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Nora Back : «Il est important que l’OGBL sorte renforcé de ces élections»


"Le fait que les élections sociales arrivent à peine quatre mois après l’assermentation du nouveau gouvernement rend ce scrutin encore plus important", afforme Nora Back (Photo : Editpress)

Nora Back, la présidente de l’OGBL, considère que les élections sociales du 12 mars vont constituer un «tournant». Elle souligne l’importance d’un camp syndical et d’une Chambre des salariés renforcés pour faire front face au nouveau gouvernement et au camp patronal.

L’OGBL, la Confédération syndicale indépendante du Luxembourg, aborde les élections sociales dans le statut de premier syndicat du pays. Nora Back et les siens auront à défendre 35 sièges (sur 60) à la Chambre des salariés, mais aussi leur pole position à l’intérieur des entreprises.

La situation économique et sociale tendue – combinée à l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement conservateur-libéral aux priorités contraires à celles du camp syndical – amène la présidente de l’OGBL à dire que les élections sociales seront déterminantes pour le rapport de force entre politique, patronat et syndicats.

L’OGBL remet en jeu, le 12 mars, son statut de premier syndicat du pays, à la Chambre des salariés et au niveau des délégations du personnel. Vous abordez ces élections sociales avec quel objectif?

Nora Back : Nous voulons clairement rester le syndicat le plus fort du pays, en consolidant, voire en élargissant, notre majorité absolue à la Chambre des salariés et dans les entreprises. On ne se fixe pas d’objectif chiffré, mais il est clair que chaque siège et délégué de moins pour l’OGBL encouragera le gouvernement et le patronat à mener à bien leurs plans néolibéraux. Il est dès lors important que l’OGBL sorte renforcé de ces élections. On se trouve clairement à un tournant. En ces temps plus durs, nous sommes convaincus que les gens ont besoin d’un OGBL fort. Notre syndicat a toujours eu le courage et la détermination pour défendre les intérêts des salariés. Même si nous restons d’ardents défenseurs du modèle social basé sur le dialogue, nous avons prouvé ces derniers temps que nous étions aussi prêts à battre le pavé, si cela s’avère nécessaire.

Les récentes grèves chez Cargolux et Ampacet, assez inédites au Luxembourg, ont-elles un lien avec les élections sociales, comme vous le reprochent certains représentants du patronat et de la politique?

C’est totalement faux. Il n’y a aucun lien avec les élections. La grève chez Ampacet est même tombée à un mauvais moment pour nous, car la mobilisation en interne nous a coûté des moyens, du temps, de l’énergie et de l’argent en vue de la préparation du scrutin. Ce n’est pas nous qui avons choisi de faire grève. Il ne s’agit pas d’une fin en soi pour l’OGBL. C’est un patron qui a décidé de bafouer les droits des salariés qui nous a poussés à faire grève. La grève chez Cargolux a eu lieu en septembre dernier, après un bras de fer qui a duré des dizaines de mois. Il faut aller chercher très loin si l’on veut établir un lien avec les élections de ce 12 mars.

En quoi consistent les temps durs auxquels vous faites allusion? À la situation économique et sociale, plombée par le covid et la guerre en Ukraine, ou à l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement conservateur-libéral, rapidement fustigé par l’OGBL?

Le fait que les élections sociales arrivent à peine quatre mois après l’assermentation du nouveau gouvernement rend ce scrutin encore plus important, même si le délai entre les élections législatives, en octobre dernier, et les élections sociales de mars, reste encore très rapproché. On relève toutefois ce défi, justement, car l’on doit faire face à des temps plus durs. Notre campagne et notre programme ont été influencés par les annonces politiques du nouvel exécutif. Ces élections sociales seront déterminantes.

Dans cet ordre d’idées, en quoi est-il important de voir le taux de participation aux élections sociales augmenter, après qu’il a chuté de 36 % à 32,2 % entre 2013 et 2019?

