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Procès du policier : «Il était chef et beau parleur…»


En 2015, les dettes du policier avaient pu être chiffrées à quelque 260 000 euros. (Photo : archives lq/François Aussems)

Poursuivi pour avoir escroqué plusieurs milliers d’euros à ses collègues entre 2010 et 2014, un policier comparaît depuis mercredi devant le tribunal correctionnel. Jeudi matin, certains d’entre eux ont témoigné.

Les témoins défilent à la barre. Et leurs histoires ne varient guère. Collègues policiers, garçon de brasserie ou même ami de longue date… tous se sont fait embobiner en lui passant, un jour ou l’autre, de l’argent. Beau parleur, l’officier de police, aujourd’hui suspendu, ne semble pas avoir eu trop de difficultés à les convaincre.

«Entre son divorce et son projet d’investissement en Géorgie, tout me paraissait plausible. Il m’avait promis de me rembourser six semaines plus tard», raconte un policier qui lui avait prêté 15 000 euros en 2012. Avec le recul, le quadragénaire reconnaît avoir été un peu naïf en notant lors du virement «subside humanitaire» au lieu d’«emprunt». Mais à l’époque «c’était mon chef et collègue».

Ses premiers doutes seraient apparus quand un collègue lui avait glissé peu après qu’il était devenu papa : «On t’as mis de l’argent dans une enveloppe. Tu aurais pu dire « merci ».» Cet argent pour le cadeau de naissance, il ne l’avait jamais reçu. En insistant, il finira par récupérer une partie de l’argent prêté, 3 500 euros. En avril 2013, il en avait eu marre d’attendre. Il avait porté plainte pour les 11 500 euros qui lui manquaient toujours.

Il n’est pas le seul policier à avoir porté plainte contre le chef d’équipe du CI Gare Luxembourg à l’époque. «Il était un beau parleur. Je lui ai fait aveuglément confiance», reconnaît une autre collègue qui, elle, s’était laissé berner par ses prétendus paris sportifs. «Je devais lui payer 1 500 euros. Lui, il s’occupait du placement.» L’offre lui avait paru alléchante. Après un certain temps, elle aurait dû récupérer la mise. Mais rien de tel. À part 750 euros qu’elle a récupérés après avoir fermement insisté, elle attend toujours le reste. Même refrain pour un autre policier. Lui aussi avait porté plainte après avoir désespérément réclamé son dû.

Un porcelet à rembourser

Le quatrième fonctionnaire entendu jeudi matin par le tribunal attend toujours qu’on lui rembourse la facture correspondant entre autres à un porcelet, soit 781,77 euros. Dans le cadre d’une fête entre collègues à Bech-Kleinmacher, il s’était chargé de commander la viande. Le responsable de la «caisse café» commune, c’est-à-dire le chef d’équipe, aurait dû régler cette facture. Mais à part de vaines promesses, il n’avait pas obtenu grand-chose. Et il avait dû payer de sa propre poche la commande pour 50 personnes.

À entendre les témoignages suivants, le prévenu, âgé aujourd’hui de 56 ans, avait aussi soutiré de l’argent à son entourage en dehors de son travail. Un serveur dans une brasserie à Differdange avait eu le bon cœur de le dépanner avec 1 300 euros. De l’argent qu’il n’a jamais revu. Il n’avait pas signé de reconnaissance de dette. Car lui aussi lui faisait «confiance». «C’était un bon client», se souvient-il. «Il venait tous les jours jouer au café…»

Un ami avait carrément prêté 8 000 euros au quinquagénaire. La moitié de ce prêt avait été acté sur un morceau de papier. Mais le résultat est le même. Comme les autres témoins, il a décidé de réclamer son dommage. Quand on additionne les montants des sept parties civiles, on en arrive à plus de 32 000 euros. Ce n’est que le début. D’autres se constitueront, mardi matin, lors de la suite du procès.

«Ça c’était un mensonge…»

En 2015, les dettes du policier avaient pu être chiffrées à quelque 260 000 euros. L’enquête menée par l’Inspection générale de la police (IGP) avait mis au jour une foultitude d’opérations. En les décortiquant une à une, on a pu retracer que certains montants avaient été remboursés. «D’où avez-vous pris cet argent pour les rembourser?», a donc demandé le président. Celui, qui a passé trois mois en détention préventive à l’automne 2014 n’a pas fait mystère de sa façon de procéder : un nouvel emprunt servait tout simplement à rembourser ses anciens prêts. À certains il avait fait miroiter à l’époque qu’il devait verser un acompte à son avocat. «Ça c’était un mensonge…», a-t-il reconnu jeudi face aux juges.

Fabienne Armborst

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