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Trisomie 21 : pour une meilleure inclusion au Luxembourg


L'Asbl Trisomie 21 Lëtzebuerg a notamment monté un ensemble de danse qui s'appelle Dreamteam 21. L'Asbl interpelle le futur gouvernement sur ce qu'il faut changer (Photo : Victor Wolff).

Trisomie 21 Lëtzebuerg adresse ses doléances au futur gouvernement afin qu’il n’oublie pas ses membres. Parce qu’on ne peut pas guérir de la trisomie 21, il est important de soutenir ceux qui en sont porteurs.

Maman d’une fille porteuse de trisomie 21, Martine Eischen appelle la future coalition gouvernementale à se pencher sur diverses mesures pour améliorer la condition des personnes porteuses de cette anomalie génétique, mais surtout en vue de leur procurer une qualité de vie que tout être humain est en droit de revendiquer. Tour d’horizon.

Pour un interlocuteur ministériel unique
La multitude d’interlocuteurs pose un triple problème de communication, de collaboration et de coordination selon Martine Eischen : «Nous nous fatiguons, car il y a x ministères compétents par rapport à nos missions et activités : le ministère en charge des Transports, celui du Travail, de la Santé, de la Sécurité sociale, de l’Éducation nationale, de la Famille… et cela est compliqué!»
L’ASBL essaie de lancer des projets afin de faire embaucher des personnes porteuses de trisomie 21, mais elle se heurte à certains obstacles. «Nous avons des partenaires qui ont des entreprises prêtes à engager certains de nos membres qui veulent travailler. Nous devons alors voir tous les ministères précités et ceux-ci ne travaillent pas toujours ensemble. C’est aberrant! Il existe un problème de communication, de collaboration et de coordination entre eux. Ce serait très bien d’avoir un seul ministère de référence ou au moins une personne de référence qui gère toutes les facettes de la prise en charge de nos membres. Les infrastructures, comme les foyers ou ateliers protégés, sont financées et soutenues par le ministère de la Famille, les salaires des éducateurs sont versés par le même ministère, alors que le ministère du Travail est compétent pour les personnes ayant le statut de travailleur handicapé, tandis que le ministère en charge des Transports est compétent pour les déplacements de nos membres, que le ministère de la Sécurité sociale a l’assurance dépendance sous sa tutelle… et il y a encore les ministères de la Santé et de l’Éducation nationale qui sont forcément impliqués.»

Pour une véritable inclusion
Sur un deuxième point, Trisomie 21 Lëtzebuerg défend une «véritable et totale inclusion» des personnes porteuses de trisomie 21, dans les domaines de «la famille, de l’école, du travail et des loisirs, activités sportives y comprises».
Martine Eischen et son ASBL sont obligées de faire du lobbying permanent pour ne pas être des oubliés de la société. «Parce que notre population, celle dont on s’occupe, ce n’est pas elle qui va aller manifester dans la rue! Même Monsieur Bettel a été surpris de cela quand ils nous a reçus (…) Nous n’avons pas demandé à être des parents d’enfants handicapés. On se débrouille, on a notre vie, notre couple, notre travail, notre famille, et éventuellement on essaye de faire parler de nous. Mais au lieu de nous aider, on nous complique la vie», relate Martine Eischen.

L’assurance dépendance, un droit à garantir
Concernant le droit à l’assurance dépendance, Martine Eischen tient à rappeler que le terme «handicap» est souvent uniquement «assimilé à l’idée de chaise roulante». Or elle tient à souligner que son ASBL accueille «des personnes qui présentent un handicap mental, dont certaines peuvent s’exprimer et même être complètement autonomes. D’autres non. Cela dit, nous connaissons parfois des problèmes avec l’assurance dépendance, car celle-ci peut être refusée à des personnes jugées autonomes, car terriblement encadrées, mais qui, en fait, ne le sont plus sans encadrement. Du côté des évaluateurs de l’assurance dépendance, qui sont parfois blessants, on se dit : « cette personne parvient à s’habiller toute seule, à manger sans assistance (…) » Alors ils prennent la décision de couper l’assurance dépendance. Nous avons un membre à qui on a supprimé l’assurance dépendance, et sa situation n’a pu être réglée que parce que ses parents sont avocats. Cela me fait dire que c’est encore une histoire luxembourgeoise! Ceci me dérange beaucoup, car dans ce pays il faut avoir des relations pour que ça marche. Il faut changer des choses à la base du système.»

Pour une intégration dans les écoles classiques
Cela étant, Martine Eischen reste optimiste en estimant qu’il existe des solutions : «Mais le problème est qu’il y a 30 ans les personnes porteuses de trisomie décédaient prématurément, car il n’y avait pas de suivi médical. Ce n’est qu’à partir de 1983 que les parents ont vraiment poussé pour qu’elles soient scolarisées, car avant cela, elles restaient tout simplement à la maison, jusqu’à ce qu’elles meurent.» Depuis, elles ont progressivement été placées dans l’éducation différenciée : «Aujourd’hui, les parents font pression en vue d’une véritable inclusion dans les écoles dites classiques, car les enfants de l’éducation spécialisée sont orientés vers des structures d’ateliers protégés, à partir de 16 ans, où c’est bien plus facile, parce qu’on n’a pas besoin de beaucoup s’occuper d’eux. Nous sommes donc dans une situation dans laquelle des enfants ont un retard mental et des problèmes d’apprentissage, et au lieu de leur consacrer plus de temps, on leur en donne moins. C’est illogique. Dans les ateliers protégés et dans l' »Édiff », on leur fait faire du bricolage, ils s’occupent du linge (…) Certes on les prépare à la vie, mais il faudrait aussi les faire lire et écrire. Ils se retrouvent, ainsi, dans des ateliers où il n’y a pas de contrôle et l’État finance tout cela : il paie pour les infrastructures, pour les transports, les salaires, mais il ne contrôle pas. Il n’existe aucun standard ni de contrôle de qualité. J’espère que cette manière d’agir, à savoir d’écarter tout ceux qui dérangent dans les écoles, en les orientant tous dans l' »Édiff », changera. Et il me semble que cela est en train de changer, au niveau aussi bien de l’inclusion au sein des familles, que nous conseillons, que de la scolarisation. Mais il reste, entre autres, la question du travail à résoudre.»

Pour une vraie chance sur le marché du travail
Pour l’ASBL présidée par Martine Eischen, «si l’on veut une inclusion effective et que les personnes porteuses de trisomie 21 aient une réelle chance sur le marché du travail, il faut aussi les encadrer et, donc, faire du jobcoaching. On y travaille du côté du ministère de la Famille… mais pourquoi donc n’est-ce pas le ministère du Travail qui se charge de cela?», s’interroge Martine Eischen. Par ailleurs, l’ASBL revendique le droit pour les personnes concernées de pouvoir travailler selon un horaire mobile, «car elles se fatiguent plus rapidement et présentent des signes de la maladie d’Alzheimer plus tôt», ainsi qu’un abaissement de l’âge au droit à la pension.

Un statut du travailleur handicapé à réviser
Pour l’association, cette loi est à réviser, car «elle a été faite pour des gens qui ont un accident de parcours, mais qui sont autonomes. De ce fait, le législateur a oublié tout le secteur des personnes handicapées mentalement. Ainsi, ces dernières doivent se déplacer en bus, mais le bus est payé pour toute la journée, à raison d’un trajet le matin et d’un second le soir, point. Il devrait y avoir la possibilité que des gens puissent bénéficier d’un horaire mobile», d’après l’ASBL.

Claude Damiani

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