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Oiseaux sauvages au Luxembourg : une situation jugée « très préoccupante »


Si aucun "changement substantiel" n'est opéré dans la politique agricole, certaines espèces vont tout simplement disparaître. (illustration Isabella Finzi)

La situation des populations d’oiseaux sauvages est « très préoccupante », au Luxembourg, a reconnu lundi le ministre de l’Agriculture en réponse à un problème soulevé par les députés Lex Delles et Gusty Graas (DP).

Comme en Europe, le Luxembourg connaît « un large déclin de la majorité des espèces des milieux ouverts et ruraux, et particulièrement des labours, des herbages et des prairies humides », observe Fernand Etgen pour qui « l’évolution des effectifs de ces espèces d’oiseaux reflète la dégradation de leurs habitats et biotopes qui connaissent des régressions similaires ».

Et les chiffres des recensements, notamment par natur&ëmwelt au niveau national, ne sont guère rassurants. Les évolutions à court terme des populations indiquent que « 28% des espèces sont actuellement en déclin », « 38% ont une évolution fluctuante » et « incertaine ». Seuls 13% des espèces voient une évolution actuellement « stabilisée » et 21% montrent une « amélioration ». Ce qui qui signifie que « deux tiers des espèces d’oiseaux présentent une évolution actuelle de leur population non stabilisée, ni améliorée », note le ministre.

Des espèces communes qui se raréfient

Grâce aux différentes mesures de protection prises ces dernières années, quelques succès sont à souligner : ainsi « quelques espèces rares et emblématiques sont en progression […] tels que le Grand-Duc d’Europe, la Chouette chevêche et la Cigogne noire, ainsi que la nouvelle apparition de la Cigogne blanche en tant que nicheur », énumère Fernand Etgen.

Des motifs de satisfaction certes, mais à relativiser toutefois si l’on considère le fait que « souvent les oiseaux communs et particulièrement les oiseaux des campagnes connaissent les régressions les plus fortes et inquiétantes ». Par exemple, « sur les 32 espèces typiquement agricoles, 24 sont dans un état de conservation dégradé », selon Fernand Etgen, jugeant ce constat « d’autant plus alarmant qu’il s’agit en grande partie d’espèces d’oiseaux jadis considérées en tant que très communes ».

A la question des députés « est-ce que la situation au Luxembourg peut être considérée comme préoccupante ? », Fernand Etgen répond sans détour : « oui, même très préoccupante ».

Certaines menacées d’extinction

En effet, outre leur valeur intrinsèque, « les oiseaux jouent également un rôle primordial dans l’équilibre écologique. A l’instar des chauves-souris, il s’agit de bons indicateurs quant à la qualité de l’environnement naturel, et finalement leur présence indique un environnement sain pour les humains », explique le ministre. Sans compter aussi qu’elles débarrassent les cultures agricoles des nuisibles.

Un « service » écologique et gratuit qui pèse dans l’économie. Fernand Etgen en veut pour preuve aux États-Unis, où « en 2011, l’impact économique direct des chauves-souris a été évalué à 23 milliards de dollars par an pour le seul secteur de l’agriculture. Si l’on considère également la valeur monétaire de la santé humaine, par le fait de ne pas devoir recourir à des pesticides, l’impact économique annuel se chiffre à 53 milliards de dollars ».

L’UE doit aller plus loin

Mais nos évolutions sociétales contemporaines ne font qu’accentuer « un appauvrissement alarmant » des espèces. Au Luxembourg, Fernand Etgen cite notamment la pie-grièche grise littéralement décimée. Alors que dans les années 1990, on recensait encore plus de 100 couples, le Grand-Duché ne compte plus que 6 couples en 2018. « Cette
espèce – un remarquable indicateur de la valeur écologique de nos paysages – risque bel et bien de s’éteindre dans les quelques années à venir », s’inquiète le ministre.

En dépit des efforts menés et des mesures ciblées mises en place, « celles-ci semblent trop chétives par rapport aux tendances néfastes générales », reconnaît Fernand Etgen. Car « les menaces et pressions pesant sur la biodiversité et les écosystèmes s’étendent de façon généralisée » sur tout le territoire.

Pour inverser la tendance, « il y a lieu de procéder à un changement substantiel de l’orientation de la politique agricole au Luxembourg et en Europe », assure-t-il. Si l’interdiction prochaine de trois néonicotinoïdes par Bruxelles est largement applaudie, « elle ne peut constituer qu’un premier pas vers une agriculture respectueuse de la faune et de la santé humaine », conclut le ministre.

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