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Revenu universel et taxe robots : Mady Delvaux inspire Benoît Hamon


Les propositions de l'ancienne ministre de l'Éducation se sont retrouvées au cœur du débat politique de la primaire de la gauche en France. (photo Tania Feller)

Vainqueur dimanche de la primaire socialiste en France, Benoît Hamon n’en a pas fait mystère : ses propositions de taxe sur les robots et de revenu universel sont largement inspirées d’un rapport de l’eurodéputée luxembourgeoise Mady Delvaux (LSAP).

Adopté en commission juridique au Parlement européen, le rapport de Mady Delvaux à destination de la Commission, qui propose un cadre légal général relatif à l’utilisation de plus en plus importante des robots dans le monde du travail et dans la vie de tous les jours, sera discuté en séance plénière le 16 février.

Dans ce rapport, il est stipulé «qu’eu égard aux effets potentiels, sur le marché du travail, de la robotique et de l’intelligence artificielle, il convient d’envisager sérieusement l’instauration d’un revenu universel de base, et invite l’ensemble des États membres à y réfléchir».

La désignation de Benoît Hamon comme candidat du PS à l’élection présidentielle ravit donc l’ancienne ministre de l’Éducation. Si elle ne s’immisce pas dans les querelles de personnes et ne se prononce pas sur le bien-fondé du choix de l’ancien ministre de François Hollande, Mady Delvaux est «contente que quelqu’un porte le débat sur la place publique».

C’était d’ailleurs l’intention de l’eurodéputée lors de la rédaction de ce rapport. «Le but était en quelque sorte de créer un observatoire sur la place des robots dans notre société.» Si elle est consciente qu’un revenu universel n’est pas pour demain et que son financement est loin de couler de source, l’eurodéputée appelle de ses vœux à «un véritable débat, avec expertise et raison» sur la question.

L’argument de l’assistanat

Elle se dit d’ailleurs «fatiguée» de l’argument de l’assistanat des personnes opposées à un revenu universel qui aboutit à une levée de boucliers purement idéologique avant même de discuter de ce que pourrait réellement contenir une telle mesure. «Nous avons déjà un taux de chômage à 20, 25 % dans certains pays.» S’il augmente encore, «comment organiser la société?», s’interroge simplement la socialiste. «Il faudra bien réfléchir à un revenu décent pour ces personnes qui ne sont pas toutes des « assistées ».»

Si pour beaucoup, l’instauration d’un tel revenu de base aboutirait à la destruction de la valeur travail, pierre angulaire de l’organisation de nos sociétés modernes occidentales, Mady Delvaux rappelle «que lorsqu’on parle de travail, on parle forcément d’un salaire, d’un statut. Or il existe des formes de travail non rémunérées comme celui réalisé par les femmes au foyer ou les bénévoles.»

Alors que le revenu universel s’est retrouvé au cœur du débat de la primaire de la gauche en France (d’aucuns pour le soutenir, les autres pour le critiquer), on ne peut que constater que Mady Delvaux a réussi sa mission. Elle qui voulait apporter sa contribution à un débat quasi philosophique sur le modèle de société que nous voulons pour l’avenir, elle a vu l’une de ses propositions être en première ligne du débat politique dans l’un des plus puissants pays de l’Union européenne, même si elle reconnaît modestement «n’avoir rien inventé». «Le revenu universel est un thème développé depuis plusieurs années» par nombre d’acteurs.

«On n’échappera pas au débat»

Quant à la taxe sur les robots qui «prendraient» les emplois occupés par des humains, Mady Delvaux clame clairement que son intention n’est pas «de freiner l’innovation en Europe et de voir des robots venus d’Asie ou des États-Unis « inonder » le Vieux Continent. Nous avons besoin d’une industrie de la créativité». Mais si le travail salarié devient rare, «on n’échappera pas au débat, surtout au vu de l’évolution rapide des technologies».

«Les anciens impôts ne sont jamais remis en question. Par exemple, les voitures sont taxées et tout le monde trouve ça normal. Mais quand il s’agit de nouvelles taxes, alors cela devient plus sensible.» Au final, cette taxe sur les robots et les remous qu’elle suscite «est un vieux débat avec des nouvelles technologies», les interrogations sur la manière de taxer le travail étant très anciennes.

Mady Delvaux fait en tout cas preuve d’optimisme et garde l’espoir que les dirigeants politiques anticipent les évolutions de la société plutôt que les subir comme cela est trop souvent le cas. «Pour une fois, on peut avoir une stratégie avant qu’il ne soit trop tard. Nous devons inventer et réfléchir à différents scénarios, avec des expertises, des études. Quelles tâches pour les robots? Quelle est leur place dans la société?» À cette fin, «nous devons élargir le débat au-delà des cercles d’experts», impliquer les citoyens.

Pour elle, ce sont surtout les emplois intermédiaires et routiniers qui sont les plus menacés et non les emplois les moins qualifiés «car les robots ne sont pas assez précis pour des tâches de service comme le nettoyage ou la restauration. Mais les employés moyennement qualifiés risquent donc de se tourner vers les emplois moins qualifiés.» Ce sont donc bien les personnes possédant le moins de qualifications qui risquent de subir les plus grandes conséquences du développement continu de la robotique.

Sur un plan plus politique, l’affrontement entre l’aile gauche du Parti socialiste (représentée par Benoît Hamon) et l’aile droite (représentée par Manuel Valls) est pour Mady Delvaux «un débat sans fin. La participation gouvernementale des socialistes entraîne une remise en question. Quand les choses vont mal, on dit que les socialistes trahissent leurs valeurs, mais ils doivent faire preuve de réalisme et sauver ce qui peut être sauvé. La question est : les politiques mises en œuvre seraient-elles pires si les socialistes n’étaient pas aux responsabilités?»

Pas «emballée» par Blair et le New Labour

Si Mady Delvaux reconnaît que les fractures constatées en France traversent l’ensemble de la social-démocratie européenne – on a d’ailleurs pu le constater au Luxembourg au sein du LSAP lors du débat sur l’accord de libre-échange UE-Canada (CETA) – elle en voit une partie de leurs origines dans «la fascination pour Tony Blair (NDLR : Premier ministre britannique de 1997 à 2007 et grande source d’inspiration de Manuel Valls) et le New Labour» qui ne l’a jamais «emballée».

Surtout que l’eurodéputée estime que le New Labour a donné le coup d’envoi des vagues de libéralisations en Europe contre lesquelles elle lutte. «Traditionnellement, les socialistes sont pour une économie de marché régulée, mais aujourd’hui, la richesse produite est très mal répartie.»

Nicolas Klein

Un commentaire

  1. Le RU, tout comme la taxation des robots sont deux sottises de grande ampleur. Le premier car il nie la valeur travail, le second car il nie le progrès.
    Et ce n’est pas parce que les français, très majoritairment nuls en économie ont voté pour ces idées folles qu’il faut les colporter!

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