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[Le portrait] Lucas Prudhomme, le patient luxembourgeois


(Photo : Luis Mangorrinha)

Après un début de carrière marqué par des échecs plus ou moins grands à Metz, Virton, Tarragone ou Liège, le milieu offensif de 25 ans, qui n’a renoncé ni au haut niveau ni à l’équipe nationale, revit à Knokke.

Le 4 février dernier, pour le compte de la 21e journée de Nationale 1, la 3e division belge, le Knokke FC a collé au Virton de Timothy Martin une manita* (une main, en espagnol) qui, si elle avait dû appartenir à quelqu’un, aurait sans doute été celle de son milieu offensif belgo-luxembourgeois Lucas Prudhomme, auteur d’un triplé qui porte à huit son nombre de réalisations en championnat (plus un but et une passe décisive en Coupe) en 2023/2024 – pile autant que sur ses quatre premières saisons cumulées à ce niveau, avec… Virton (2018-2020) et le RFC Liège (2021-2023). En plus de confirmer son retour au premier plan et de rendre chèvre le kop virtonais, très échaudé par une célébration chambreuse du gaucher, ce coup d’éclat est aussi un drôle de clin d’œil au passé de Prudhomme, ou à ce qu’aurait pu être son présent.

Ces trois buts, le natif d’Arlon aurait très bien pu les mettre à Martin aux entraînements de l’Excelsior, où il a lui-même passé neuf saisons avant de se retrouver, comme beaucoup d’autres, sur le carreau en septembre 2020, et été très proche d’un retour cet été. Ou de l’équipe nationale du Luxembourg, où il a été retenu une fois par Luc Holtz en février 2019 pour deux matches amicaux contre le club allemand de Sarrebruck, mais n’a pas honoré sa convocation pour ce que certains au Grand-Duché pensaient être une blessure diplomatique.

Jamais rappelé, la faute aussi à une carrière qui s’est enlisée avant son récent rebond flandrien, le joueur livre une tout autre version des faits, cinq ans après : «Ce rassemblement tombait hors des dates FIFA et au moment d’un changement d’entraîneur à Virton. Le propriétaire de Virton (Flavio Becca) s’était opposé à ma venue, car il voulait que tous les joueurs soient là pour la présentation du nouveau coach (Samuel Petit).» Si cet imbroglio lui reste encore aujourd’hui «en travers de la gorge», Lucas Prudhomme n’est pas du genre à ressasser le passé ni à s’apitoyer sur les quelques échecs ayant jalonné son parcours.

La fin de son idylle avec Virton et ses débuts avortés chez les Roud Léiwen sont, au même titre que son passage sans lendemain chez les U17 belges, son départ du centre de formation de Metz en 2014, son semestre (septembre 2020-février 2021) frustrant – sportivement parlant – au Gimnastic Tarragone (D3 espagnole) ou le non-renouvellement de son contrat au RFC Liège en juin 2023, dont il n’a pas suivi la montée en Challenger Pro League (D2) au terme de deux saisons mitigées, autant d’épisodes dont il se nourrit pour mieux poursuivre son «rêve» de «toucher le monde professionnel».

Du moins sa version premium : à Knokke, il est déjà sous contrat pro. «Peu importe les galères, théorise ce jeune homme au phrasé sûr et loin des clichés que peut véhiculer son métier. Ça ne sert à rien de s’éterniser dessus : ça ne va rien changer. Bien sûr que je suis humain, que j’ai des émotions et que j’ai connu des coups durs, mais je suis aussi très terre à terre. Il faut toujours regarder devant, penser à l’avenir, se demander, au lieu de te laisser abattre, ce que tu peux encore aller chercher. Ce que tu peux essayer de changer, de faire mieux.»

