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«Le trafic routier peut être régulé par des équations»


(Photo : AFP)

Comment faire sauter les bouchons avec des calculs? La mathématicienne Paola Goatin, auréolée de nombreux prix, donnera une conférence à l’université du Luxembourg jeudi soir.

Des calculs mathématiques savants sont utilisés pour réguler des flux. Notamment la circulation routière!

Des équations pour résoudre les bouchons… Ça nous intéresse au Luxembourg! Expliquez-nous.

Paola Goatin : À la base, je viens des maths appliquées. Je travaille avec des équations aux dérivées partielles par dynamique de flux…

Oups! C’est déjà trop compliqué pour nous. Votre interlocuteur est nul en maths (mais très fort en bouchon…) reprenons plus simplement, ça serait sympa.

(Elle sourit) Très bien. Les équations aux dérivées partielles sont des opérations qui décrivent des évolutions dans l’espace et dans le temps, en vertu de différents paramètres. Ces équations sont couramment utilisées dans le calcul des flux de gaz par exemple. Le trafic routier peut être régulé avec des équations du même type. Plus on prendra de paramètres en compte (réseau routier, densité du trafic, répartition des flux etc.) plus les prévisions seront justes. D’un autre côté, plus on prétend anticiper une situation sur le long terme, plus l’incertitude du résultat augmente. Notamment en raison des facteurs humains : on ne peut jamais vraiment prévoir le comportement des automobilistes.

Vous compilez donc des milliers de données.

Pas vraiment non. La démarche qui s’appuie sur l’expérience et le croisement de statistiques est dite « empirique » dans la recherche. Si on reprend l’exemple de la voiture, on va compter combien il y avait de véhicules à telle heure, à tel point de passage hier, et combien il y en a aujourd’hui. Et on en tire une conclusion. À l’inverse, ma démarche repose sur l’élaboration de modèle cible.
Par exemple : et si ça se met tout d’un coup à bouchonner à tel endroit à cause d’un gros accident, que va- t-il se passer?

En quoi les équations apportent-elles de la nouveauté par rapport à des logiciels de gestion de données du style Google Maps?

On ne sait pas comment travaille Google, il ne tient pas à le dire. On peut supposer qu’il compile des milliers de données sans besoin de modèle sous-jacent. Ma démarche est différente : j’ai besoin de statistiques, bien sûr. Mais les équations sont plutôt un outil d’aide à la décision. Que se passe-t-il si on réalise une nouvelle bifurcation ou que l’on change telle signalisation? On est toujours dans la projection et l’anticipation.

Y a-t-il des applications concrètes d’équations mathématiques dans la circulation routière?

À vrai dire, cela fait 50 ans que l’on s’en sert pour optimiser les flux. Le défi est de proposer des modèles toujours plus pertinents. Les mathématiciens travaillent en lien étroit avec les ingénieurs dans ce sens-là.

Les équations vont-elles nous simplifier la vie dans d’autres domaines? Vous avez remporté le Trophée femme en or 2016 dans la catégorie ville intelligente.

Les Smart City sont un concept vaste, ça donne du travail à beaucoup de gens (elle rit). Mais effectivement, les équations permettent d’anticiper des flux dans de nombreux domaines. Je travaille actuellement sur la gestion des mouvements de foule. Transport en commun, évènements, stade… C’est également fascinant.

Vous êtes invitée par l’Institut français dans le cadre du cycle de conférences « La recherche au féminin ». Est-ce une problématique spécifique?

Beaucoup de métiers historiquement masculins sont en transition. Les problèmes que l’on peut rencontrer dans la recherche se retrouvent dans d’autres branches. En France, nous avons la chance d’avoir une bonne structure sociale qui permet aux femmes de s’épanouir, ce qui n’est pas le cas partout… notamment en Europe!

Un dernier mot sur la transmission… Sentez-vous un regain d’intérêt pour les sciences?

Les chercheurs doivent rendre les sciences accessibles. Concernant les maths, les débouchés dans les nouvelles technologies sont immenses, donc je suis confiante.

Entretien avec Hubert Gamelon

Conférence demain à 18 h 30, à l’université du Luxembourg, campus Kirchberg, salle Paul-Feidert.
Renseignements par courriel :
scac-education@institutfrancais-luxembourg.lu

Un commentaire

  1. Tant qu’on ne pourra prévoir le facteur humain (et c’est impossible) et le climat (aléatoire) la gestion ne pourra être qu’approximative.

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