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Les avocats appelés à faire des devis


La CJUE vient d’arrêter que le tarif horaire dans une clause de contrat, sans autres précisions, ne répond pas à l’exigence de clarté et de compréhensibilité.  (photo archives LQ/Martine May)

La Cour de justice de l’UE vient d’arrêter que la seule indication d’un tarif horaire n’était pas suffisamment claire et compréhensible pour le consommateur et constituait une clause abusive dans un contrat.

Voilà qui va changer le quotidien des avocats, du moins de ceux qui ne s’encombraient pas à exposer le détail des frais auxquels leurs clients étaient confrontés, autrement dit les honoraires à verser pour services rendus. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), saisie d’une question préjudicielle par un tribunal lituanien, vient d’arrêter que le tarif horaire dans une clause de contrat, sans autres précisions, ne répond pas à l’exigence de clarté et de compréhensibilité.

Dans les faits, Monsieur X, en tant que consommateur, a conclu entre avril et août 2018, cinq contrats de prestation de services juridiques à Me V. en sa qualité d’avocat. Dans chacun des contrats, les honoraires étaient fixés à un montant de 100 euros «au titre de chaque heure de consultation ou de prestation de services juridiques fournie au client». Les contrats stipulaient qu’«une partie des honoraires indiqués (…) est payable de suite, sur présentation par l’avocat d’une facture de services juridiques, compte tenu des heures de consultation ou de prestation de services juridiques effectuées».

L’avocat a émis des factures pour l’intégralité des services fournis en mars 2019, mais il n’a pas reçu la totalité de la somme due. C’est devant un tribunal que l’avocat est venu réclamer 9 900 euros restant à régler. Les juges font partiellement droit à sa demande en jugeant abusives les clauses relatives au prix de l’ensemble des cinq contrats et a réduit de moitié les honoraires réclamés. L’avocat, insatisfait, épuise tous les recours jusqu’à se pourvoir en cassation.

Cette juridiction interroge la CJUE sur l’interprétation des dispositions européennes en matière de protection du consommateur contre les clauses contractuelles abusives. Le texte de 1993 prévoit qu’«une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat».

Et surtout, «toute clause écrite d’un contrat de consommation doit être rédigée de manière claire et compréhensible. Les clauses contraires à cette exigence sont considérées abusives», stipule la directive.

Décider avec prudence

Dans son arrêt jeudi, la Cour précise que le contrat doit exposer de manière transparente «le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause concernée, de sorte que le consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui».

Pour un avocat, cela entraîne la présentation d’un devis, pour éviter les mauvaises surprises aux clients. Combien pour l’envoi d’un simple courrier type signé par un avocat par rapport à son tarif horaire ? Tout cela devrait être précisé ou du moins jaugé par le juriste, en dépit des imprévus.

Les juges européens estiment que «les informations qu’il est tenu de communiquer avant la conclusion du contrat doivent permettre au consommateur de prendre sa décision avec prudence».  Le consommateur est averti des possibles aléas et de leurs conséquences sur la durée de la prestation. Ces informations «doivent comporter des indications permettant au consommateur d’apprécier le coût total approximatif de ces services».

Le juge national peut donc évaluer si les informations communiquées par le professionnel avant la conclusion du contrat ont permis au consommateur d’en connaître les conséquences financières avant de s’engager. Fixer le prix du tarif horaire sans calculer le montant total des prestations, ne répond pas à l’exigence de rédaction claire et compréhensible au sens du droit de l’Union.

La Cour relève qu’il est loisible aux États membres d’assurer, conformément au droit de l’Union, un niveau de protection plus élevé aux consommateurs.

Au Luxembourg, l’avocat peut déterminer ses honoraires par contrat avec son client, mais ce n’est pas la règle. Si un client juge que le mémoire d’honoraires est excessif, il peut lancer une procédure auprès du Conseil de l’ordre qui décidera de la taxation. En cas de désaccord, il est toujours possible pour l’avocat, comme pour le client d’entreprendre une démarche judiciaire.

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