Peu importe les galères, ça ne sert à rien de s’éterniser dessus : ça ne va rien changer

Ce fameux rêve, l’ancien international U19 et U21 le vit notamment pour son frère aîné, âgé de 33 ans et qui, pour s’être «cassé la jambe très tôt», n’a ni développé la même volonté de percer ni «eu la même chance» que lui. Mais aussi pour cet entourage restreint («ma famille plus quatre-cinq amis») mais «ultraclean», ces parents qui l’ont «toujours accompagné», en particulier ce père ultra-impliqué, par sa disponibilité et ses conseils, dans son évolution footballistique… au risque de parfois susciter la frustration chez son rejeton. «Sur le trajet après les matches, même si j’avais marqué trois buts, il ne me parlait que de l’action que j’avais ratée…»

Ces propos ne sont pas sans rappeler une mythique tirade de Thierry Henry («Viry-Châtillon/Sucy-en-Brie. Coup d’envoi : 14 h. On gagne 6-0, et je mets les six buts. De Viry-Châtillon à Orsay où j’habitais, mon père m’a sorti toutes les erreurs que j’avais faites dans le match.»), mais Prudhomme, «très famille», n’éprouve assurément pas la même rancœur que l’ancien – illustre – international français : «C’était pour mon bien.»

Son bien, l’ancien Virtonais l’a un temps cherché en Espagne, un pays qui lui a «toujours parlé» et où «l’adaptation n’a pas été un problème». Mais à Tarragone, qu’il a rejoint à son départ de l’Excelsior, le milieu offensif ne s’est jamais imposé, la faute à une signature tardive, un groupe déjà constitué à son arrivée et des allers-retours mensuels en sélection U21 à l’automne 2020. C’est alors à Differdange, où son passage éclair (février-juin 2021) mais réussi (2 buts et 5 passes décisives en 12 matches) constitue l’une des rares traces qu’il a laissées au Grand-Duché, qu’il l’a brièvement trouvé, sans jamais envisager de s’éterniser dans une BGL Ligue pas encore assez structurée à son goût. Et c’est donc à Knokke-Heist, station balnéaire guindée du bord de la mer du Nord où il se rend quatre à cinq fois par semaine depuis Bruxelles pour s’entraîner ou jouer, que Prudhomme l’a retrouvé, ces derniers mois.

Je ne joue pas pour le prestige, mais pour être performant et savoir que je suis un joueur clé

Sous les ordres de Jannes Tant, ancien formateur à Genk et au Club Bruges, le n° 11 retrouve ce qu’il avait perdu à Liège ces deux dernières saisons : du temps de jeu, «le plaisir» et des responsabilités, dans un club où il se sent «apprécié», et un rôle de meneur de jeu qu’il affectionne plus que celui d’ailier et qui fait de lui «l’élément central» de son équipe. «Je ne joue pas pour le prestige, mais pour être performant et savoir que je suis un joueur clé, pose l’ancien Differdangeois. Si c’est pour être dans un grand club et m’asseoir sur le banc tous les week-ends… Bien sûr que j’ai envie d’aller plus haut, mais si c’est pour faire un pas en avant, puis dix en arrière, ça ne sert à rien. À bientôt 25 ans, j’ai besoin de jouer, dans un contexte qui me mette en confiance, me rassure et me permette de m’épanouir sur le terrain.»

Le reste viendra naturellement, veut-il croire. «Je sais que je ne suis plus tout à fait jeune dans le football, mais on dit qu’on atteint la maturité sportive à 28 ans», lance un Prudhomme «conscient de (ses) qualités» et que certaines carrières peuvent se décanter sur le tard. Y compris internationales : «Certains joueurs sont appelés pour la première fois à 30, 31 ou 32 ans. Je ne fais pas de fixette dessus, mais bien sûr que c’est dans un coin de ma tête et que j’espère goûter la sélection au moins une fois. Je me dis que si je suis performant, peut-être que ça viendra.» En ce moment, la première partie du contrat est plutôt bien remplie.

En bref 

Formé à Metz (2012-2014) et surtout à Virton (2009-2012 et 2014-2020), dont il a porté le maillot de l’équipe première lors de ses trois dernières saisons, Lucas Prudhomme a subi le retrait de la licence du club gaumais à la fin de l’été 2020. Passé par Tarragone (D3 espagnole) et Differdange en 2020/2021, et par le RFC Liège (D3 belge) entre 2021 et 2023, ce milieu offensif né à Arlon (Belgique) en 1999, également détenteur de la nationalité luxembourgeoise, brille cette saison avec le Knokke FC en D3 belge.

* Terme utilisé en Espagne pour désigner une victoire 5-0, faisant référence aux cinq doigts de la main.

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