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Luxembourg : la pénurie de main d’oeuvre touche le privé comme le public


Les rencontres professionnelles sont légions au Grand-Duché. Mais la pénurie de main d'oeuvre touche aussi le secteur public. Si bien que la question de l'ouverture des postes régaliens aux non-luxembourgeois est de moins en moins taboue (Illustration : Editpress).

Le Grand-Duché se retrouve confronté à un problème de pénurie de main d’oeuvre grandissant dans de nombreux secteurs. Et le public, comme la police, n’est pas épargné.

Le ministre de la Défense François Bausch (Gréng) explique ce lundi que dans la police, « les efforts de recrutement actuels […] ne permettent pas de combler tous les besoins nouveaux ». Il répondait à une question parlementaire du député Léon Gloden (CSV), qui l’interpellait sur des difficultés pour certains postes à tenir les permanences de nuit. Des secteurs comme Mersch, Grenvenmachen et le Nord seraient concernés. Selon le député Léon Gloden, qui s’appuie sur les rapports du Syndicat National de la Police Grand-Ducale (SNPGL), « le problème dure depuis plusieurs années ».

François Bausch précise que « la présence policière pendant la période diurne a augmenté de manière objective », avec la dernière réforme. Mais il a admis que les nouvelles missions entraînaient de nouveaux besoins. « Une nouvelle politique de recrutement est en voie d’élaboration », précise t-il, faisant référence à un débat sur le recrutement de personnel non-luxembourgeois pour les fonctions régaliennes.

La pénurie de main d’oeuvre devient un problème qui inquiète les entreprises au Luxembourg. En 2018, l’Agence pour le développement de l’emploi (Adem) évoquait une augmentation de 24,7% des emplois vacants sur un an. Dans le secteur privé, sur les statistiques du mois d’octobre 2018,  les profils « audit et contrôle comptable et financier » arrivaient en tête. La comptabilité et le développement informatique suivaient. « Il y a une saisonnalité des recrutements qui biaise parfois les chiffres par secteur », nous avait averti un responsable du Statec. Mais clairement, de nombreux secteurs sont concernés. Lors de la soirée Top 100 des décideurs du pays organisée par Paperjam, le responsable de l’entreprise Kuhn construction expliquait : « D’ici cinq ans, nous aurons 30% du personnel qui part à la retraite et on a personne pour les remplacer ».

D’où vient le problème ? 

Le rythme de croissance du pays, croisé avec une productivité en berne (-5% sur ces sept dernières années selon la Chambre du commerce), impose de recruter toujours plus de travailleurs.

Problème numéro 1, le vivier de main d’oeuvre de la Grande-région suffit de moins en moins pour tenir le rythme, principalement pour des questions démographiques. Les travailleurs frontaliers actuels viennent en réalité de plus en plus loin (ils deviennent frontaliers mais vivaient par exemple à Nancy, Montpellier ou au Portugal), et le taux d’actifs frontaliers dans les communes atteint des plafonds élevés : de 50 à 70% sur la proche frontière française et belge. À l’avenir, on peut aussi évoquer des « problèmes » de sursauts économiques chez les voisins (record d’investissements privés en Moselle française en 2018, depuis plus de vingt ans) et donc, d’assèchement d’une partie de la main d’oeuvre notamment dans l’industrie et l’ingénierie.

Problème numéro 2, en jouant sur une économie mondialisée, le Luxembourg affronte des poids lourds en permanence. Tant au niveau des services (place financière, où les fonds tirent bien leur épingle du jeu) que dans les domaines de pointes. Une contrée comme le Québec tente par exemple de recruter les mêmes profils que le Luxembourg dans des domaines médicaux ou créatifs (profil hautement qualifié francophone), avec les mêmes problèmes de pénurie… mais avec une visibilité mondiale toute autre !

Le voisin allemand à l’offensive sur la même question

L’Allemagne, également touchée par une pénurie grandissante, peine aussi à attirer des profils qualifiés malgré une domination dans les Blue cards européennes (permis de travail facilité pour les profils hautement qualifiés). D’où une réforme assez offensive lancée en décembre pour être plus performant sur « l’immigration choisie ». Le voisin d’Outre-Rhin est en cela un partenaire en même temps qu’un sacré challenger… surtout quand on a appris, en décembre lors de la fermeture des mines de charbon, que « les autorités rhénanes tentent de faire du bassin minier un pôle de compétitivité, dense en universités, centres de recherche et start-ups » (AFP). Ce qui n’est pas sans évoquer une reconversion du type Belval, à trois heures de voiture d’ici.

Le Luxembourg a pour lui une agilité législative, une position centrale en Europe (pas que géographique…) et une capacité à faire des coups médiatiques malgré la taille du pays. Le monde entier a par exemple parlé de la gratuité des transports publics annoncée par le nouveau gouvernement, renvoyant l’image avantageuse d’un pays « vert et cool ». C’est en cela une opération de com’ rentable, peu importe ce que coûtera la mesure sur les premières années ! Mais la problématique du recrutement reste entière et revient régulièrement comme un sujet politique : quelles orientations économiques et quelle organisation territoriale faut-il privilégier pour rester un pays prospère ?

Hubert Gamelon

Un commentaire

  1. Peut-être que c’est vrai, qu’il y a une plus grande pénurie de main d’œuvre.
    Mais pourquoi les entreprises n’acceptent elles pas alors, des gens qui veulent travailler et qui sont disponibles à suivre une formation, avec l’entreprise, pour pouvoir y rester?
    Quand je cherchais du travail, je me suis inscrit à l’Adem pour pouvoir augmenter mes champs de recherche (je ne percevais aucune indemnisation) et jamais je n’ai reçu de la part de cet organisme une quelconque proposition de formation ; un quelconque suivi dans une optique de reconversion professionnelle !
    Et je peux vous assurer que j’ai beaucoup cherché !

    Une des solutions sera peut-être de donner aux gens une vraie possibilité de se réintégrer (même si dans une activité différente de celle faite auparavant). Ce n’est pas si compliqué que cela !

    Bien à vous.

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