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Robert Mugabe est détenu par l’armée


Robert Mugabe lors d'un meeting de son parti, la Zanu-PF, à Harare le 8 novembre. (Photo: AFP)

L’armée zimbabwéenne a placé mercredi le président Robert Mugabe, 93 ans, en résidence surveillée. Les militaires  ont pris le contrôle de Harare dans une opération dirigée, selon eux, contre l’entourage du plus vieux dirigeant en exercice de la planète.

Malgré les apparences contraires, les militaires ont assuré mercredi que leur intervention, débutée dans la nuit,  n’était pas « un coup d’Etat militaire contre le gouvernement ». « Nous ne faisons que viser les criminels qui entourent » le chef de l’Etat, a déclaré le général Sibusiyo Moyo, dans une allocution diffusée en pleine nuit par la télévision nationale. « Dès que notre mission sera accomplie, nous nous attendons à ce que la situation retourne à la normale », a-t-il ajouté.

L’entrée en scène de l’armée, une première dans ce pays pauvre d’Afrique australe, intervient au moment de batailles pour la succession de Robert Mugabe, qui règne d’une poigne de fer sur le pays depuis son indépendance en 1980. Le chef de l’armée est entré en conflit ouvert avec le chef de l’Etat après le limogeage la semaine dernière du vice-président Emmerson Mnangagwa, longtemps présenté comme son dauphin.

Mercredi matin, des soldats et des véhicules blindés ont encerclé le Parlement, le siège du parti au pouvoir, la Zanu-PF, et la Cour suprême, interdisant leur accès à tout véhicule.

Le président Mugabe a fait savoir qu’il était retenu à son domicile par les militaires, dans un entretien téléphonique avec son homologue sud-africain Jacob Zuma rapporté par Pretoria. Il a précisé qu’il allait bien.

Un témoin avait précédemment raconté à l’AFP avoir entendu des échanges de coups de feu nourris près de sa maison « peu après 02H00 du matin ».

« Coup d’Etat apparent »

« Nous assurons à la Nation que son Excellence le président et sa famille sont sains et saufs et que leur sécurité est garantie », a pour sa part assuré le général Moyo dans sa déclaration.

Malgré les barrages déployés par l’armée, la capitale a semblé fonctionner normalement toute la journée. Dans les rues, de nombreux Zimbabwéens ont confié leur surprise face aux événements de la nuit. « Nous ne savons pas tout ce que cela signifie et nous ne savons pas quoi faire », a dit Karen Mvelani, un étudiant de 21 ans.

Mercredi en fin de journée, la plus grande confusion continuait à régner sur l’identité de ceux qui ont pris le contrôle du pays. Par la voix de son président, le Guinéen Apha Condé, l’Union africaine (UA) a dénoncé « ce qui apparaît comme un coup d’Etat ». Elle a également exigé « immédiatement le rétablissement de l’ordre constitutionnel ».

Fidèle soutien de Robert Mugabe, Jacob Zuma s’est dit « très préoccupé » par la situation et a dépêché, au nom de l’organisation régionale d’Afrique australe (SADC) qu’il préside, deux de ses ministres à Harare pour y rencontrer le président et l’armée. « Les militaires essaient difficilement de faire croire que ce qui se passe n’est pas un coup d’Etat pour ne pas subir les foudres de la SADC et de l’UA », a noté l’analyste Derek Matyszak, de l’Institut pour les études de sécurité (ISS) de Pretoria.

Après plusieurs jours de très vives tensions, l’opération de l’armée, jusque-là considérée comme un pilier du régime, constitue un défi sans précédent à l’autorité de Robert Mugabe.

« Transition »

Lundi, le chef d’état-major, le général Constantino Chiwenga, avait publiquement dénoncé la décision du chef de l’Etat de limoger le vice-président Mnangagwa. L’armée pourrait « intervenir » si cette « purge » ne cesse pas au sein du parti présidentiel, avait-il menacé. Le parti du président a accusé en retour mardi le militaire de « conduite relevant de la trahison » et dénoncé sa volonté « d’encourager au soulèvement ».

Le général Chiwenga et Emerson Mnangagwa ont tous deux été des figures importantes de la lutte pour l’indépendance de l’ancienne colonie britannique, aux côtés de l’actuel chef de l’Etat.

« L’armée va probablement négocier une transition au profit du vice-président évincé », a anticipé l’analyste Theophilus Acheampong, du centre d’études IHS. L’ancien vice-président Mnangagwa, 75 ans, a été démis de ses fonctions la semaine dernière et contraint à l’exil après un bras de fer avec la Première dame, Grace Mugabe, 52 ans, qui ne cache pas son ambition de succéder à son époux. Il a accusé la deuxième épouse du président d’avoir tenté de l’empoisonner pour l’éliminer, suscitant une vive réaction de l’intéressée qui a obtenu son éviction.

Figure controversée, connue pour ses accès de colère et son goût du luxe, Mme Mugabe, qui dirige la puissante Ligue des femmes de la Zanu-PF, compte de nombreux opposants au sein du parti au pouvoir et du gouvernement. De nombreuses informations ont évoqué mercredi sa fuite vers l’étranger mais aucune n’a été confirmée.

A la tête depuis trente-sept ans d’un régime autoritaire et répressif, Robert Mugabe a déjà été investi par la Zanu-PF pour la présidentielle de 2018, malgré son âge et sa santé fragile.

Le Quotidien/AFP

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