Nous avons un potentiel de 617 000 électeurs. Ce serait énorme de les voir tous participer au vote, car cela nous donnerait en tant que CSL et syndicats un poids encore plus important en politique. Mais même un taux de participation tournant autour des 30 %, soit quelque 200 000 suffrages exprimés, est assez important par rapport aux voix exprimées lors d’une élection législative. Le score en chiffres absolus d’un OGBL en 2019 (NDLR : 1,52 million de voix) est le double d’un DP en 2023 (NDLR : quelque 700 000 voix). Tout cela fait que la CSL est une institution forte. Et nous pourrions encore devenir plus forts si le taux de participation augmentait. Aussi bien la CSL que les syndicats ont vraiment tout fait pour mobiliser un maximum d’électeurs.

L’avenir du système de pension fait partie des thèmes qui se sont invités dans votre campagne. Patrick Dury, votre homologue du LCGB, a attaqué de front la ministre de la Santé et de la Sécurité sociale, Martine Deprez (CSV), et ses plans de réforme. Partagez-vous cette critique acerbe?

Il est toujours mauvais qu’un gouvernement vienne remettre en question l’architecture de notre système de pension, surtout si l’on compte renforcer les piliers deux et trois (NDLR : respectivement, la pension complémentaire accordée par le patron et la pension complémentaire contractée en privé), qui ne reposent pas sur le principe de la solidarité avec les contributions respectives du patron, du salarié et de l’État. Le principe en lui-même d’une telle réforme est regrettable, tout comme l’a été l’absence de dialogue en amont de la sortie dans la presse de la nouvelle ministre de la Sécurité sociale. De plus, le gouvernement CSV-DP dit vouloir placer la cohésion sociale en haut de ses priorités. Ce qui s’est passé jusqu’à présent dans ce dossier est malheureux. Nous voilà donc en état d’alerte et nous nous préparons à riposter avec le LCGB, la CGFP et un front bien plus large encore.

Comment jugez-vous l’intention du Premier ministre d’engager une très large consultation de la société civile pour engager une réforme?

L’OGBL est disposé à parler avec tout le monde, mais les décisions finales seront à prendre par les trois partenaires sociaux, qui sont aussi ceux qui cofinancent le système de pension. Chacun doit pouvoir s’y retrouver. On espère bien qu’un consensus pourra être trouvé, en misant sur des pourparlers constructifs, et sans dramatiser le prétendu mur des pensions contre lequel on risque de s’échouer.

« Ces élections sont déterminantes » (Photo : Editpress)

Le gouvernement Frieden-Bettel promet un renforcement du pouvoir d’achat des ménages. Voyez-vous du positif dans les annonces faites et décisions prises au bout des 100 premiers jours de la coalition?

On salue bien évidemment l’annonce d’un renforcement du pouvoir d’achat. Mais nous restons prudents ce qui sera, en fin de compte, mis sur la table, notamment dans le budget de l’État pour le reste de cette année 2024 (NDLR : le projet sera déposé mercredi à la Chambre). Beaucoup dépendra, en effet, de la marge de manœuvre financière dont disposera le gouvernement. Mais on a déjà bien vu comment les choses peuvent aller dans le mauvais sens. La lutte contre la pauvreté a été définie comme LA grande priorité, mais la première action concrète a été l’interdiction de la mendicité à Luxembourg-Ville. La seule certitude est que des promesses en l’air ne nous aideront en rien à aller de l’avant.

Voyez-vous toujours une menace pour l’indexation des salaires et pensions, sachant que le gouvernement compte convoquer une tripartite si plus d’une tranche devait être due au cours d’une année civile?

L’index demeure l’instrument par excellence pour compenser les pertes de pouvoir d’achat. Il est donc inconcevable de dire qu’il faut convoquer la tripartite si deux tranches tombent en un an. Je maintiens que, dans ce cas, une modulation de l’index sera mise sur la table, ce qui est inacceptable à nos yeux. Raisonner et agir ainsi est contraire à toute intention de renforcer le pouvoir d’achat.

