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Loi sur la médecine extrahospitalière : le Conseil d’État dit non


Le Conseil d’État ne partage pas les positions de Paulette Lenert concernant les IRM dans les cabinets privés. Une limitation des libertés d’exercer à justifier. (Photo : archives lq/julien garroy)

Le Conseil d’État retoque sévèrement le projet de loi relative à la médecine extrahospitalière et au virage ambulatoire. Les Sages ne voient pas d’objection aux cabinets privés exploitant du matériel coûteux.

Au ministère de la Santé, il va falloir remettre l’ouvrage sur le métier après l’avis du Conseil d’État tombé mardi. Les Sages ne partagent pas la position de Paulette Lenert, qui refuse toujours aux médecins libéraux l’exploitation, au sein de cabinets privés, «d’appareils lourds et coûteux», qu’elle préfère savoir aux mains de l’État afin «d’assurer la protection de la santé de la population et de garantir l’accès égalitaire aux soins de santé utiles et nécessaire». Donc, les privés sont mis sous tutelle hospitalière.

L’argument ne tient pas aux yeux du Conseil d’État, qui estime que «les objectifs de la maîtrise des coûts, de la qualité de gestion et d’un haut niveau de compétence du personnel peuvent valablement être réalisés dans des structures extrahospitalières». Il suffit d’instaurer une procédure d’autorisation pour l’exploitation de ces appareils, type IRM. Pour l’OGBL, il n’est pas question de céder du terrain aux cabinets privés hors planification, de peur de les voir se transformer «en boîtes à fric», comme le soulignait Carlos Pereira, lors de la présentation de l’avant-projet de loi, il y a un an. La ministre Paulette Lenert n’en pensait pas moins, et elle n’a jamais remis en cause le principe selon lequel un certain nombre d’équipements et d’appareils sont réservés au milieu hospitalier.

Des restrictions non justifiées

Seulement voilà, le Conseil d’État relève que ce principe constitue une restriction à l’exercice de la profession libérale. Certes, la Constitution autorise la possibilité pour le législateur de décider de telles restrictions, mais alors elles doivent être «rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but», rappellent les Sages, persuadés qu’une prise en charge de qualité reste possible sans recourir à des limitations dans l’utilisation de certains équipements.

Le coût de ces appareils, qui dépasse 250 000 euros, est un autre argument qui explique la position de la ministre de la Santé pour s’opposer à leur exploitation hors secteur hospitalier. Il ne tient pas la route non plus pour le Conseil d’État, dans la mesure où une personne privée peut décider d’acquérir un équipement d’imagerie médicale sans demander le moindre euros à l’État. «Une telle personne se voit imposer une limitation de l’exercice de sa profession, même si elle respecte tous les critères imposés, sans que cette limitation ne soit autrement justifiée», déplorent les Sages, contraints de s’opposer formellement à ce principe. À moins que les auteurs du texte n’apportent les éléments nécessaires quant à l’adéquation et la proportionnalité de cette restriction.

Quels contrats dans les sites supplémentaires?

Les auteurs devront préciser également ce qu’ils entendent par «site supplémentaire», car la notion est bien trop vague et porte à confusion, étant donné que chaque centre hospitalier dispose déjà de plusieurs sites. Ces «sites supplémentaires» seraient dédiés aux soins de santé ambulatoires pour les services de dialyse, d’hospitalisation de jour non chirurgicale, d’imagerie médicale et d’oncologie. Pourquoi? Les Sages l’ignorent, les auteurs du projet de loi restent muets sur les raisons du choix opéré.

En revanche, le Conseil d’État observe que d’autres services dans lesquels les prises en charge ambulatoires jouent déjà actuellement un rôle important, tels que certains actes de chirurgie, ainsi que les polycliniques spécialisées réalisant des examens à visée diagnostique ne peuvent donc pas être installés dans les «sites supplémentaires» visés. Drôle de virage ambulatoire aux yeux des Sages, qui invitent les députés à apprécier l’opportunité des choix opérés.

Le Conseil d’État s’interroge encore sur la nature des contrats conclus entre les établissements hospitaliers et les médecins. Selon la loi, les médecins libéraux agréés par un établissement hospitalier y exercent sur la base d’un contrat de collaboration. En sera-t-il de même pour les médecins libéraux des «sites supplémentaires» ? Si oui, il faudra le préciser, à moins de risquer une autre opposition formelle. Si le contrat de collaboration est identique, les médecins ou associations de médecins qui exercent sur un «site supplémentaire» devraient en toute logique participer aux travaux du Conseil médical, relève le Conseil d’État en se référant, l’air faussement innocent,  aux dispositions légales.

Pour plaire aux Sages, il faudra en faire davantage.

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