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Maladie de Parkinson : «Cette découverte prouve que nous sommes avancés»


Directeur du département «Transversal Translational Medicine» au LIH, Rejko Krüger est aussi professeur en neurosciences, responsable de l’équipe de recherche «Translational Neuroscience» au LCSB et neurologue au CHL.

Des chercheurs luxembourgeois et japonais ont réalisé une avancée majeure afin de diagnostiquer la maladie de Parkinson via une prise de sang. Une fierté pour Rejko Krüger, à la tête des opérations pour le Grand-Duché.

En quoi consiste cette avancée ?

Rejko Krüger : Les chercheurs japonais de l’université de Juntendo, du Riken Centre for Brain Science et de l’université de Nagasaki ont mis au point une méthode afin de repérer de très petites quantités de la protéine d’α-synucléine dans le sang. C’est une protéine dont tout le monde a besoin sauf qu’en cas d’agrégation, elle pourrait contribuer à la progression de la Parkinson et d’autres sous-genres de maladies neurodégénératives. Alors, notre défi était de valider leur découverte en vérifiant si cette protéine peut participer au diagnostic. Et c’est le cas. C’est un biomarqueur fiable et si on ne trouve pas l’α-synucléine dans le sang, ce n’est pas la Parkinson. C’est noir ou blanc.

Que va changer cette découverte ?

Cela va permettre de gagner en fiabilité. Après une imagerie, on exclut certaines maladies mais ce n’est pas 100 % certain. Même avec un spécialiste, 10 % du diagnostic peut changer avec le temps. Le diagnostic final est seulement possible après la mort, lorsqu’on regarde les cellules du cerveau et qu’on y voit l’α-synucléine dans les cellules touchées.

Et on gagnerait en temps, puisque la plupart des patients demandent près de trois diagnostics différents. C’est une odyssée qui peut prendre trois ans. Alors, le biomarqueur peut permettre de prendre un traitement plus précoce et réduire les complications futures. Pour l’instant, ce diagnostic n’est pas encore possible car il y a des défis réglementaires mais il sera déjà possible de l’intégrer pour la recherche d’ici la fin d’année.

Comment s’est faite cette collaboration avec le Japon ?

Déjà, je connais le Pr Hattori, directeur du Riken, depuis 1998, lorsqu’il a découvert le gène Parkin qui est responsable des cas juvéniles. Mais c’est depuis 2017 et la visite de la ministre de la Santé Lydia Mutsch à Tokyo que nous travaillons ensemble. Elle a signé un accord de collaboration sur la recherche avec le Japon et nous avons commencé par échanger des données, des échantillons et puis, aujourd’hui, tout cela porte ses fruits.

Notre cohorte est spécifique puisque la caractéristique du Luxembourg est que nous suivons nos patients chaque année. Nous avons des trajectoires d’évolution et ça, c’est rare. Depuis la création de notre centre (NDLR : le NCER-PD) il y a huit ans, nous suivons 1 800 personnes et nous ne sommes pas focalisés que sur la Parkinson mais aussi sur le parkinsonisme, ces maladies qui imitent la Parkinson. Cette découverte prouve que nous sommes avancés sur la recherche.

Depuis huit ans, on est fier d’avoir gagné une visibilité internationale. Tout le monde connaît l’étude luxembourgeoise sur la maladie de Parkinson. Je dis toujours qu’on joue en Champions League.

Je suis optimiste pour freiner la progression de la maladie, en retardant ou en atténuant les symptômes

Quels sont vos prochains enjeux ?

Maintenant, le défi est de voir à partir de quand on peut observer cette protéine, car on sait qu’elle peut s’annoncer des années avant que l’on observe des tremblements ou un ralentissement des mouvements. Oinvite donc dans nos recherches des personnes saines, à partir 50 ans, afin de chercher des facteurs à risques.

Pour cela, on attend 10 000 volontaires pour répondre à notre questionnaire (voir encadré). Cela permettra d’observer des patterns pour faire une stratégie de prévention et réduire les effets de la maladie. On sait par exemple que 80 % des gens avec des troubles du comportement en sommeil paradoxal développent la maladie plus tard.

La prévention c’est très important, car le nombre de cas de Parkinson va doubler dans les vingt prochaines années. Déjà, à mon arrivée au Luxembourg en 2014, il y avait 1 500 cas connus. Maintenant, c’est 3 000. La faute au vieillissement de la population mais pas seulement. On attend aussi des études sur les facteurs environnementaux. Aux États-Unis, il y en a notamment une sur l’impact de l’exposition à des produits de nettoyage.

La recherche pour un traitement avance-t-elle ?

Je suis toujours réticent à parler de guérison. Au Luxembourg, on a trouvé la plus fréquente cause génétique de Parkinson, responsable pour à peu près 10 % des cas. C’est un gène qui « enlève les ordures » de la cellule et si ce gène ne fonctionne pas, alors il y a une agrégation de l’α-synucléine.

Des traitements d’anticorps sont actuellement testés pour éviter cela et pourront être donnés à nos patients. Mais ça sera dans le futur. Toujours est-il qu’en attaquant l’α-synucléine, je suis optimiste pour freiner la progression de la maladie, en retardant ou en atténuant les symptômes. En tant que neurologue, je ne veux pas seulement bien traiter les symptômes, je veux ralentir la progression.

Les habitants de la Grande Région appelés à participer à la recherche

Dans le cadre de leur étude «Vieillir en bonne santé», le LIH et le Luxembourg Centre for Systems Biomedicine (LCSB) ont lancé un questionnaire de santé adressé à tous les habitants de la Grande Région d’au moins 50 ans. Disponible en ligne sur heba.lu, ce dernier doit permettre de caractériser les facteurs à risques des maladies neurodégénératives, notamment pour la Parkinson.

«On sait que c’est le cas avec les traumatismes crâniens, le diabète, les pesticides, l’hypertension, le manque d’activité sportive, mais on ne sait pas tout», explique Rejko Krüger. Alors, les questions portent aussi bien sur le régime alimentaire, le travail ou l’exposition à certains produits. Sur les 10 000 volontaires nécessaires pour l’étude, une centaine seront sélectionnés et suivis.

«Ce n’est pas un diagnostic», prévient le neurologue. «On va identifier les profils à risque, les suivre et voir lesquels finissent par contracter la maladie.»  Les volontaires seront notamment invités à faire un test d’olfaction car «la perte de l’odorat peut aussi jouer sur le risque».

Le but ensuite est de construire une stratégie de prévention sur des facteurs à risques identifiés afin de réduire les symptômes. «On a déjà un programme de prévention pour la démence qui permet d’éviter 40 % des symptômes.»

Crée au Luxembourg, le questionnaire bénéficie d’une reconnaissance mondiale et a déjà été repris en Espagne, en Autriche et en Allemagne. «Prometteuse», l’étude est aussi soutenue par la fondation de l’acteur américain Michael J. Fox. Lui-même atteint de la Parkinson, l’interprète de Marty McFly dans Retour vers le futur «croit beaucoup en cette étude et se réjouit aussi de la découverte du biomarqueur». Cependant, à ce jour, seules 2 500 réponses ont été récoltées sur les 10 000 nécessaires.

Un commentaire

  1. Bonjour j’ai 60ans et j’ai était diagnostiqué il ya 4 ans

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