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Les mendiants peuvent respirer, un peu


Le pétitionnaire Marc Faramelli était entouré, mercredi, par Serge Kollwelter (à g.) et Frank Wies. Leur message semble avoir été compris par les ministres et députés présents.

Faire paisiblement la manche est-il interdit au Luxembourg ? Mercredi, la ministre de la Justice a confirmé que seule la mendicité agressive sera encore poursuivie. Une pétition ayant plaidé dans ce sens a obtenu gain de cause.

En quelques jours à peine, début janvier, le cap des 4 500 signatures avait été dépassé. Au final, la pétition réclamant la restauration du droit de mendier paisiblement «à tout moment et partout» avait récolté 5 501 soutiens. L’initiateur Marc Faramelli était mercredi face aux députés et aux ministres des Affaires intérieures et de la Justice.

«Je lance un appel au bon sens. L’article 42 du règlement de police de la Ville de Luxembourg doit immédiatement être retiré», réclame le pétitionnaire, venu défendre le «droit fondamental de mendier». Le texte incriminé interdit toutefois, en plus de la mendicité agressive et en bande, «toute autre forme de mendicité». «Si vous voulez vraiment interdire d’autres formes de mendicité, il faut des définitions précises de ce que l’on compte poursuivre», reprend Marc Faramelli.

Un amalgame qualifié d’«absurde»

À ses côtés étaient assis Serge Kollwelter et Frank Wies, deux éminents défenseurs des droits de l’homme. Ce dernier n’a pas tardé à dénoncer l’amalgame «absurde» fait depuis la mi-décembre : «Il est clamé que l’on veut combattre une forme de criminalité organisée, mais en même temps on viole un droit fondamental». La ligne de défense des édiles de la Ville de Luxembourg ne change pas. «On avait besoin d’autres moyens pour prouver des faits de mendicité organisée», interjette la députée-maire Lydie Polfer (DP).

Au bout de six mois de rudes critiques, le CSV et le DP semblent toutefois avoir compris de s’être engagés sur une pente glissante. «Nous avons besoin de définitions plus précises», conçoit Lydie Polfer, après avoir longtemps martelé que l’interdiction de la mendicité simple restait inscrite dans le code pénal. Faux, ont répondu les plus hautes autorités judiciaires. Le message paraît être passé, du moins auprès de la ministre de la Justice. «La mendicité simple sera définitivement supprimée du code pénal. Il ne sera plus interdit en tout temps et partout de faire la manche», souligne Elisabeth Margue.

Dans le cadre d’une refonte plus globale du code pénal, la ministre compte aussi apporter les clarifications nécessaires sur l’interdiction de mendier en se montrant agressif. L’exercice ne s’annonce cependant pas simple, comme le fait remarquer Frank Wies, avocat spécialisé en droits de l’homme (lire ci-dessous). «Face à la complexité des termes présents dans le débat» et «dans le but de préparer les travaux parlementaires à venir», la commission des Pétitions a de son côté décidé de saisir la cellule scientifique de la Chambre, invitée à élaborer un avis juridique.

L’opposition ouverte à soutenir la ministre

La polémique est-elle levée pour autant? L’ADR de Fernand Kartheiser cautionne le droit à mendier paisiblement, avec une petite réserve toutefois : «Il faut éviter les excès». David Wagner (déi Lénk) s’interroge aussi sur les limites à tirer, mais plaide plutôt pour différencier entre «des personnes qui s’entraident» et des mendiants agissant en bande. «On ne peut pas leur enlever leur moyen de subsistance», met en garde Marc Goergen (Parti pirate).

«Selon nous, le code pénal est déjà suffisamment outillé pour agir contre ces phénomènes. Or, si des moyens manquent, il faut savoir se les donner sans faire d’amalgames», juge Taina Bofferding (LSAP), rejoignant Meris Sehovic (déi gréng), se disant ouverts à soutenir l’initiative de la ministre de la Justice.

Le ministre des Affaires intérieures, Léon Gloden (CSV), admet en outre que la base légale pour les règlements de police communaux est également défaillante. «Il existe des problèmes juridiques sur le maintien de l’ordre public sur le plan local et les compétences des bourgmestres et échevins en la matière. Un projet de loi est en préparation», annonce-t-il.

Aucune précision n’a cependant été livrée, mercredi, sur le maintien d’interdictions partielles de mendier, évoquées autour de la première annonce de la ministre Margue de réformer le code pénal.

Deux mendiants ont saisi
le Tribunal administratif

Le Tribunal administratif était amené à statuer, mercredi, sur le recours introduit par un premier mendiant qui met en cause la légalité de l’interdiction de faire la manche à Luxembourg-Ville.

Comme le rapportent nos confrères de la radio 100,7, l’audience a cependant tourné court. Le recours initial visait la décision du ministre Léon Gloden de valider l’interdiction de mendier dans certaines rues de la capitale. Le juge n’a pas voulu lancer les débats sans la présence de la Ville de Luxembourg sur les bancs de la défense. Le report de l’affaire ne change cependant rien à l’enjeu. La justice sera en effet amenée de trancher une première fois si l’interdiction de la mendicité est conforme au cadre légal en vigueur.

Me Frank Rollinger, l’avocat des deux mendiants ayant entretemps introduit un recours, a précisé, mercredi, que contrairement à ce qui est communiqué vers l’extérieur, la mendicité simple est bien visée. «Il est clair et net que mes clients ont tous les jours été invités à déguerpir ou d’enlever leur gobelet, même s’ils n’ont pas été verbalisés», est venu fustiger l’avocat.

Seuls quatre mendiants verbalisés depuis janvier

Dans un communiqué publié le 16 avril dernier, la police a tiré le bilan du déploiement renforcé des forces de l’ordre à Luxembourg-Ville. Les agents ayant patrouillé dans les quartiers Gare, Bonnevoie et Ville-Haute ont visé quatre phénomènes : le trafic de stupéfiants, la mendicité organisée voire agressive, l’immigration clandestine et le contrôle d’accès des immeubles et bâtiments publics.

Durant les quatre mois de cette opération, la police a contrôlé 886 personnes et 68 procès-verbaux ont été établis. Dans le détail, 24 procès-verbaux ont été dressés en relation avec des infractions liées aux stupéfiants, 26 procès-verbaux ont été notifiés à l’encontre de personnes signalisées et 14 procès-verbaux ont été émis pour d’autres infractions.

Si l’on pointe la mendicité, quatre petits procès-verbaux ont été dressés, dont l’autodénonciation de Christian Kmiotek. Dans 197 cas, les agents de police sont intervenus pour déguerpir des personnes qui entravaient des entrées ou sorties d’un bâtiment.

Quatre autres personnes ont été arrêtées pour possession et vente présumées de stupéfiants et une personne a été arrêtée à la suite d’un mandat d’arrêt. Enfin, 192 infractions ont été constatées en rapport avec le code de la route.

Sur les terrains, des agents des régions de police Nord, Centre-Est et Sud-Ouest se sont joints aux policiers de la région Capitale pour assurer les patrouilles pédestres. Des déploiements qui ont généré la colère de certains politiques, notamment au sein du conseil communal de Dudelange.

«Cet appui des autres régions de police ne sera plus requis à partir de mai, suite à l’assermentation de nouveaux policiers fin avril», assure le ministère des Affaires intérieures. Parmi les 170 agents, 70 sont appelés à renforcer en priorité les commissariats de Luxembourg-Ville.

Depuis le 1er mai, la police mise dans la capitale sur des «efforts de prévention». Le dispositif spécial est levé.

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