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Ubérisation : une loi promise et due


Les plateformes se multiplient, qui se disent simples intermédiaires entre le client et le travailleur indépendant.  (Photo : hervé montaigu)

Les Européens ne parviennent pas à un accord sur le statut des travailleurs au service des plateformes numériques. Le Luxembourg légiférera quand même, assure le ministre Mischo.

Il y a matière à s’inquiéter pour les travailleurs des plateformes, toujours en attente d’une directive européenne pour régler leur statut. Ils sont 28 millions dans toute l’Union, et le Secrétariat européen commun de l’OGBL et du LCGB (Secec) voit d’un mauvais œil le développement de ces entreprises numériques et de leur modèle économique qui pourrait concerner 43 millions de travailleurs d’ici 2025.

Les négociations n’ont pas abouti dans la dernière ligne droite, en décembre dernier, alors qu’un accord devait être adopté par le Conseil, sous présidence espagnole. Rebelote sous présidence belge, cette fois, «un véritable coup dur pour des millions de travailleurs des plateformes, mais aussi pour la présidence belge qui s’était pourtant efforcée de faire enfin avancer les choses et de mettre fin aux pratiques abusives de certaines plateformes numériques telles qu’Uber et Deliveroo», estime le Secec.

Le problème avec ces plateformes repose sur les faux indépendants qu’elles emploient. Une étude de la Commission en dénombre 5,5 millions dans ce cas, en droit de revendiquer un statut de salarié pour éviter la précarité. Le Luxembourg a longtemps résisté à l’ubérisation et compte parmi les défenseurs d’une directive ambitieuse en la matière. Les échecs successifs au niveau européen, où les lobbies ont déployé leurs efforts pour faire capoter le projet de loi, ne découragent pas le gouvernement luxembourgeois.

Ne pas sanctionner les vrais indépendants

Le nouveau ministre du Travail, Georges Mischo, ne sort pas du chemin tracé par le Luxembourg depuis le début des négociations et plaide pour un bon équilibre en ce qui concerne les droits et obligations des parties contractantes, «sans toutefois sanctionner les vrais indépendants», comme l’indique le ministre dans une réponse parlementaire adressée au député déi Lénk Marc Baum.

L’accord de coalition promet «un cadre juridique clair pour les nouveaux modèles de l’économie de partage» et le ministre déposera un projet de loi à la Chambre des députés, même en cas d’échec des négociations à 27, ou encore si la directive ne répond pas à ses attentes.

La Chambre des salariés a élaboré une proposition de loi sur les travailleurs des plateformes, comme le rappelle le Secec, et l’a transmise au gouvernement qui n’a pas donné suite, attendant une décision de Bruxelles qui n’est pas venue. Le Conseil sera contraint de rouvrir les négociations avec le Parlement européen qui sortira des urnes en juin prochain, autant dire que l’accord se fera attendre. L’OGBL et le LCGB estiment qu’il serait temps de ressortir le projet de la Chambre des salariés et de le soumettre aux députés.

Menaces de faillites

Les plateformes, à l’instar d’Uber, ont déjà prévenu qu’une telle législation les obligeant à salarier les travailleurs pour qui ils jouent les intermédiaires reviendrait à leur perte. Surtout, les coûts seraient répercutés sur les clients qui ne sont pas prêts à accepter une augmentation de 40 % des tarifs appliqués, contrairement à ce que pense le commissaire européen en charge du dossier, Nicolas Schmit. Les utilisateurs pourraient consentir à une augmentation de l’ordre de 10 à 15 %, mais pas beaucoup plus, loin des 40 % en tout cas, selon un rapide sondage réalisé par Euronews à la fin de l’année dernière.

 Au Luxembourg, on observe depuis quelque temps le phénomène croissant des plateformes qui ne pouvaient livrer que de la nourriture, mais bientôt, «on pourra aussi commander d’autres marchandises comme un câble de téléphone, comme l’explique le CEO de Wolt Luxembourg», relève le Secec. «Le risque que le modèle économique de ces entreprises s’étende à d’autres services est important et ne doit en aucun cas être sous-estimé», prévient-il.

Le gouvernement ne compte pas en rester là, ce qui devrait rassurer le camp syndical. Au contraire. «Une qualification trompeuse en tant qu’indépendant ou commerçant prive ces personnes des droits et protections auxquels elles ont droit en tant que salariés», rappelle Georges Mischo, le ministre du Travail.

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