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[Made in Luxembourg] Vin de glace : le froid, oui, mais pas l’envie


Cette année, il n'y aura pas de vendanges tardives ou de vin de glace chez Henri Ruppert. Mais il lui reste plusieurs vins moelleux en cave, dont ce formidable riesling sélection de grains nobles vendangé en 2018, qui a remporté tous les prix auxquels il pouvait prétendre.

Légalement, les vignerons auraient pu vendanger pour du vin de glace le week-end dernier. Mais ayant été échaudés par une saison compliquée, aucun ne s’est lancé. Il existe cependant des alternatives, comme l’explique Henri Ruppert.

Le produit

Cette semaine, nous allons parler d’un produit qui… n’existera pas cette année! En effet, bien que la station météo de l’Institut viti-vinicole (IVV) de Remich ait affiché -7,3 °C samedi à 23 h, il n’y aura pas de vin de glace en 2023. Pour en élaborer, il faut obligatoirement qu’il fasse en dessous de -7 °C, un représentant de l’IVV devant être mandaté sur place pour le vérifier. Or Paul Thill, le contrôleur des vins, constate : «Je n’ai reçu aucune demande». Pas de demande, pas de vin de glace : ce n’est pas plus compliqué que cela.

Et cela s’explique très bien. Le garant de l’AOP développe : «L’état sanitaire des grappes n’était pas favorable pour élaborer ce produit, d’autant plus qu’il n’y avait déjà pas assez de raisins pour remplir les contingents». La pluie pratiquement continue entre août et septembre a provoqué l’apparition de pourriture sur les raisins et les vignerons ont dû effectuer un tri sévère pour assurer la qualité de leur future production. Constatant qu’ils auraient moins de vin que prévu, ils ont préféré assurer leurs arrières en mettant en cave tout ce qu’ils pouvaient.

«De toute façon, avoir -7 °C pendant une seule nuit, c’est suffisant au niveau de la législation, mais pas pour faire un bon vin de glace, juge le vigneron de Schengen Henri Ruppert. L’idéal, c’est qu’il fasse -9 °C pendant deux nuits. Quand on vendange, si les raisins font un bruit sec lorsqu’ils tombent dans le seau, « poc », c’est qu’ils sont bons !»

Si les raisins font un bruit sec lorsqu’ils tombent dans le seau, c’est qu’ils sont bons!

L’écrasante majorité des vignerons luxembourgeois a de toute façon fait le deuil du vin de glace. «Pour avoir 150 ou 200 litres de glace, il faudrait garder entre 10 et 20 ares de vignes bien situées, idéalement sur un coteau planté de riesling qui ne serait pas exposé au sud et dans un trou de froid où l’air circule très peu, explique le vigneron. Cela fait beaucoup de conditions pour un résultat très incertain…»

Alors, pour continuer à proposer des vins moelleux à leurs clients, ils travaillent différemment. En 1997, Henri Ruppert a été le premier luxembourgeois à élaborer un vin de paille. L’idée est de laisser sécher des grappes entières dans un endroit frais, sec et bien aéré pour que l’eau contenue dans les baies s’évapore. À la fin, il n’y a plus qu’à presser délicatement les baies desséchées pour obtenir un jus très concentré. «Avec cette méthode, les chances de réussite sont élevées, car elles ne dépendent pratiquement que de nous, relève Henri Ruppert. Avec 1 200 kg de raisins, on sait que l’on aura autour de 250 ou 300 litres de jus. Ce n’est pas la loterie.»

Un autre procédé peut être utilisé pour produire des vins sucrés : les vendanges tardives. Henri Ruppert, toujours lui, avait poussé l’exercice à son paroxysme en 2018. Ce millésime avait offert des raisins aux maturités folles, mais parfaitement sains. Alors, lorsqu’un botrytis (la pourriture noble, comme à Sauternes ou en Allemagne) magnifique a transformé les raisins, il s’est lancé dans une tâche titanesque jamais réalisée au Grand-Duché : une vendange de grains nobles, identiques aux Trockenbeerenauslese d’Egon Müller, le long de la Sarre.

«C’était un travail de dingue! Nous avons trié tous les grains selon leur qualité, avant de les presser manuellement. Cela nous a pris un temps fou. Avec 3 hectares, nous n’en avons produit que 110 litres.» Oui, mais quel vin? Concentré comme jamais (230 °Oechsle), avec des arômes riches et précis, il a raflé toutes les médailles auxquelles il prétendait. «Nous avons notamment obtenu la médaille d’or des Vinalies de Paris, avec en plus le titre de meilleur vin moelleux de tout le concours», savoure encore Henri Ruppert.

Le producteur

Henri Ruppert fait partie de ces vignerons qui font grandir la réputation de la Moselle luxembourgeoise. Il reprend les vignes familiales en 1990, alors que, jusque-là, elles étaient juste l’occasion d’un revenu complémentaire puisque l’activité principale de la maison résidait dans la conduite d’une station-service à Schengen. Petit, il n’était absolument pas convaincu par la perspective de devenir vigneron, mais c’est un peu contraint et forcé par son père qu’il s’y met. Et avec quelle réussite! Pointilleux et perfectionniste, émotionnellement touché par les vertus des grands vins, il travaille sans relâche pour se rapprocher de la perfection.

En 2008, il construit sa cave emblématique, sur les hauteurs de Schengen. Œuvre de l’architecte mosellan François Valentiny, le bâtiment est aujourd’hui iconique dans le Pays des Trois Frontières. Il s’agit d’un lieu de travail, mais aussi de rencontre, puisque l’on peut y déguster tous ses vins, très souvent en sa compagnie. Aujourd’hui, Henri Ruppert travaille une vingtaine d’hectares au sud de la Moselle luxembourgeoise et même de l’autre côté de la frontière française, sur les coteaux du Stromberg.

Où les trouver ?

En allant directement à la cave, on profite des conseils et des explications du vigneron, ce qui n’a pas de prix! D’autant que les vins moelleux ne sont que très difficilement disponibles ailleurs. On peut également se procurer une large sélection du domaine chez des cavistes (dont la Vinoteca, à Luxembourg), mais aussi dans plusieurs enseignes de grandes surfaces. Son site internet (www.domaine-ruppert.lu) possède également une boutique en ligne.

À retenir

· Il n’y aura pas de vin de glace en 2023. Il a fait suffisamment froid le week-end dernier (-7,3 °C), mais puisque les vendanges n’ont pas été très généreuses cette année, les vignerons ont préféré jouer la carte de la sécurité et rentrer tout ce qu’ils pouvaient en cave.

· D’autres vins moelleux sont cependant disponibles, notamment chez le vigneron Henri Ruppert, à Schengen. Vin de paille (il a été le premier à en faire dans le pays, en 1997), vendanges tardives et même une incroyable sélection de grains nobles stratosphériques : il y a de quoi se faire plaisir!

· Pour les vins moelleux, le mieux est de se rendre directement dans la très belle cave du vigneron signée par François Valentiny, à Schengen. On peut aussi découvrir ses vins plus classiques chez les cavistes ou dans plusieurs grandes surfaces du pays.

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