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Son corps et ses rêves brisés après un grave accident du travail


Au moment de l'accident, le trentenaire était perché sur un chariot élévateur en train de mettre le filet autour d'un réacteur d'avion, quand il a chuté de quatre mètres. (illustration Jean-Claude Ernst)

Lors d’une chute d’un chariot élévateur de 4m au Findel, Mohamed a subi un traumatisme crânien. Près de cinq mois après le drame, il témoigne.

« Il était autour de 18h30 ce mardi (31 octobre 2017, NDLR). On préparait les palettes pour un avion vers le Mexique. C’était la dernière pièce pour ce vol : un réacteur d’avion et après on avait fini », se souvient Mohamed, 37 ans. Vu la hauteur de la pièce, il monte dans la cage sur un chariot élévateur (fork lift). «C’est mon chef d’équipe qui est allé chercher la cage.» Perché à près de 4 mètres de hauteur, le trentenaire est censé mettre un filet sur la pièce. «Cette dernière palette m’a coûté mon accident.» Les souvenirs de Mohamed s’arrêtent là. «Je suis tombé dans les pommes. Quand je me suis réveillé, j’avais une personne devant moi et l’ambulance m’a embarqué.» Mohamed est tombé sur la tête. Il est gravement blessé.

D’urgence, la victime est transportée à l’hôpital Kirchberg où elle passe plusieurs scanners. Quatre jours plus tard (le samedi), elle est transférée à Nancy où elle subira une intervention chirurgicale. «Ils m’ont dit : Il faut opérer d’urgence, sinon vous allez perdre l’usage de votre œil.» Le diagnostic : traumatisme facial de type Le Fort III. «C’est le plus fort : à la fois le crâne et le visage sont touchés.»

Orbites, nez, dents… et front cassés

Mohamed sort des photos où on le voit avec un gros bandage autour de la tête. «Je suis tombé sur la tête. J’ai eu les orbites, le nez, les dents et le front cassés… On m’a mis des plaques de titane.» De retour à la maison, il a un suivi infirmier pendant plusieurs semaines. Aujourd’hui une cicatrice se dessine sur son crâne : «Depuis mon accident je porte toujours mon bonnet. À l’extérieur je n’ose pas l’enlever, précise le trentenaire. Je n’ai pas envie qu’on me pose des questions.»

Les séquelles ne s’arrêtent pas là. Cela va de la tête aux pieds. Mohamed souffre de céphalées. Il prend des antidouleurs. Les séances de kiné pour la rééducation de son bras, il ne les compte plus.

Au moment du drame, le trentenaire travaillait chez Luxair Cargo depuis près de deux ans. Après ses débuts comme intérimaire (un an et deux mois), il décroche d’abord un contrat saisonnier, puis un CDD. «Ma spécialité, c’était la palettisation», ses yeux pétillent de bonheur quand il y repense. Aucun doute, Mohamed adorait son travail.

«Cet accident a fait basculer ma vie. J’étais travailleur. J’ai tout perdu. C’est ça qui est moralement difficile», confie le dénommé «turbo». «J’ai envie de défendre ma place, d’y retourner. Je veux revivre ce que j’ai vécu. Car l’accident n’est pas de ma faute. J’ai tout fait pour à la fin en arriver là…» Il poursuit : «J’étais en train de me battre pour ma place. À la clé il y avait un CDI. La clé de plein de choses.» Le père de famille projetait notamment d’acquérir avec sa femme et ses enfants une maison. «Là on ne peut plus. On recommence à zéro.»

«J’ai eu de la chance de ne pas mourir»

«La vision actuelle des choses, c’est qu’il est incapable de retravailler», intervient Me Anne Paul qui assiste la victime depuis sa sortie de l’hôpital. «Quand il est venu la première fois à mon bureau, il était vraiment amoché», se souvient l’avocate. «Je veux reprendre le travail, me disait-il, dans toutes les conversations. Maintenant il se rend compte que c’est grave.» Mohamed est aujourd’hui suivi par un neurologue : «Il m’a dit que si je reprends le travail physique je risque de faire des crises d’épilepsie…»

Entretemps le trentenaire a aussi été entendu par la police. C’était en février. Le même mois, il avait eu un entretien avec les ressources humaines chez Luxair. «J’ai eu de la chance de ne pas mourir. J’étais à quatre mètres quand je suis tombé. La porte de la cage se serait ouverte. J’ai eu un accident par rapport à un matériel qui n’était pas sécurisé, m’a dit le policier.» Au moment de l’accident, il travaillait sans harnais de sécurité. Ce qui aurait changé maintenant : «Mes collègues m’ont dit notamment qu’ils ont mis des harnais dès le lendemain. Ils m’ont dit que la sécurité avait été renforcée. Aujourd’hui mes collègues tirent ainsi les filets avec une perche…»

Jeudi 15 mars, Mohamed a déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès du juge d’instruction. «Si on a déposé la plainte, c’est pour connaître les circonstances de l’accident et s’il y a eu des éléments de sécurité valablement mis en place», indique Me Paul. «Le but c’est d’avoir accès au dossier pénal. Et de préserver ses droits avec l’état de santé qui est évolutif. Car il n’est pas du tout consolidé.»

Fabienne Armborst

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