturel.

Stephanie Baustert, elle, espère surtout le développement d’un programme similaire «pour d’autres métiers de la musique qui ont besoin d’un encadrement : les agents, les éditeurs, les « bookers »»… Elle mesure sa chance : son entreprise, qu’elle gère entièrement seule, a survécu à la pandémie grâce à une aide du ministère de l’Économie. «Mais en deux ans, je n’ai pas pu me développer. C’est frustrant, déprimant même. Ce que je veux changer sur les deux prochaines années, c’est, je l’espère, cette bourse qui va m’aider à le faire.»

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