Avez-vous entretemps digéré le choix des deux autres syndicats nationaux, le LCGB et la CGFP, de cautionner la modulation de l’index actée au printemps 2021, sans le soutien de l’OGBL?

C’est l’occasion de rappeler que l’OGBL continue à militer pour créer un syndicat unique au Luxembourg. Cela est dans notre ADN et on ne va pas lâcher prise. On remarque au quotidien sur le terrain qu’il n’est pas sensé de se taper sans cesse dessus, de mener des campagnes électorales coûteuses en argent et en énergie, pour avoir, en fin de compte, une certaine division des intérêts de la population active. Cela est encore d’autant plus vrai dans les temps que nous vivons actuellement, où il est encore une fois plus important que l’on tire tous sur une même corde. Je souhaite d’ailleurs que, peu importe l’issue du scrutin, l’on pourra en tant que syndicats, dans la mandature à venir, monter ensemble au front. Malheureusement, cela n’a pas réussi lors des cinq dernières années, même si je tiens à souligner que l’on a réussi à bien travailler ensemble sur d’autres dossiers que l’index. Cargolux est un exemple, et je suis convaincue que ce sera aussi le cas pour les pensions.

Il est inconcevable de s’attaquer à l’architecture de l’index, au surplus, dans une période de forte inflation

Malgré tout, cela vous laisse un arrière-goût amer?

L’OGBL a bien été le seul syndicat à refuser, en 2021, la manipulation de l’index. On était isolé après avoir refusé de signer l’accord tripartite. Mais on n’a jamais baissé les bras et c’est uniquement grâce à notre importante mobilisation que la manipulation a été abolie par la tripartite d’automne 2022. Mais la voie est désormais ouverte pour limiter l’index à une tranche par an, ce qui semble d’ailleurs aussi être l’option privilégiée par le nouveau gouvernement.

L’initiative patronale visant à mettre en place un index dégressif, tenant compte des revenus, n’est-elle pas une option valable à vos yeux?

Il est inconcevable de s’attaquer à l’architecture de l’index, au surplus, dans une période de forte inflation. Aujourd’hui, il est plus que jamais important de pérenniser le système. L’index demeure un pilier de notre modèle social et le garant de la paix sociale. Notre réponse à la question de savoir s’il ne faut pas revoir le mécanisme d’indexation est non. En effet, un index plafonné ou dégressif casserait le système existant des négociations collectives. Nous craignons qu’une telle attaque contre l’architecture salariale soit le prélude à la suppression définitive du mécanisme indiciaire. Cela ne veut cependant pas dire que l’OGBL ne soutient pas des crédits d’impôt dégressifs, qui permettent aussi de rendre plus équitable la charge fiscale. Mais de tels crédits d’impôt ne peuvent pas venir remplacer l’index.

Personnellement, vous abordez ces élections avec la double casquette de présidente de l’OGBL et de la CSL. Postulez-vous à un second mandat à la tête du « Parlement du travail »?

Je suis en effet candidate à ma propre succession. Cette ambition est bien entendu liée à l’objectif de l’OGBL de renforcer sa majorité absolue, notamment grâce à la fusion désormais achevée avec le Landesverband.

Repères

État civil. Nora Back est née le 17 août 1979 à Esch-sur-Alzette. Elle est pacsée et mère d’une fille.

Formation. Elle décroche à l’université libre de Bruxelles (ULB) un bachelor en psychologie (2000), suivi d’un master en psychologie industrielle et commerciale (2002).

Profession. Avant son arrivée à l’OGBL, Nora Back travaille pour le compte de Quest, un bureau spécialisé en études de marketing.

OGBL. En 2004, Nora Back intègre l’OGBL comme secrétaire centrale adjointe du syndicat Santé, Services sociaux et éducatifs. Elle devient secrétaire centrale du même syndicat professionnel en 2008.

Présidente. Nommée secrétaire générale de l’OGBL en 2018, Nora Back accède dès 2019 aux postes de présidente de la Chambre des salariés (CSL) et de l’OGBL.

 

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